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Hero and Leander (1598) : Chapman, héritier autoproclamé de Marlowe
Par Laetitia Sansonetti
Publication en ligne le 17 décembre 2012
Résumé
Many critics consider Marlowe’s Hero and Leander (1593) to be a separate entity, distinct from Chapman’s continuation published in 1598. This paper studies the poem as the joint product of two authors, a unit whose coherence lies in the narrative expectations created by Marlowe’s choice to deal with the famous legend of Hero and Leander.Hero and Leander thus defined can be seen to take part in a key Elizabethan literary phenomenon : how a literary community is established through rewriting, which involves repeating one’s sources, but also adding and substracting elements from the sources. By creating a dialectics of continuity and revision between his own text and Marlowe’s, Chapman’s strategy also helps shed light on the relationship between the narrator, telling the story, and the author, claiming responsibility for the work. Those two aspects combine to bring into focus a complex network of diachronic mechanisms of filiation and of synchronic techniques of affiliation. The desire for filiation is thus inscribed within the highly competitive context of patronage that determines conditions of affiliation. Because he was a contemporary of the authors who endeavoured to write a continuation to his poem, Marlowe’s case blurs distinctions between diachronic and synchronic phenomena, between desire and rivalry.
De nombreux critiques ont choisi de traiter Hero and Leander de Marlowe (1593) séparément de la continuation écrite par Chapman (1598). Partant du constat que Chapman mène à son terme une histoire bien connue dont Marlowe avait commencé le récit, cet article traite Hero and Leander comme une unité, le fruit d’une rédaction à deux auteurs.L’étude du poème en tant que totalité cohérente permet d’aborder un enjeu essentiel à l’époque élisabéthaine : l’établissement d’une communauté littéraire par la réécriture, qui implique la répétition, mais aussi l’ajout et la soustraction. L’analyse de la dialectique de la continuité et de la révision instaurée par Chapman entre le texte de Marlowe et le sien a également pour ambition de jeter une nouvelle lumière sur la relation entre le narrateur, qui raconte l’histoire, et l’auteur, qui assume la responsabilité de l’œuvre.La combinaison de ces deux aspects révèle l’imbrication du processus diachronique de filiation et du réseau synchronique d’affiliation. Il apparaît ainsi que le désir de filiation se manifeste dans le contexte concurrentiel de la recherche d’affiliations, en particulier dans le domaine du mécénat. Le cas de Marlowe, contemporain de ses continuateurs mais déjà mort quand ceux-ci entreprennent d’écrire une suite à son poème, vient brouiller les distinctions entre le diachronique et le synchronique, entre le désir et la rivalité.
Table des matières
Texte intégral
1Desunt nonnulla : il manque quelque chose. Que les deux mots placés par Edward Blunt à la fin de son édition du poème de Marlowe en 1598 aient été conformes à la réalité ou pas, ils incitaient à fournir une suite et une fin à Hero and Leander1. D’après la tradition, les deux héros éponymes, tombés amoureux au premier regard, se retrouvent régulièrement et en secret dans la tour isolée de Héro, prêtresse de Vénus, que Léandre rejoint à la nage en traversant l’Hellespont, jusqu’à ce qu’une tempête ne cause la noyade du jeune homme. Désespérée, Héro se jette du haut de sa tour. La version de Marlowe s’achève sur la consommation du désir, omettant la fin tragique : coup de poignard malheureux dans une taverne à Debtford ou perte d’intérêt pour l’histoire des amants infortunés, le débat fait rage parmi les critiques. Ce n’est pas cette piste que j’ai choisi de suivre ; je préfère envisager l’attrait exercé par la suggestion d’un manque, quelles qu’en soient les causes.
2L’histoire de Héro et Léandre était suffisamment connue pour susciter des tentatives d’achèvement dès 1598. Quelques mois après l’édition de Blunt, Paul Linley publiait ensemble les vers de Marlowe et la suite écrite par Chapman2, tandis que la continuation de Henry Petowe, publiée séparément, tombait rapidement dans l’oubli. Quelque chose, dans la version de Chapman, a poussé les éditeurs à l’imprimer à la suite du poème de Marlowe pour former un tout cohérent, « begun by Christopher Marloe ; and finished by George Chapman », jusqu’aux années 19703 ; mais quoi ? On pourrait arguer que Petowe n’était pas un concurrent bien sérieux. Mais la postérité n’a pas été tendre non plus avec les vers de Chapman, souvent critiqués pour leur ineptie poétique4. S’agit-il simplement d’un excellent « marketing » éditorial ?
3 Linley parvint à établir un lien entre sa propre édition des deux textes, celui de Chapman et celui de Marlowe, et l’édition de Blunt, en reproduisant la dédicace de Blunt à Sir Thomas Walsingham. Quant à Chapman, il dédicaçait son propre poème à Lady Walsingham, l’épouse de Sir Thomas, assimilant ainsi sa contribution à une compagne pour les vers de Marlowe, sur le modèle du couple marié formé par les deux dédicataires. Dans un passage de son poème qui fait écho à l’insistance de Blunt sur la transmission d’un héritage marlovien, Chapman mentionne confusément une conversation mystique avec l’âme de son prédécesseur. Là où l’éditeur déclarait : « By these meditations (as by an intellectuall will) I suppose my selfe executor to the vnhappily deceased author of this Poem5 », Chapman s’adresse ainsi au fantôme du défunt auteur : « Tell it how much his late desires I tender » (III.1956). Toutefois, la dédicace à Lady Walsingham ne contient pas une seule référence au nom de Marlowe7 : c’est « le divin Musée » qui est identifié comme « premier auteur » de l’histoire8.
4Cet exemple servira de paradigme à ma réflexion. Tout en se présentant comme un auteur désignant son prédécesseur en Musée, Chapman ne fait que répéter une expression employée par le narrateur au début du poème de Marlowe : « Whose tragedie divine Musaeus soong » (I.52). L’épithète « divin » était devenue un cliché appliqué à Musée, car le grammairien alexandrin du cinquième siècle de notre ère était confondu avec le contemporain d’Orphée aux origines de la poésie9. L’épithète était néanmoins restée attachée au poème de Marlowe, même dans la parodie publiée par Thomas Nashe en 1599, Nashes Lenten Stuffe : « hath anybody in Yarmouth heard of Leander and Hero, of whome divine Musaeus sung, and a diviner Muse than him, Kit Marlow10 ? »
5Mon objectif est de démontrer que Chapman se présente comme l’héritier de Marlowe en tant que co-auteur de Hero and Leander, jouant à la fois sur des mécanismes de transmission relevant de la filiation et sur des procédés d’imbrication destinés à créer un réseau commun d’affiliation. Le texte de Chapman réécrit celui de Marlowe en lui donnant de « nouvelles directions », ainsi qu’il l’explique au tout début de la continuation, mais reproduit aussi les traits caractéristiques de son prédécesseur, créant une cohérence interne entre les deux parties du poème par des procédés narratifs et rhétoriques.
6Je commencerai par étudier le rapport que Marlowe établit avec l’auteur Musée pour créer des attentes narratives qui demeurent frustrées. Je me tournerai ensuite vers le contexte de réception du poème de Marlowe afin de déterminer, dans un troisième temps, pourquoi la continuation de Chapman s’est imposée dès sa parution.
Marlowe, auteur et narrateur
Texte en quête d’auteur(s)
7L’epyllion de Musée fut l’un des premiers textes imprimés par Alde Manuce en 1494 et l’aura antique qui s’y attachait en faisait un objet vénérable digne d’imitation11. Les critiques désireux de souligner l’authenticité de la réécriture marlovienne préfèrent l’orthographe grecque à la latine : « Marlowe is closer to Mousaios than any other of the Renaissance adapters are, and he is also in many ways closer to Mousaios than he is to any of them12. » Pour Gordon Braden, que je viens de citer, être « plus proche de Mousaios » semble être le gage d’une plus grande originalité, dans les deux sens de proximité des origines et idiosyncrasie13. Quand Marlowe parle du « divin Musée » comme d’un prédécesseur, il se place dans la lignée des auteurs inspirés ; mais il le fait en mettant l’illustre Musée entre parenthèses, dans une proposition subordonnée au début de la description de Léandre : « Amorous Leander, beautifull and yoong,/ (Whose tragedie divine Musaeus soong) » (I.51-52).
8La version latine de l’histoire n’est pas postérieure à celle de Musée, comme on le croyait à la Renaissance, mais antérieure : il s’agit des Héroïdes XVIII et XIX d’Ovide, écrites à la fin du premier siècle avant notre ère. Ces deux lettres échangées entre les amants racontent leur première rencontre et expriment leur impatience de se revoir. Marlowe connaissait sans doute bien mieux les Héroïdes, au programme dans de nombreuses écoles anglaises au seizième siècle et traduites par George Turberville en 1567, que le poème de Musée, en grec ou en latin14. Mais lorsqu’il mentionne un échange de lettres entre les amants, les missives sont envoyées avant le premier rendez-vous et n’ont aucune utilité narrative puisque les personnages sont déjà convenus de se revoir. Elles n’ont aucune utilité expressive non plus, puisque leur contenu n’est pas divulgué (II.13-16) :
He being a novice, knew not what she meant,
But stayd, and after her a letter sent.
Which joyfull Hero answerd in such sort,
As he had hope to scale the beauteous fort […].
9En rappelant ainsi l’origine ovidienne de la légende pour mieux dénier tout intérêt aux lettres échangées, l’auteur indique qu’il connaît ses sources, même celles qu’il ne mentionne pas directement, tandis que le narrateur signale qu’il raconte l’histoire d’amants réunis, et non séparés.
10L’influence ovidienne est davantage sensible dans la forme du poème et l’éthos du narrateur que dans le contenu du récit. En effet, Marlowe avait traduit les Amours, sous le titre Ovid’s Elegies, probablement lorsqu’il était encore étudiant à Cambridge. Il réutilise dans Hero and Leander la même forme métrique que celle élaborée pour traduire les distiques élégiaques d’Ovide, le distique héroïque15. Il crée également une persona adaptée du locuteur des Élégies et du praeceptor amoris de l’Art d’aimer, narrateur expérimenté capable de fournir conseils et recommandations à ses lecteurs. Le narrateur de Marlowe est ainsi amateur de généralisations à partir de l’expérience des amants, sentences dont la rime et la mise en italiques renforcent l’effet gnomique. En voici deux exemples : « Relenting Heroes gentle heart was strooke/ Such force and vertue hath an amorous looke » (I.165-166) ; « He touched her hand, in touching it she trembled/ Love deeply grounded, hardly is dissembled » (I.183-184).
11Marlowe modèle la figure de son narrateur sur celle du locuteur des Amours, auquel il avait déjà redonné vie dans sa traduction ; il frustre ainsi les attentes du lecteur, n’évoquant ses prédécesseurs reconnus, Musée et l’Ovide des Héroïdes, que comme des détails entre parenthèses. Son véritable modèle pour cet epyllion, ce n’est pas tant Musée ou Ovide que lui-même dans son processus de traduction et d’adaptation d’Ovide commencé dès ses années à Cambridge.
Narration en quête d’achèvement
12Les caractéristiques de l’histoire de Héro et Léandre, telle qu’elle était connue à la Renaissance, ne sont toutefois pas totalement absentes du poème de Marlowe. Le début contient plusieurs références à la tradition tragique, dans des effets d’annonce qui créent une attente narrative et semblent orienter le récit vers la mort des amants. Dès le premier vers, l’Hellespont est qualifié de « coupable », « guiltie of True-loves blood » (I.1), tandis que Musée est mentionné un peu plus loin en tant qu’auteur d’une « tragédie » (I.52). Le narrateur joue ainsi avec l’analepse historique, en évoquant l’histoire racontée par Musée comme des événements appartenant au passé, donc connus ; il manipule également la prolepse narrative, en suggérant des développements possibles pour son propre récit, en accord avec la tradition. Les vers qui suivent la mention de Musée témoignent de sa volonté de s’inscrire dans cette tradition : « since him dwelt there none,/ For whom succeeding times make greater mone » (I.53-54). Le narrateur ne se contente pas de repérer son récit par rapport à la tradition qui a relayé l’histoire tragique de Héro et Léandre, il annonce par anticipation un malheur à venir au sein de son propre poème, en maudissant le jour de leur rencontre (« O cursed day and hower » [I.131]) et en promettant un développement funeste né de cette rencontre : « unhappilye,/ As after chaunced » (I.133-134). Ce début crée donc une persona hybride d’auteur-narrateur, inscrite dans l’histoire littéraire et chargée du nouveau récit.
13 Cet auteur-narrateur applique sa stratégie de frustration à son traitement des trois caractéristiques principales de l’histoire de Musée : la tour, la torche, et la traversée de l’Hellespont, qu’il déplace ou supprime. La tour n’est plus inaccessible : « Wide open stood the doore, hee need not clime » (II.19). Quant à la torche, sa lumière est remplacée par l’éclat sur les joues de Héro, « Heroes ruddie cheeke », indice à la fois de son désir et de sa honte après la nuit d’amour passée avec Léandre16. Le jeune homme ne meurt pas en traversant l’Hellespont au cours d’une froide nuit d’hiver, mais il est entraîné au fond de la mer par le dieu Neptune, qui est tombé sous son charme. Constatant que son mignon potentiel est au bord de la noyade (« under water he was almost dead » [II.170]), Neptune relâche à contrecœur Léandre et celui-ci parvient à gagner la rive, sain et sauf.
14 Le narrateur de Marlowe ne se contente donc pas d’escamoter les éléments essentiels de l’histoire, il les remplace par des équivalents parodiques privés de dimension tragique. L’exemple le plus frappant se trouve à la fin du poème, qui ne raconte pas la chute de Héro du haut de sa tour après une vaine nuit d’attente inquiète mais, après la nuit de passion partagée par les amants, montre une personnification de la Nuit se jetant du ciel dans l’Hadès : « Till she o’recome with anguish, shame, and rage,/ Dang’d downe to hell her loathsome carriage » (II.333-334).
15 Qu’il soit inachevé ou non, le poème crée ainsi les conditions de sa continuation, tout en assurant à son narrateur le statut d’auteur : dès avant sa parution en 1598, les références à Hero and Leander et à Marlowe se multiplient en Angleterre. Alors que la figure de Marlowe aurait pu devenir suspecte à la suite de son procès pour athéisme et autres crimes, ses confrères poètes lui créaient une réputation posthume de savant érudit, versant parfois dans la parodie. À peine était-il mort que Marlowe devenait un fantôme des temps anciens, un ancêtre dont la mémoire se mêlait à celle de Musée.
Marlowe perimortem : Shakespeare, Nashe, Chapman et les autres
La mémoire de Hero and Leander et le fantôme de Marlowe
16Durant les cinq ans qui séparent la rédaction du poème (et la mort de Marlowe) de sa première publication, l’histoire de Hero and Leander s’inscrit dans les mémoires, mais de manière imprécise, faute de texte imprimé ; ce sont donc quelques fragments que l’on retrouve dans le Narcissus de Thomas Edwards (1595), qui passe en revue les poèmes récents. Narcisse s’arrête sur Hero and Leander et interpelle son héros :
Welcome Leander, welcome, stand thou neere,
Alacke poore youth, what hast thou for a pawne,
What, not a rag, where’s Heroes vale of lawne ?
Her buskins all of shels ysiluered ore,
What hast thou noth ? then pack yonder’s the doore17.
17Le voile n’est plus l’instrument de la séduction, il est devenu une commodité que l’on peut mettre en gage, et dont Léandre aurait bien besoin pour renflouer ses finances. Cet extrait révèle la force de l’association entre les expressions « veil of lawn » (qui ne figure pas en ces termes dans Hero and Leander) et « buskins of shels all silvered » (I.31) et le poème de Marlowe dans l’esprit des lecteurs, mais aussi le potentiel comique d’une citation hors contexte, d’un démembrement du texte à la recherche d’expressions choisies.
18 Après la publication de Hero and Leander, Marlowe devient une source de maximes sur l’amour18. On a déjà remarqué la mise en italique de certaines généralisations dignes du praeceptor amoris ovidien ; ce sont justement ces généralisations que l’on associe à Marlowe en prenant le soin de rappeler qu’il est mort. Dans As You Like It (1599), Phoebe, sous le charme de Rosalind déguisée en homme, soupire : « Dead Shepherd, now I find thy saw of might,/ ‘Who ever loved that loved not at first sight19 ?’ ». La fiction de la pièce et la réalité de la scène poétique élisabéthaine se confondent dans l’invocation, par un personnage fictif, d’un auteur disparu transfiguré en berger, c’est-à-dire intégré dans le monde idyllique. Même lorsque la caution du « berger » donne de l’autorité à la maxime, le poème de Marlowe n’échappe pas à la réduction parodique qui semble être son lot :
Rosalind. Leander, he would have lived many a fair year though Hero had turned nun if it had not been for a hot midsummer night, for, good youth, he went but forth to wash him in the Hellespont and, being taken with the cramp, was drowned ; and the foolish chroniclers of that age found it was Hero of Sestos. But these are all lies. Men have died from time to time, and worms have eaten them, but not for love20.
19Alors qu’il est clairement fait référence à Marlowe, « Dead Shepherd », c’est le dénouement traditionnel de l’histoire et non la fin abrupte de 1593 qui lui est associé. Marlowe est donc davantage l’auteur d’expressions isolées que le narrateur d’un récit cohérent.
20Quinze ans plus tard, la même impression se dégage de la scène de Bartholomew Fairpour laquelle Ben Jonson imagine un spectacle de marionnettes dont Héro et Léandre sont les protagonistes:
Cokes. But do you play it according to the Printed Book ? I have read that.
Leatherhead. By no means, Sir.
Cokes. No ? How then ?
Leatherhead. A better way, Sir, that is too Learned and Poetical for our Audience, what, do they know what Hellspont is ? Guilty of true Loves Blood ? or what Abidos is ? or the other Sestos height ?
Cokes. Th’ art i’ the right, I do not know my self.
[…]
Little-wit. I have only made it a little easie, and Modern for the Times, Sir, that’s all : As for the Hellespont, I imagine our Thames here ; and then Leander I make a Dyer’ Son about Puddle-Wharf ; and Hero a Wench o’ the Bank-side…21.
21Parce que le récit de Marlowe n’est plus compréhensible pour le public jacobéen, Little-Wit l’adapte en modernisant l’époque et le lieu. Il situe l’histoire à Londres et choisit des héros parmi les types sociaux de la population contemporaine, réduisant au passage l’intervention de Cupidon aux effets de l’alcool. Jonson avait beau n’être le cadet de Marlowe que de huit ans, il associe les choix formels et thématiques de son aîné à un genre daté, impropre à satisfaire les attentes du nouveau public londonien. Les expressions caractéristiques du poème, déjà citées de manière ironique par Edwards, sont ici réduites à une suite de sons dépourvus de sens. La mort semble bien avoir mis Marlowe à distance de ses contemporains, devant qui il apparaît comme un fantôme.
22Une dizaine d’années avant Bartholomew Fair, Ben Jonson avait déjà mentionné le poème de Marlowe, et plus précisément le texte imprimé auquel Cokes fait explicitement allusion, dans sa comédie Everyman in His Humour, dont l’un des personnagesessaie de faire croire qu’il est l’auteur d’une « élégie » improvisée :
Matheo. Rare creature let me speake without offence,
Would God my rude woords had the influence :
To rule thy thoughts, as thy fayre lookes do mine,
Then shouldst thou be his prisoner, who is thine.
Lorenzo Jr. S’hart, this is in Hero and Leander ?
[…] Well ile haue him free of the brokers, for he vtters nothing but stolne remnants. Prospero. Nay good Critique forbeare.
Lorenzo jr. A pox on him, hang him filching rogue, steale from the deade ? its vvorse then sacriledge22.
23Matheo n’a pas composé « extempore23 » comme il le prétend, mais a cherché à usurper la propriété du texte d’un autre. Une nouvelle fois, on constate que Marlowe mort peut devenir personnage de fiction, voyager entre le monde de l’auteur (et des spectateurs) et celui des personnages de la pièce.
24Afin de profiter du succès de Hero and Leander, dont témoignent les parodies, avant que le pouvoir corrosif de la parodie n’érode le potentiel financier d’une continuation, il fallait faire vite. Et il fallait faire de « Marlowe » un auteur respectable, susceptible d’apporter la caution publicitaire indispensable à la promotion de tout poème se réclamant de Hero and Leander. Chapman comme Petowe affirment donc la grandeur du défunt Marlowe, dont l’âme a rejoint l’autre monde. Alors que Chapman semble faire allusion au supplice de Tantale, immergé dans le fleuve de son châtiment sans pouvoir se désaltérer (« Up to the chin in the Pyerean flood » [III.18924]), Petowe donne à voir un Marlowe en gloire, triomphant (« Marlo late mortall, now fram’d all diuine,/ […] Liue still in heauen thy soule, thy fame on earth25 »). La différence essentielle réside dans le rapport, ténu mais authentique, que Chapman revendique posséder avec l’auteur qui l’a précédé comme relais dans la transmission de la légende (« Drunke to me halfe this Musaean storie » [III.190]). Pour Petowe, en revanche, aucun mortel n’est de taille à se mesurer à Marlowe ; il est donc plus sûr de faire référence à un « gentilhomme de ses amis » comme source de l’humble continuation et de se placer dans une tradition vernaculaire italienne moins érudite que la lignée grecque de Chapman26.
Auteurs en quête de mécène
25Peut-on avoir un concurrent mort ? Les pièces de Marlowe se jouent toujours après sa mort, ses poèmes sont publiés, mais à qui profite cette réussite ? Pour ses contemporains qui lui ont survécu, et qui ont été ses rivaux tout autant que ses collaborateurs, Marlowe doit devenir un modèle pour que sa postérité leur assure la protection d’un mécène. Georgia Brown explique la saillance de certains éléments du poème de Marlowe dans un contexte de « concurrence intra-communautaire », comme par exemple dans Nashes Lenten Stuffe, ou As You Like It de Shakespeare27. Petowe semble faire directement allusion à une telle concurrence lorsqu’il mentionne, dans la dédicace à Guilford, les critiques auxquelles sa tentative de continuation l’a exposé de la part de ses rivaux : « though not so well as diuers riper wits doubtles would haue done : but as it is rude and not praise worthy : so neyther doe I expect praise nor commendations. This therefore is the cause of their sodayne enmitie, that I being but a flie dare presume to soare wyth the Aegle28. » La dédicace de Chapman à Lady Walsingham, en écho à celle offerte par un autre éditeur (Blunt) à Sir Thomas, témoignerait donc de l’enjeu réel de la continuation : conférer au poème Marlowe une valeur littéraire sanctionnée par la protection, plus ou moins appuyée, d’un puissant, c’est s’assurer un revenu pour sa propre production.
26Avant d’être parodié par Nashe et Shakespeare et érigé en modèle par Chapman et Petowe, Marlowe avait sans doute été le participant d’une lutte poético-commerciale impliquant Nashe, Shakespeare et peut-être Chapman, afin de gagner le mécénat du comte de Southampton, Henry Wriothesley. Il ne s’agit pas ici d’évaluer les hypothèses sur les rapports érotiques qu’aurait entretenus Shakespeare avec le comte et dont témoigneraient les Sonnets adressés au jeune homme29, mais plutôt de montrer que la poésie mythologique a constitué un genre privilégié pour solliciter son soutien financier. Avant même la composition de Hero and Leander, l’histoire de Héro and Léandre est sur toutes les lèvres, d’après Abraham Fraunce :
Leander and Heroes loue is in euery mans mouth : the light of the lanterne or lampe extinct (that is, naturall heate fayling) lust decayeth, and Leander tossed with the cold storme of old age, is at last drowned. Ouid in his epistles passionately setteth it downe, and Boscan hath made a whole volume of it in spanish, entituled Historia de Leandro y Hero30.
27Selon Katherine Duncan-Jones, les mythes rappelés par Fraunce dans l’Yvychurch auraient donné l’idée à Marlowe, mais aussi Shakespeare, pris à partie comme lui dans la controverse lancée par Robert Greene dans A Groatsworth of Wit en 1592, de redorer leur blason littéraire en écrivant des poèmes mythologiques inspirés de la tradition antique et destinés à un lectorat plus cultivé que le public des théâtres31. Tandis que Shakespeare se chargeait du mythe de Vénus et Adonis (Venus and Adonis, 1593), Marlowe racontait la légende de Héro et Léandre32.
28Il est vrai que les points communs sont nombreux. Outre la date de rédaction, probablement 1593 pour les deux poèmes, le vocabulaire établit un lien direct entre Venus and Adonis et Hero and Leander, sans que les critiques aient réussi à établir lequel précède (et influence) l’autre. Adonis est qualifié de « proud » par Marlowe (Hero and Leander, I.14), adjectif qui correspond au comportement de l’Adonis shakespearien (« ‘be not proud’ », supplie Vénus [Venus and Adonis, 11333]). L’adjectif composé « rose-cheeked » apparaît également dans les deux poèmes (Venus and Adonis, 3 ; Hero and Leander, I.193). Alors que la plupart des critiques privilégient l’hypothèse d’une influence de Marlowe sur Shakespeare34, Robert A. Logan va à l’encontre de ce consensus : « My guess is that neither writer had read the other’s epyllion when he wrote his poem ; if either had, he rejected it outright as a model for his own epyllion ». Une telle alternative n’est pas tenable : le rejet ne peut être l’équivalent de l’ignorance mutuelle35. Il me semble que la relation entre Shakespeare et Marlowe se laisse mieux comprendre si on la replace dans le contexte de « concurrence intra-communautaire » que Georgia Brown a identifié autour de l’héritage de Marlowe.
29Même si l’hypothèse selon laquelle Marlowe et Chapman essayaient de gagner les faveurs de Southampton repose sur des arguments ténus36, la concurrence entre Shakespeare et Nashe est avérée. Thomas Nashe avait en effet dédié à « lord S. » son Choise of Valentines, poème licencieux qui ne circula probablement que sous forme de manuscrit. John S. Farmer estime que le poème de Nashe, écrit sans doute avant The Unfortunate Traveller (17 septembre 1593), précède celui de Shakespeare37. Les deux péritextes présentent de nombreux points communs, notamment la promesse d’un travail plus « grave » (« better lynes ere long shall honor thee » dans la dédicace et « Thy praises in large volumes shall rehearce,/ That better maie thy grauer view befitt » dans l’envoi38) et la référence à Ovide.
30 Shakespeare et Nashe dédient à Southampton des poèmes présentés comme des distractions érotiques dans l’attente d’œuvres plus sérieuses. Un an avant Venus and Adonis, John Clapham s’était lancé dans la course au mécénat, imitant Ovide non seulement dans le choix du sujet (le mythe de Narcisse) mais aussi dans la langue. Dans ce poème en latin, le refus du vernaculaire traduit l’intention de s’élever au-dessus de ses rivaux potentiels, qui s’expriment en anglais39. Or, Clapham mentionne l’histoire de Héro et Léandre, ce qui peut signifier qu’il a eu connaissance du poème de Marlowe pendant sa phase de rédaction, ou bien, plus probablement, que c’est Marlowe qui est entré dans la compétition en développant quelques vers du Narcissus40. S’approprier l’histoire racontée par un autre en pastichant son style afin d’éliminer un rival potentiel en affirmant sa propre supériorité : après avoir utilisé cette technique contre Clapham, Marlowe devient la victime post mortem de ces attaques habituellement réservées à un concurrent vivant que l’on souhaite empêcher de nuire, c’est-à-dire de réussir à occuper seul le devant de la scène.
31Deux rapports au fantôme de Marlowe apparaissent donc : pour certains, il est le concurrent que l’on continue de parodier même après sa mort pour le mettre à distance parce que sa présence est toujours menaçante ; pour d’autres, il devient le modèle révéré que l’on doit exalter pour se placer dans une lignée de grands auteurs41. Chapman assure la transition de l’un à l’autre par un tour de force : s’intégrer au poème de Marlowe en reproduisant tout en les modifiant sans les parodier certaines caractéristiques linguistiques, structurelles et thématiques.
Chapman, interprète-traducteur
Un Marlowe plus grec ou un Chapman plus marlovien ?
32 De même que la version de Marlowe s’inscrit dans le contexte de ses traductions latines, la version de Chapman est à mettre en rapport avec sa pratique en tant que traducteur d’œuvres grecques. Il peut donc s’avérer fructueux de comparer le poème publié en 1598 avec sa traduction de l’epyllion de Musée, qui paraît en 1616 sous le titre The divine poem of Musaeus, First of all bookes. Translated according to the original, by Geo : Chapman42. La Préface au Lecteur ne fait aucune mention de la continuation publiée en 1598. Lorsque Hero and Leander est mentionné, il est uniquement attribué à Marlowe et fonctionne comme un repoussoir :
WHen you see Leander and Hero, the Subiects of this Pamphlet ;/ I perswade my self, your preiudice will encrease to the contempt of it ; eyther headlong presupposing it, all one ; or at no part matcheable, with that partly excellent Poem,/ of Maister Marloes. For your all one ; the VVorkes are in nothing alike ; a different Character being held through, both the Stile, Matter, & inuention. For the match/ of it ; let but your eyes be Matches, and it will in many parts ouermatch it43.
33Le poème de Marlowe a transformé Musée en objet de désir mimétique, dont l’évocation, voire l’invocation, crée des relations de rivalité entre des poètes autrefois collaborateurs.
34Le poème de 1598 n’est toutefois pas totalement absent de la traduction, pour laquelle il semble jouer le rôle d’un travail préparatoire. On retrouve par exemple dans la traduction une image déjà présente chez Marlowe et dans la continuation de Chapman lui-même : le mélange d’ombre et de lumière caractéristique de l’aube, qui sert de métaphore à l’état d’esprit de Héro après sa défloration. La formulation de la traduction, « Darknesse deck’t the Bride », est pratiquement identique dans la continuation, « darknes decks the Bride » (III.154).
35Bien avant sa traduction de Musée, Chapman avait déjà publié, justement en 1598, sa traduction des sept premiers chants de l’Iliade. Il n’est donc pas anodin qu’il ait choisi de diviser Hero and Leander en « Sestiades », alors que le texte de Marlowe se présentait d’un seul bloc. De même que Marlowe avait intégré son travail de traduction d’Ovide dans son poème sur Héro et Léandre, Chapman fut influencé par sa lecture assidue (en grec, et plus probablement en latin) d’un autre célèbre prédécesseur grec, Homère. L’influence est sensible dans le recours fréquent à des épithètes composées, sur le modèle rendu célèbre par Homère, caractéristique stylistique que l’on trouve moins fréquemment chez Marlowe44. En voici quelques exemples : « His Hero-handled bodie, whose delight/ Made him disdaine each other Epethite » (III.21-22), « golden-fingred India » (III.207), « her Cupid-prompted spirit » (III.341), « Jove-lov’d Leucote » (IV.236), « The other bountie-loving Dapsilis » (IV.237).
36Achever le « fragment » marlovien signifie alors l’interpréter comme un texte à traduire ; le bon traducteur, d’après Chapman, sait saisir l’esprit de l’auteur initial et reproduire les particularités stylistiques dans la langue d’arrivée45. Le bon continuateur sera donc capable de reproduire les particularités stylistiques du premier auteur dans de nouveaux contextes46. Ainsi, le narrateur de la seconde partie reprend des tournures de phrases déjà utilisées dans la première partie afin de construire une unité rhétorique. On a souligné l’importance de l’épithète homérique pour Chapman ; Marlowe, quant à lui, semble préférer les adjectifs simples, associés à des déictiques dans le cadre d’une asyndète à valeur intensive, comme dans l’exemple suivant : « to play upon those hands, they were so white » (I.30). On retrouve cette formule dans la seconde partie : « and she was term’d his Dwarfe she was so small » (V.70). Les deux constructions, épithète homérique et asyndète marlovienne, fusionnent même parfois : « Love-blest Leander was with love so filled » (III.83). Alors que Chapman essayait de donner un tour grec à Marlowe, c’est Marlowe qui joue un tour au grec de Chapman.
Narrateur en quête de forme
37 Pour achever l’histoire débutée dans le poème de Marlowe, Chapman reproduit la stratégie que Marlowe avait mise en œuvre dans sa propre relation à « Musée » : l’ajout, la soustraction et le déplacement. Lorsqu’il organise le poème en « Sestiades », Chapman ajoute au début de chacune des six sections ainsi créées un « Argument » de quelques vers qui en résume le développement. Cette synthèse anticipée façonne les attentes du lecteur de la même façon que les ébauches de prolepses dont le premier narrateur avait parsemé le début de son récit47. Ces prolepses cessent d’être de fausses pistes une fois que la destinée tragique des deux héros s’accomplit.
38 Pour achever l’histoire, il fallait aussi rendre compte des incohérences laissées en suspens par Marlowe. Le lecteur de la seconde partie obtient ainsi une explication de la chasteté de Vénus, qui conditionne le vœu de virginité de Héro, dont Léandre avait souligné le caractère saugrenu (I.299-310). Les arguments de Léandre sont pris en compte dans le récit d’un pari entre Diane, véritable déesse chaste, et une Vénus hypocrite qui essaie de masquer sa propre dépravation sexuelle en exigeant de ses prêtresses qu’elles se vouent au célibat (IV.276-283, 315-330).
39 Le récit enchâssé des aventures d’Hymen et Eucharis, raconté à la Sestiade V, reproduit le procédé marlovien de digression. Entre le moment où Héro est frappée d’amour pour Léandre et celui où elle s’évanouit figure, en effet, un long récit enchâssé (plus de cent vers) qui relate les aventures champêtres du dieu Mercure et d’une bergère qu’il tente de séduire48. Les amours heureuses d’Hymen et Eucharis fournissent à Chapman un contrepoint au sort terrible de Héro et Léandre parce que leurs aventures se concluent par un mariage suivi d’une nuit de noces, à l’inverse de la nuit d’amour illicite des héros principaux, qui n’a été précédée d’aucune cérémonie. Ce récit permet également de contredire l’interprétation d’Hymen qui avait été donnée par Léandre dans la première partie : il n’est pas le promoteur de rencontres sexuelles sans lendemain, mais le dieu du mariage, divinisé pour avoir su se plier aux conventions49.
40Pour expliquer l’inachèvement du poème de Marlowe, certains critiques arguent que la fin tragique n’aurait pas été en accord avec son choix de traiter l’histoire sur le mode comique50. Chapman semble avoir perçu (et partagé) la réticence de Marlowe à conclure sur la mort des amants. Il utilise la technique marlovienne d’ajout par digression comme un instrument rhétorique pour se construire une persona, et en construire une pour le premier narrateur par la même occasion. Lorsqu’il déclare par exemple : « I grieve so to display,/ I use digressions thus t’encrease the day » (V.495-496), le second narrateur assimile la digression à une marque de compassion. En même temps qu’il se présente en narrateur compatissant, il absorbe dans ce nouvel éthos le premier narrateur, qui apparaissait au contraire détaché et souvent moqueur, voire cruel.
41Chapman ne se contente pas de récupérer une technique marlovienne, l’ajout de matériau narratif sans lien direct avec l’histoire afin de repousser le dénouement. Bien que son poème soit né d’une volonté de mener le récit à son terme, Chapman clôt sa partie sur un ajout tout aussi peu orthodoxe que l’omission béante de Marlowe. Dans une sorte d’hyperbate narrative, il accorde aux amants morts d’être métamorphosés en chardonnerets, oiseaux qui, parce qu’ils volent toujours par deux, sont un emblème de l’amour sincère. Chacune de leurs caractéristiques physiques est reliée précisément à un élément psychologique ou factuel dans l’histoire de Héro et Léandre qui vient d’être racontée. Voilà comment Chapman corrige les métamorphoses salaces des dieux par lesquelles Marlowe avait débuté son poème, en proposant une métamorphose de l’amour pur et non du désir charnel.
42On se souvient que Thomas Nashe avait clairement identifié Marlowe comme l’un des auteurs, avec Musée, de la fable. Or, dans Nashes Lenten Stuffe, il métamorphose Héro en hareng et Léandre en lingue. En concluant sa parodie sur une métamorphose, Nashe entérine la ruse de Chapman, qui validait son ajout, probablement inspiré des Métamorphoses d’Ovide51, en l’intégrant à la tradition poétique relative à Héro et Léandre : « They were the first that ever Poet sung » (VI.293).
Le désir frustré, analogie de l’écriture
43La digression concernant les amours d’Hymen et Eucharis ne sert pas uniquement à corriger certains aspects de la représentation du désir, ou à allonger le récit afin de repousser le dénouement funeste. Elle fournit un exemple d’ascension sociale illustré par l’entrée d’un homme de rang inférieur dans une famille réputée. En sauvant sa belle, Hymen gagne le droit de l’épouser, le mérite compensant l’absence de fortune et de titre. La digression sur Mercure mobilise des enjeux semblables, reliant l’ambition et l’amour. Sa première fonction est d’expliquer le refus opposé par les Parques à la requête de Cupidon, venu plaider la cause de Héro et Léandre auprès des déesses maîtresses de la destinée. Mais ce n’est pas la seule explication fournie dans ces vers ; en effet, la fable impliquant les aventures amoureuses de Mercure avec une bergère et la vengeance des Parques trompées par le dieu se conclut sur une étiologie du statut social inférieur auquel sont condamnés les poètes (II.473-482) :
Likewise the angrie sisters thus deluded,
To venge themselves on Hermes, have concluded
That Midas brood shall sit in Honors chaire,
To which the Muses sonnes are only heire :
And fruitfull wits that in aspiring are,
Shall discontent run into regions farre ;
And few great lords in vertuous deeds shall joy,
But be surpris’d with every garish toy.
And still inrich the loftie servile clowne,
Who with incroching guile, keepes learning downe.
44La pauvreté et le mépris réservés aux poètes sont les sujets de prédilection de Chapman dans ses préfaces, à commencer par sa préface à Lady Walsingham, qui reprend presque terme à terme la satire de Marlowe :
Accept it therfore (good Madam) though as a trifle, yet as a serious argument of my affection : for to bee thought thankefull for all free and honourable favours, is a great summe of that riches my whole thrift intendeth. Such uncourtly and sillie dispositions as mine, whose contentment hath other objects than profit or glorie ; are as glad, simply for the naked merit of vertue, to honour such as advance her, as others that are hired to commend with deepeliest politique bountie. It hath therefore adjoynde much contentment to my desire of your true honour to heare men of desert in Court, adde to mine owne knowledge of your noble disposition, how glady you doe your best to preferre their desires ; and have as absolute respect to their meere good parts, as if they came perfumed and charmed with golden incitements52.
45C’est là, me semble-t-il, que se trouve le point d’articulation entre les deux parties, le nœud qui en fait un seul poème : Chapman et Marlowe appartiennent à la même lignée des fils d’Hermès, condamnés à vivre dans la pauvreté53. La généalogie commune de la poésie et de la pauvreté dans l’étiologie de Marlowe devient la satire de l’exclusion sociale dans l’analogie de Chapman.
46La satire prend une importance croissante dans la sixième et dernière Sestiade, qui relate la traversée fatale de l’Hellespont en comparant systématiquement l’amoureux Léandre à un courtisan peu aguerri dupé par les mensonges de la Cour et des courtisanes54. Les réflexions générales sur la vanité des courtisans font place à une diatribe écrite à la première personne du singulier (VI.143-148) :
[…] yet I needes must see
Our painted fooles and cockhorse Pessantrie
Still still usurp, with long lives, loves, and lust,
The seates of vertue, cutting short as dust
Her deare bought issue ; ill, to worse converts,
And tramples in the blood of all deserts.
47Témoin (et victime) de l’arrivisme élisabéthain, le narrateur adopte la même posture critique que Chapman dans sa dédicace, ce qui invite à identifier les deux figures. Il ne faut pas oublier que cette diatribe constitue une excroissance développée à partir d’une comparaison entre Léandre et un jeune courtisan naïf. Est-on alors en droit d’établir un parallèle entre Léandre qui ne parvient pas à retrouver Héro à cause de la mesquinerie du destin et Chapman qui ne parvient pas à trouver un mécène à cause de la mesquinerie des courtisans arrivistes ? L’échec érotique de Léandre pourrait bien servir de trope à l’échec littéraire de Chapman.
48Pour construire la collaboration entre auteurs exprimée dans le titre de l’édition de Linley, Chapman a construit une collaboration entre narrateurs. À la différence de Petowe, qui avait mentionné le nom de Marlowe neuf fois en trente-six vers, Chapman préfère faire référence de manière implicite à son prédécesseur ; dans la préface à sa traduction de 1616, il devait même insister sur les différences. Pourtant, en écrivant après Marlowe, Chapman a écrit comme Marlowe. Les disparités de point de vue et de style entre les deux poètes sont indéniables, mais elles s’ancrent dans une poétique commune d’imitation et d’émulation qui permet d’enrichir notre conception de la transmission autoriale.
49L’affirmation d’une identité en tant qu’auteur se fait paradoxalement dans un genre marginal, l’epyllion ; Chapman qualifie d’ailleurs sa contribution de « babiole » dans la dédicace, coquetterie fréquente parmi les poètes mais pas chez lui. L’analyse de Georgia Brown à propos de Marlowe me semble pertinente aussi pour Chapman : « Hero and Leander is not simply a serious trifle, it is important because it is a trifle55 ». L’importance de ces « babioles » est manifeste lorsqu’on les replace dans leur contexte de production et qu’on s’intéresse au revenu qu’espéraient en tirer leurs auteurs. Capitaliser sur la réputation d’un mort tel que Marlowe n’est pas chose aisée, car sa présence continue de peser sur ses contemporains, hier encore ses rivaux et/ou collaborateurs. Chapman y parvient en plaçant son prédécesseur dans les limbes littéraires et en présentant sa continuation à la fois comme une imitation et comme une collaboration, en accord avec sa conception de la traduction comme un dialogue entre grands esprits poétiques56.
50Plutôt que de reprocher à Chapman d’avoir irrémédiablement conditionné (et gâché) notre lecture du poème de Marlowe57, je crois que nous devrions lui être reconnaissants de ses efforts pour créer une persona d’auteur pour lui-mêmeet pour Marlowe, parce qu’il donne autorité à une image de Marlowe tout aussi valable, et tout aussi exacte (ou tout aussi fausse) que la figure sulfureuse de l’athée espion qui fascine les critiques depuis des générations. La continuation de Chapman permet de comprendre comment Marlowe, constructeur de figures démesurées comme Faust, Tamerlan ou Barabas, est lui-même devenu une construction littéraire destinée à servir les ambitions poético-mercantiles de ses héritiers autoproclamés.
Bibliographie
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Notes
1 Henry Petowe intitule sa suite : The Second Part of HERO and LEANDER Conteyning their further Fortunes (Londres, Andrew Harris, 1598, STC [2e édition] 19807). Pour l’argument selon lequel le poème de Marlowe n’est pas un fragment et une synthèse du débat jusqu’au milieu des années 1980, on se reportera à Marion Campbell, « ‘Desunt Nonnulla’: The Construction of Marlowe’s Hero and Leander as an Unfinished Poem », English Literary History 51/2 (Summer, 1984), p. 241-268.
2 Christopher Marlowe et George Chapman, Hero and Leander: begun by Christopher Marloe; and finished by George Chapman, Londres, Paul Linley, 1598, STC (2e édition) 17414. Le texte de Marlowe figurait au Stationers’ Register depuis 1593 (entrée du 28 septembre), l’année de sa mort, si bien que les éventuels émules avaient eu quelques années pour mettre au point leur propre version ; ils avaient du moins eu quelques mois, l’édition de Blunt ayant paru en mars 1597/1598. Voir Marion Campbell, op. cit., p. 245, pour une réflexion sur les relations possibles entre les deux éditions.
3 Dès la parution de la version « complétée » par Chapman, en 1598, Francis Meres associait les deux poètes : « As Musaeus, who wrote the love of Hero and Leander, had two excellent scholars, Thamyras & Hercules, so hath he in England two excellent poets, imitators of him in the same argument and subject, Christopher Marlowe and George Chapman » (Francis Meres, Palladis Tamia, Wits treasury being the second part of Wits common wealth, Londres, Cuthbert Burbie, 1598, STC [2e édition] 17834, p. 282 r°). Pour la publication du poème de Marlowe seul, voir Christopher Marlowe, Hero and Leander, édition de Louis Martz, New York, Jonson Reprint Corporation, Washington D. C., The Folger Shakespeare Library, 1972. Martz conserve « desunt nonnulla », comme dans l’édition de Blunt, mais affirme : « nothing is lacking » (p. 10).
4 Par exemple Tucker Brooke : « in general, Chapman’s part of the poem is confused, obscure, and dull » (The Works of Christopher Marlowe, édition de C.F. Tucker Brooke, 1910 ; Oxford, Clarendon Press, 1966, p. 487).
5 Hero and Leander By Christopher Marloe, Londres, Edward Blunt, 1598, STC (2e édition) 17413, A iii.
6 Christopher Marlowe, Hero and Leander, inThe Collected Poems of Christopher Marlowe, édition de Patrick Cheney et Brian J. Striar, Oxford, Oxford University Press, 2006.
7 À la suite de Martz, Roma Gill affirme : « there is no link between the two writers, and not even in his dedicatory espitle does Chapman suggest that he is carrying out the wishes of his late contemporary » (voir son édition de The Complete Works of Christopher Marlowe, Vol. I : All Ovids Elegies, Lucans First Booke, Dido Queene of Carthage, Hero and Leander, Oxford, Clarendon Press, 1987, 1998, p. 185).
8 Christopher Marlowe et George Chapman, op. cit., Dédicace de Chapman à Lady Walsingham, E3 v° : « so trifeling a subject, which yet made the first Author, divine Musaeus, eternall ».
9 Voir Virgile, Énéide, VI.667-668 : « Musaeum ante omnes, medium nam plurima turba / hunc habet, atque umeris exstantem suspicit altis ».
10 Thomas Nashe, Nashes Lenten stuffe containing, the description and first procreation and increase of the towne of Great Yarmouth in Norffolke: with a new play neuer played before, of the praise of the red herring. Fitte of all clearkes of noblemens kitchins to be read: and not vnnecessary by all seruing men that haue short boord-wages, to be remembered, Londres, N[icholas] L[ing] et C[uthbert] [Burby], 1599, STC (2e édition) 18370, p. 42.
11 Voir Millar McLure, Introduction à son édition de Christopher Marlowe, The Poems, Londres, Methuen & Co. Ltd, 1968, p. xxv. L’epyllion hellénistique est un poème narratif d’une longueur allant jusqu’à six cents hexamètres et ayant pour sujet un épisode dans la vie d’un héro ou d’une héroïne de la mythologie. Voir Mary Marjorie Crump, The Epyllion from Theocritus to Ovid, 1931 ; Bristol, Bristol Classical Press, 1997 et Adrian Hollis, « The Hellenistic Epyllion and Its Descendants », in Scott Fitzgerald Johnson (éd.), Greek Literature in Late Antiquity – Dynamism, Didacticism, Classicism, Aldershot, Burlington, VT, Ashgate, 2006, p. 141-157 (en particulier p. 154-155 pour Musée). Pour un bilan critique détaillé de la question et une synthèse des enjeux génériques, on pourra se reporter à la première partie d’Anna Maria Wasyl, Genres Rediscovered: Studies in Latin Miniature Epic, Love Elegy and Epigram of the Romano-Barbaric Age, Cracovie, Jagiellonian University Press, 2011, en particulier p. 13-29.
12 Gordon Braden, The Classics and English Renaissance Poetry, New Haven, Londres, Yale University Press, 1978, p. 124.
13 Même T. W. Baldwin, qui estime que Marlowe a utilisé la traduction latine de Marcus Musurus plutôt que l’original grec, conclut néanmoins : « but finally he simply followed the trend of Musaeus » (T. W. Baldwin, « Marlowe’s Musaeus », Journal of English and Germanic Philology 54 [1955], p. 478-85, p. 485).
14 Ovide, traduit par George Turberville, The heroycall epistles of the learned poet Publius Ouidius Naso, in English verse, Londres, Henry Denham, 1567, STC (2e édition) 18939.5. Voir T. W. Baldwin, William Shakspere's Small Latine and Lesse Greeke, Urbana, University of Illinois Press, 1944, Vol. II, p. 239-240.
15 D’après Roma Gill, cette forme n’était guère à la mode dans l’Angleterre des années 1580 (Marlowe, The Complete Works of Christopher Marlowe, p. 3).
16 En accord avec les interprétations médiévales qui en faisaient le symbole de la passion amoureuse. Voir par exemple Ovide moralisé en prose [ms. Vatican, Reg. 1686], édition de C. de Boer, Verhandelingen der Koninklijke Nederlandse Akademie van Wetenschappen, afd. Letterkunde, Nieuwe Reeks, Deel LXI, No.2, Amsterdam, North Holland Publishing Company, 1954, Livre IV, p. 152.
17 Thomas Edwards, Cephalus and Procris. Narcissus, Londres, 1595, st. 22 ; édition de W. E. Buckey, Londres, Nichols and sons, 1882, p. 43 (texte accessible en ligne : http://www.archive.org/stream/cu31924013121045#
18 Voir Roy Booth, « Hero’s Afterlife: Hero and Leander and ‘lewd unmannerly verse’ in the late Seventeenth Century », Early Modern Literary Studies 12/3 (January, 2007), 1-24 (accessible en ligne : http://purl.oclc.org/emls/12-3/boother2.htm; consulté le 01/09/2012). Voir aussi William Keach, Elizabethan Erotic Narratives. Irony and Pathos in the Ovidian Poetry of Shakespeare, Marlowe, and Their Contemporaries, Hassocks, The Harvester Press, 1977, p. 119-133.
19 William Shakespeare, As You Like It, iii.v.82-83 (in The Norton Shakespeare, édition de Stephen Greenblatt, Walter Cohen, Jean E. Howard, Katharine Eisaman Maus, New York et Londres, W. W. Norton & Company, 1997), qui cite Hero and Leander, I.176. Si la pièce Two Gentlemen of Verona a bien été écrite en 1590 ou 1591, Shakespeare ne peut pas faire allusion au poème de Marlowe en i.i.20-24. Romeo and Juliet (ii.iv.47-48) et Much AdoAbout Nothing (v.ii.28), écrites après 1593, mentionnent les personnages de Héro et Léandre, mais pas explicitement le poème de Marlowe.
20 Shakespeare, As You Like It, iv.i.86-92.
21 Ben Jonson, Bartholomew Fair, v.iii.108 sqq., édition de Maurice Hussey, Londres, E. Benn, 1964.
22 Ben Jonson, Euery man in his humor As it hath beene sundry times publickly acted by the right Honorable the Lord Chamberlaine his seruants, Londres, Walter Burre, 1601, iii.iv, STC (2e édition) 14766, H r°-v°. Cf. Marlowe et Chapman, Hero and Leander, I.199-202.
23 Ainsi que le rappelle Mary Carruthers, parler ex tempore était le but de l’art oratoire romain. Voir Mary Carruthers, Machina memorialis. Méditation, rhétorique et fabrication des images au Moyen Âge (The Craft of Thought. Meditation, Rhetoric, and the Making of Images 400-1200, Cambridge, Cambridge University Press, 1998), traduit par Fabienne Durand-Bogaert, Paris, NRF Gallimard, 2002, p. 18, qui renvoie à Quintilien, Institution oratoire, XI.2.47-49.
24 Le choix d’une figure de répétition stérile et de dévoration frustrée pour incarner le modèle de transmission poétique revendiqué par Chapman au début de sa continuation n’est pas anodin. Sur le parallèle entre Marlowe et Tantale, voir Fred B. Tromly, Playing with Desire: Christopher Marlowe and the Art of Tantalization, Toronto, Buffalo, Londres, University of Toronto Press, 1998, p. 9 : « Chapman’s lines conflate the heavenly waters of reward [...] and the hellish waters of denial and punishment ».
25 Henry Petowe, op. cit., Bii r°.
26 Henry Petowe, op. cit., Dédicace à Henry Guilford, Aiii v° : « I being inriched by a Gentleman a friend of mine, with the true Italian discourse, of those Louers further Fortunes, haue presumed to finish the Historie ». Il fait peut-être allusion au poème écrit par Bernard Tasso, père de l’auteur de la Jérusalem délivrée (Favola di Leandro ed Hero, 1537). Voir Gerald Snare, The Mystification of George Chapman, Durham et Londres, Duke University Press, 1989, p. 82, qui renvoie au chapitre 2 de Gordon Braden, op. cit., p. 55-153.
27 Georgia Brown, « Gender and voice in ‘Hero and Leander’ », in J. A. Downie and J. T. Parnell (éds.), Constructing Christopher Marlowe, Cambridge, Cambridge University Press, 2000, p. 148-163. Sur la question de la collaboration, voir Brian Vickers, Shakespeare, Co-Author. A Historical Study of Five Collaborative Plays, Oxford, Oxford University Press, 2002 (notamment p. 25 : « every major playwright in this period worked collaboratively at some point in his career »). Sur la rivalité entre collaborateurs, on se reportera à l’introduction de Lynn S. Meskill, Ben Jonson and Envy, Cambridge, Cambridge University Press, 2009, et à son chapitre 2, où elle s’intéresse à la relation entre l’envie et l’émulation. Voir également Joseph Loewenstein, Ben Jonson and Possessive Authorship, Cambridge, Cambridge University Press, 2002, chapitres 1 à 3.
28 Henry Petowe, op. cit., Aiii v°.
29 L’ouvrage consacré par A. L. Rowse à Southampton est désormais daté (Shakespeare’s Southampton. Patron of Virginia, Londres, Macmillan, 1965). Il contient néanmoins des informations pertinentes sur la famille Wriothesley. Rowse affirme par exemple que le jeune comte aurait donné à Shakespeare une importante somme d’argent qui lui aurait permis d’acquérir des parts dans la compagnie des Lord Chamberlain’s Men, assurant ainsi sa sécurité financière sur le long terme en faisant de lui un investisseur (p. 85). Pour A. L. Rowse, il est évident que le destinataire des sonnets « à l’ami » n’est autre que Southampton.
30 Abraham Fraunce, The third part of the Countesse of Pembrokes Yvychurch Entituled, Amintas dale. Wherein are the most conceited tales of the pagan gods in English hexameters together with their auncient descriptions and philosophicall explications, Londres, Thomas Woodcocke, 1592, STC (2e édition) 11341, p. 46 r°-v°.
31 Katherine Duncan-Jones et H. R. Woudhuysen, Introduction à William Shakespeare, Shakespeare’s Poems, Londres, Arden, 2007, p. 20-21. Voir Robert Greene, Greenes, groats-vvorth of witte, bought with a million of repentance Describing the follie of youth, the falshoode of makeshifte flatterers, the miserie of the negligent, and mischiefes of deceiuing courtezans. Written before his death, and published at his dyeing request, Londres, William Wright, 1592, STC (2e édition) 12245. Greene s’adresse ainsi à Marlowe : « Wonder not, (for with thée wil I first begin) thou famous gracer of Tragedians, that Greene, who hath said with thée (like the foole in his heart) There is no God, shoulde now giue glorie vnto his greatnes » (E iiij v°-Fi r°) ; il désigne ainsi Shakespeare : « for there is an vpstart Crow, beautified with our feathers, that with his Tygers hart wrapt in a Players hyde, supposes he is as well able to bombast out a blanke verse as the best of you: and beeing an absolute Iohannes fac totum, is in his owne conceit the onely Shake-scene in a countrey » (Fi v°).
32 Ces deux poèmes sont les représentants les plus célèbres de l’epyllion anglais, genre « composite mais cohérent » selon Nicolas Buté et qui se définit par des caractéristiques à la fois thématiques et formelles : dans ces poèmes narratifs, des sujets érotico-mythologiques sont traités sur le mode hyperbolique et prêtent souvent à la satire, ou du moins à l’ironie amusée du narrateur, qui se lance parfois dans de longues digressions. La mode atteint son acmé dans les années 1590, mais la vogue couvre une trentaine d’années, de 1580 à 1610 environ. Voir Nicolas Buté, « La rhapsodie des genres dans l’épyllion élisabéthain », Études Anglaises 3/2004, p. 259-270. Voir également Paul W. Miller, « The Elizabethan Minor Epic », Studies in Philology 55/1 (1958), p. 31-38 ; Elizabeth Story Donno, Elizabethan Minor Epics, Londres, Routledge & Kegan Paul, 1963 ; William Keach, op. cit.
33 William Shakespeare, Venus and Adonis (1593), in The Narrative Poems, édition de Maurice Evans, Harmondsworth, Penguin, 1989.
34 Pour l’hypothèse, largement répandue, que Marlowe a influencé Shakespeare, voir Maurice Charney, « Marlowe’s Hero and Leander Shows Shakespeare, in Venus and Adonis, How to Write an Ovidian Verse Epyllion », in Sara Munston Deats et Robert A. Logan (éds.), Marlowe’s Empery. Expanding His Critical Contexts, Newark, University of Delaware Press ; Londres, Associated University Presses, 2002, p. 85-94.
35 Robert A. Logan, Shakespeare’s Marlowe: The Influence of Christopher Marlowe on Shakespeare’s Artistry, Aldershot et Burlington, Ashgate Publishing Limited, 2007, chapitre 3, p. 56 pour cette citation et pour la liste des parallèles verbaux et thématiques. À la page suivante, Logan suggère toutefois une attitude critique fondée sur l’analyse des sources communes qui me semble plus fructueuse : « how the writers draw from a single stockpile of Ovidian ideas and literary devices and yet fulfill their own aesthetic claims, affirming their individuality as poets ».
36 Pour l’opinion selon laquelle Marlowe tentait lui aussi de gagner la protection de Southampton, voir Rowse, op. cit., p. 78. La thèse qui identifie George Chapman comme le « poète rival » mentionné dans les Sonnets est défendue par Arthur Acheson, Shakespeare and the Rival Poet. Displaying Shakespeare as a Satirist and Proving the Identity of the Patron and the Rival of the Sonnets, Londres et New York, The Bodley Head, 1903. Si les conclusions revendiquées par Rowse et Acheson ne sont guère convaincantes, les réseaux que ces deux critiques révèlent indiquent clairement qu’il existait bel et bien un contexte de « concurrence intra-communautaire » entre les poètes concernés.
37 Thomas Nashe, The Choise of Valentines, or Nashe’s Dildo, édition de John S. Farmer, Londres, 1899, p. ix-x.
38 Cf. Shakespeare, Venus and Adonis, dédicace : « till I have honoured you with some graver labour » (The Narrative Poems, p. 70).
39 John Clapham, Narcissus, in Charles Martindale et Colin Burrow, « Clapham’s Narcissus: A Pre-Text for Shakespeare’s Venus and Adonis? », ELR 22/2 (Spring 1992), p. 147-176. Il est possible que Shakespeare ait voulu éliminer un concurrent en parodiant en plusieurs endroits le Narcissus de Clapham, afin d’affirmer clairement la supériorité de l’epyllion anglais (voir p. 156-157).
40 Voir John Clapham, op. cit., vers 43-48 ; Charles Martindale et Colin Burrow, op. cit., p. 160-161.
41 Traiter Marlowe à la fois comme un fantôme et comme un rival contemporain brouille les stratégies d’imitation humanistes identifiées par Thomas Greene : l’imitation « reproductrice » ou « sacramentelle » (« the reverent rewriting of a hallowed text »), l’imitation « éclectique » (« eclectic or exploitative imitation, [treating] all traditions as stockpiles to be drawn upon ostensibly at random »), l’imitation « heuristique » (le texte insiste sur son lien à l’hypotexte mais prend également de la distance à son égard) et la « résistance à l’imitation », entre révérence envers les maiores et rébellion contre eux, qui correspond à un rapport dialectique à la source, mettant en jeu l’imitatio mais aussi l’aemulatio et pouvant aboutir à la parodie (Thomas M. Greene, The Light in Troy. Imitation and Discovery in Renaissance Poetry, New Haven et Londres, Yale University Press, 1982, p. 38, 39, 40, 43, 45, 46).
42 Musée traduit par Chapman, The divine poem of Musaeus, First of all bookes, Londres, Isaac Jaggard, 1616, STC (2e édition) 18304.
43 Ibid., « To the Commune Reader ».
44 Les épithètes composées de Marlowe ont un caractère conventionnel : outre « rose-cheeked Adonis » (I.93), aussi utilisé par Shakespeare dans Venus and Adonis, on trouve : « that night-wandring pale and watrie starre » pour désigner la lune (I.107) et « steepe Pine-bearing mountains » (I.116).
45 « The worth of a skilfull and worthy translator, is to observe the sentence, figures, and formes of speech, proposed in his author: his true sence and height, and to adorne them with figures and formes of oration fitted to the originall, in the same tongue to which they are translated » (Homère traduit par George Chapman, Seauen bookes of the Iliades of Homere, prince of poets, translated according to the Greeke, in iudgement of his best commentaries by George Chapman, Londres, John Windet, 1598, STC [2e édition] 13632, « To the Reader », A6 r°). Sur l’imitation et la traduction à la Renaissance, voir notamment Terence Cave, The Cornucopian Text. Problems of Writing in the French Renaissance, Oxford, Clarendon Press, 1979, p. 35-57.
46 Chapman transfère la rhétorique amoureuse par laquelle le Léandre de Marlowe tentait de séduire Héro à la jeune femme, qui reproduit les arguments de son amant relatifs à la perte de la virginité (comparer I.234 sqq. et III.351 sqq.).
47 Voir James Shapiro, Rival Playwrights: Marlowe, Jonson, Shakespeare, New York, Columbia University Press, 1991, p. 23 : « before reading a line of Marlowe’s, one’s expectations are shaped by Chapman ».
48 Petowe, quant à lui, ajoute des complaintes qui s’apparentent aux lettres des Héroïdes, procédé fréquent dans les récits inspirés des novelle italiennes qu’il explique avoir consultées.
49 Les autres dieux mentionnés dans la Première Sestiade, Protée et Morphée, sont de même réhabilités. Le premier est désigné comme la forme même de l’amour (V.206-227), alors qu’il participait à la débauche divine représentée sur les murs du temple de Vénus (« headdie ryots, incest, rapes » [I.144]). Quant à Morphée, complice des rêves lascifs d’une vierge solitaire dans la version de Marlowe (I.349-350), il se transforme en auxiliaire d’Hymen dans son sauvetage des vierges prisonnières des brigands (V.178-180).
50 Voir Brian Morris, « Comic Method in Marlowe’s Hero and Leander », in Brian Morris (éd.), Christopher Marlowe, Mermaid Critical Commentaries, Londres, Ernest Benn Limited, 1968, p. 113-131.
51 Raymond B. Waddington suggère que Chapman s’est inspiré du mythe de Ceyx et Alcyone, relaté dans les Métamorphoses d’Ovide, 11.410-748 (The Mind’s Empire. Myth and Form in George Chapman’s Narrative Poems, Baltimore et Londres, The Johns Hopkins University Press, 1974, p. 179). Par opposition, Petowe les métamorphose en pins, emblème de l’amour vrai, au terme d’une vie maritale longue et heureuse.
52 Christopher Marlowe et George Chapman, op. cit., Dédicace à Lady Walsingham, E3 v°. Voir également la dédicace à Inigo Jones au début de sa traduction de Héro et Léandre, où il se présente comme « your Ancient poor friend » (Musée traduit par Chapman, op. cit., A6), ou encore la dédicace à Essex au début de sa traduction des Seuean Bookes d’Homère : « So is poore Learning the inseparable Genius of the Homericall writing I intend » (A3 v°).
53 Voir John Huntington, Ambition, Rank, and Poetry in 1590s England, Urbana et Chicago, University of Illinois Press, 2001, p. 58 : « [Chapman] shares Marlowe’s sense of outrage at the economics of learning and poetry ».
54 Voir notamment VI.18-84, où le destin dont Léandre sera victime est comparé à un parasite de Cour, puis à une prostituée.
55 Georgia Brown, op. cit., p. 150.
56 Voir les préfaces à ses traductions homériques, notamment la dédicace en vers au lecteur de l’Iliade de 1609 : « love him [Homer] (thus revis’d) / As borne in England » (Homer prince of poets: translated according to the Greeke, in twelue bookes of his Iliads, Londres, Samuel Macham, 1609, STC [2e édition] 13633, A6). Voir aussi les recommandations données aux lecteurs d’Achilles Schield : « to learne Homer without book, that being continually conuersant in him, his height may descend to their capacities, and his substance proue their worthiest riches » (Homère traduit par Chapman, Achilles shield Translated as the other seuen bookes of Homer, out of his eighteenth booke of Iliades. By George Chapman, Londres, John Windet, 1598, « To the understander », B2 v°). On pourra se reporter à Christine Sukič, « ‘Ample transmigration’ : George Chapman, traducteur d’Homère en anglais », Études Anglaises 60/1 (janv-mars 2007), 3-14.
57 Cette attitude est notamment celle de Marion Campbell, op. cit., p. 241 : « what we read as ‘Marlowe’s Hero and Leander’ is in fact a construct designed by Chapman to validate his own poem ».