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« A most inhumane murder » : monstration et instrumentalisation de la violence dans quatre pamphlets parus outre-Manche sur l’assassinat d’Henri IV (1610)
Par Marie-Céline Daniel
Publication en ligne le 10 février 2022
Résumé
The news of Henri IV’s death reached England and left the English appalled. Soon afterwards, four texts were published in London and a fifth one (another edition of one of the London texts) was issued in Edinburgh. Each one of them was carefully perused by the authorities, which refused to see the regicide too openly described and commented upon. So, most of the texts dwell at length on Ravaillac’s horrific death on the Place de Grève and remain almost silent on the King’s death. Yet beyond being mere news pamphlets, these volumes testify to a remarkable concentration in the production and circulation of books, with only a few men involved. This article does only examine what the texts actually say, but study how in that particular case the book may have been the vehicle of the theses fostered by the government. In the context of the 1610 regicide, the argument also focuses on the way the printed text was both an instrument and an echoing chamber of contemporary violence.
La nouvelle de la mort d’Henri IV a été accueillie en Angleterre avec consternation. Rapidement contrôlées par les autorités, quatre textes paraissent à Londres, ainsi qu’une édition d’un des textes anglais à Édimbourg. Parfois issus de textes français publiés en différents endroits du royaume, ils racontent les journées qui ont suivi la mort du roi ainsi que l’exécution de son assassin. Alors que du fait des instructions officielles la mort du roi est, sinon tue, du moins à peine évoquée, la fin de Ravaillac permet aux libraires anglais de laisser cours à leurs goûts les plus morbides. Pourtant, au-delà du simple récit d’actualité, ces textes sont révélateurs d’une concentration remarquable de la production et de la diffusion de ces imprimés, qui impliquent un groupe très restreint d’hommes. Cette contribution ne consiste donc pas seulement en une analyse de la lettre des textes, mais bien en une étude du livre comme vecteur de thèses que les autorités ou des groupes de pression ont souhaité voir circuler. Dans le contexte, il s’agit donc de voir comme l’imprimé, au début du 17è siècle, est à la fois instrument et chambre d’écho de la violence contemporaine.
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« A most inhumane murder » : monstration et instrumentalisation de la violence dans quatre pamphlets parus outre-Manche sur l’assassinat d’Henri IV (1610) (version PDF) (application/pdf – 713k)
Texte intégral
1L’assassinat d’Henri IV en mai 1610 est, paradoxalement, le meilleur révélateur du raffermissement du pouvoir royal depuis l’accession au trône d’Henri de Navarre en 1589. Là où il lui avait été nécessaire de combattre pendant des années afin de regagner son royaume1, sa disparition déclenche une suite rapide d’événements dont l’accomplissement même témoigne de l’enracinement des valeurs monarchiques en France. Le roi meurt en effet le 14 mai, le lit de justice qui fait Marie de Médicis régente se tient le 15 en présence du nouveau monarque Louis XIII, Ravaillac est interrogé les 16, 17, 18 et 19 mai, il est condamné à mort le 26 et supplicié le 27. En comptant le sacre de Marie le 13, cela signifie qu’en moins de quinze jours, la France a trouvé une reine, perdu un roi, gagné un nouveau souverain et fait disparaître la cause supposée de tous les malheurs de la France. Roland Mousnier ajouterait sans doute que le royaume a aussi acquis une légende, un mythe unificateur qui servira les causes de la monarchie « absolue » pendant des décennies2. Qu’elle que soit la manière dont on évalue la postérité du régicide, un enchaînement aussi fluide peut être interprété comme un signe que la France a conquis une stabilité dynastique et politique dont elle avait longtemps manqué.
2Dans un royaume moins divisé qu’en 1589, la mort d’Henri IV a donné naissance à une production imprimée assez homogène : cette fois, nul curé Boucher3 se réjouissant de la mort du roi. Les textes qui paraissent en de nombreux endroits du royaume (Paris, Lyon, Rouen, Montauban) se concentrent sur seulement un ou deux des épisodes de ces quinze jours d’histoire. L’arrêt du parlement de Paris contre Ravaillac est publié ainsi simultanément en plusieurs éditions à Paris et à Lyon4. Quelques volumes paraissent qui décrivent le supplice subi par Ravaillac5. Quelques autres, comme le récit de Pierre Matthieu, racontent la vie « de très heureuse mémoire Henri IIII6 ». Proches des lieux du pouvoir, témoins du spectacle morbide de la mort de Ravaillac, bien relayés par des imprimeurs en province, les auteurs de ces textes ont pu faire publier leurs ouvrages au fil des jours. Pourtant, le rapide enchaînement des faits aurait pu favoriser une production globale, qui raconte l’ensemble des douze jours qui séparent le sacre de la reine de la mort de Ravaillac. Il faut croire que les éditeurs français ont préféré multiplier les travaux de dimension modeste plutôt que d’attendre et de miser sur un volume plus conséquent. Cette précipitation relative à imprimer est peut-être aussi le symptôme d’une certaine inquiétude face à l’avenir : dans l’ignorance de savoir ce qui se passerait ensuite, il valait mieux rendre compte des développements au fur et à mesure.
3En Angleterre, où la nouvelle de la mort du roi a circulé très vite, les libraires ont fait un choix inverse. Quatre textes (cinq volumes) relatant ces événements sont parvenus jusqu’à nous, et tous traitent de la période allant de la mort du roi à celle de son assassin. Leur chronologie de parution est impossible à déterminer, ce qui empêche d’évaluer l’influence qu’ils ont pu avoir les uns sur les autres. Deux de ces quatre textes seraient l’œuvre d’un même homme, Edmond Skory, qui signe la dédicace du premier texte et dont on ne sait rien. L’un s’intitule An extract out of the historie of the last French King Henry the fourth of famous memorie et est vendu dans la boutique de John Budge à Londres7. L’autre est attribué à Skory par le Short-Title Catalogue (STC) : The copie of a letter vvritten from Paris, the 20. of May 1610. Declaring the maner of the execution of Francis Rauaillart, that murdered the French King. Il s’agit d’un extrait de correspondance qui paraît à Londres chez Robert Barker8. The terrible and deserued death of Francis Rauilliack, shewing the manner of his strange torments at his execution, vpon Fryday the 25. of May last past circule dans deux éditions différentes, l’une à Londres et l’autre à Édimbourg9. Enfin, John Budge met en vente la traduction d’un texte français, The sighes of Fraunce for the death of their late king, Henry the fourth10. Hormis pour ce dernier volume, d’éventuels textes sources français n’ont pas été retrouvés ; des éléments constitutifs existent, comme par exemple l’arrêt de la cour de parlement, largement diffusé en France, mais il semble que la plupart de ces livres soient des productions originales, composées pour les lecteurs anglais. Même s’il n’est pas possible de savoir quel texte a précédé les autres, il est tout à fait probable que tous les volumes soient parus dans des délais très courts, afin de profiter de la curiosité des lecteurs.
4Cette étude se propose d’examiner ces différents volumes, non pas seulement en tant que récits des faits advenus à Paris en mai 1610, mais comme les révélateurs d’une manipulation dont les libraires ont été les complices, assumés ou non. Il ne s’agira donc pas seulement d’une étude de la lettre de ces textes, encore qu’elle importe évidemment, mais aussi un examen des stratégies mises en place pour influencer le lecteur et l’amener à tirer certaines conclusions prédéterminées. La question porte donc aussi bien sur le texte que sur la manière dont il est mis en page, la façon dont il est proposé à la lecture. Le problème de la composition et le rôle des libraires jouent un rôle tout aussi important que les mots eux-mêmes : la rhétorique développée ici n’est pas seulement écrite, elle intègre d’autres outils visuels et commerciaux. On verra donc à la fois comment les récits présentent le meurtre du roi et le supplice de Ravaillac et comment les libraires londoniens et écossais ont choisi de « vendre » ces faits d’actualités à leurs lecteurs. Dans le contexte d’un intérêt clairement affirmé par les autorités pour les publications traitant de la mort d’Henri IV, on ne pourra éviter la question de l’influence du pouvoir sur ces productions et de la marge de manœuvre des libraires face aux instructions officielles.
5Telle qu’elle est présentée dans leur titre, l’unité thématique de ces quatre textes est très forte : il s’agit de raconter la mort du roi de France et l’exécution de son meurtrier. À chaque fois le mot « meurtre » apparaît, comme un mot clé, mais aussi comme un masque, dans la mesure où il donne à voir une harmonie qui n’est que de façade : le traitement du fait d’actualité diffère considérablement d’un texte à l’autre, et l’importance accordée aux conséquences du régicide est très variable.
6La mort du roi est mise en avant dans tous les titres. D’évidence, c’est cette information qui prime sur les autres, elle qui justifie la publication : ainsi il apparaît nécessaire de mentionner le régicide, mais en ayant soin de ne point trop en dire dès le titre. Ainsi, seul un des quatre textes, An extract, donne dès la page de couverture des détails sur la façon dont le roi a été assassiné : « his being murdered with a knife in his coach in Paris the 14th of May last 1610 ». Il ne fait guère de doute que les lecteurs possibles de ces textes, à Londres, savaient tous, au moment d’acheter l’ouvrage, qu’Henri IV avait été poignardé ; à cet égard, la description des circonstances du meurtre sont presque superflues. Dans la majorité des cas, les titres ne font que mentionner l’événement : « the murther of the late French king », « the true maner of his murther », « Ravauillart that murdered the French King » sont autant de variations sur un thème ramené à sa plus simple expression. Dès le premier regard, on remarque donc une tension entre la volonté de mentionner l’événement qui est à l’origine de la publication et qui permettra au volume de se vendre, tout en maintenant le meurtre dans une pénombre protectrice : celle-ci peut être comprise à la fois comme un moyen d’obliger les curieux à acheter le texte pour en savoir plus, et comme une manière pour les éditeurs de rester prudents à l’évocation de sujets sensibles. Cependant, s’il s’agissait d’attirer les lecteurs en leur faisant miroiter un récit du régicide, l’attente de ces derniers a dû être déçue : les contenus sont avares de détails quant à la mort du roi, voire l’escamotent tout à fait. Le récit le plus détaillé figure dans The sighes of France et précise :
This villaine, who hauing beene preuented of the violence of this fatall blow, and the fury of his intent in foure seuerall attempts, by the protection of the highest & vigilance of his Guards, the Friday the fourteenth of May, waighting his opportunity, he found him in his Caroche in the end of the streete of Ferronerie […]. [L]eaning on the Columne, hee gaue him two blowes with a knife, with so suddaine an execution, that the murther was sooner found than the murtherer: yet in the end by diligent search he was taken, and the king carried back to the Louu’re [sic]. (B.2)
7Le nombre des coups et la rapidité des faits sont des détails qui ont frappé les contemporains, mais qui n’apparaissent pas dans les autres textes publiés en Angleterre. On note cependant que, même dans The sighes of France, le roi mort n’est jamais montré : il est ramené au palais comme « roi » (« king ») et non comme roi défunt (« late king ») ou ancien roi. Dans les autres cas, la mort du roi est évoquée dans des termes hyperboliques mais non narratifs. Ainsi, elle ouvre The terrible and deserued death : « The most inhumane murder lately committed vpon the person of the late French King, Henry the fourth of famous memory, hath much disquieted the state of France » (2). De la façon dont le roi a été assassiné, rien n’est dit par la suite. De même, dans The copie of a letter, l’auteur évoque seulement un autre courrier dans lequel il a expliqué à son correspondant les circonstances de la mort du roi : « you, (as I conjecture,) who hauing vnderstood by my former Letters, what hath hitherto passed about this direfull acte, you will likewise couet to heare the end of this execrable actor » (A.3). Seul un texte sur les quatre semble avoir dérogé à la règle de discrétion, mais il est impossible de savoir précisément jusqu’à quel point : en effet, dans An extract, la page du récit qui raconte le meurtre lui-même a été supprimée de l’édition qui figure dans le STC, celle de la Huntington Library. La pagination confirme la disparition de deux pages, puisque le feuillet noté D.3 succède au feuillet D. Le volume a donc été imprimé en entier, puis amputé du feuillet D.2. On ignore ce qui a motivé cette suppression et surtout à quelle date elle est intervenue, mais il ne peut pas être fortuit que ce soit précisément le passage décrivant l’assassinat qui ait disparu11.
8Cette observation est frustrante, dans la mesure où l’on manque d’informations précises pour en tirer des enseignements. Elle pose néanmoins la question de l’autorisation de ces textes, et plus généralement de l’attitude du pouvoir politique face à leur parution. Dès leur titre, tous les textes publiés mettent en avant qu’ils ont été visés par les autorités et admis à la publication. On retrouve par exemple l’expression habituelle « seene and allowed by authoritie » en première page de An extract. En précisant que The sighes of France a été imprimé au cœur même du pourvoir, dans le palais du roi (« in the Kings palace »), le libraire John Budge souligne que les informations présentées viennent du palais ou ont été validées par le pouvoir royal. Plus subtile, la page de garde de The Terrible and deserued death indique que le texte est une traduction d’un original français ayant lui-même été visé par les autorités du royaume (« As it was printed in French in three seuerall Bookes published by authority »). Même si rien n’est précisé, comme dans le cas de The copie of a letter, la présence des armes royales de Jacques Ier au verso de la page de couverture vient confirmer que le texte est autorisé.
9Le pouvoir anglais semble s’être très tôt soucié de la façon dont le régicide serait évoqué dans les publications londoniennes. Pour bien comprendre l’enchaînement des faits il faut reprendre leur chronologie : Henri IV est assassiné le 14 mai à Paris, et son assassin supplicié le 27 mai. Onze jours après la mort du roi, et donc avant que Ravaillac ne soit exécuté, Thomas Wilson, Keeper of the Records à Whitehall, écrit à Thomas Waterson, « warden » de la Stationers’ Company, que Robert Cecil lui a demandé d’empêcher la publication de textes relatifs au régicide :
Mr Waterson, my Lord Trēr my lord and mr hath commanded me to will and require you in his lops name that you suffer nothing to be imprinted concerning the death of the late French king. vnless it be such things as shall haue the signification of his lops pleasure eyther by my selfe or such as his lop shall appoint therevnto12.
10Le lendemain, 15 mai en Angleterre, 26 mai en France et donc la veille de l’exécution, Robert Cecil lui-même envoie des instructions similaires à Waterson, en justifiant cette fois sa décision :
The king that is gone being of too great valeur & renowne in Europe and too deere vnto his Maty to suffer any thing to be said of him that may scandalise his memory by those tbat [sic] care not nor know not howe to handle such a subiect13.
11Ici l’inquiétude du ministre est double. Elle est à la fois théorique et pratique : Cecil redoute la façon dont le régicide comme acte va être traité dans les textes et ce que la personnalité d’Henri IV et sa politique pourraient susciter comme commentaires. Il est probable que pour bon nombre d’Anglais, la mort violente d’Henri IV aux mains d’un Catholique extrémiste ait été perçue comme un juste châtiment : le roi avait, depuis son abjuration de 1593, multiplié les signes de sa proximité avec le Catholicisme et de son agacement face à l’intransigeance des Huguenots les plus irréconciliables14. En empêchant des récits d’être publiés, on supprime l’éventualité que de telles analyses circulent durablement. Robert Cecil souhaite éviter aussi que des mains profanes s’emparent du meurtre d’un roi : on sent dans ses mots que c’est un sujet qui doit être tu, car les non-initiés ne sauraient en traiter convenablement. Parce qu’il touche à la personne sacrée du monarque, le régicide est un acte hors-norme, dont nul ne peut parler sous peine d’être sacrilège. Enfin, plus prosaïquement, limiter le retentissement du régicide a pu être un moyen d’en limiter l’exemplarité : hier comme aujourd’hui, taire un événement reste le moyen le plus simple d’en limiter les effets.
12Si l’efficacité des déclarations ou des proclamations visant à interdire un texte a été l’objet de maints débats au sein de la communauté scientifique15, il faut noter ici que cette instruction à la Stationers’ Company semble avoir été suivie d’effet. Aucun texte précédant les lettres de Wilson et de Cecil ne semble avoir survécu, alors que l’existence même des instructions indique qu’il y a dû avoir des publications dans les jours ayant suivi le meurtre. Les quatre textes qui subsistent datent tous du 27 mai au plus tôt, puisqu’ils évoquent le supplice de Ravaillac. On l’a dit, ils ont en commun d’évoquer très brièvement le régicide, et de s’appesantir davantage sur le supplice de l’assassin. Le seul texte à parler du meurtre clairement est The sighes of France, un texte d’origine française auquel le pouvoir français avait donné son imprimatur. Celui-ci pouvait donc être considéré comme sûr. Enfin, quand un texte semble avoir dérogé à ces instructions, comme c’est le cas pour An extract, la page a été éliminée a posteriori. Les instructions de Whitehall aux libraires semblent donc avoir été respectées. Muettes sur l’importance à accorder au spectacle de l’exécution de Ravaillac, elles ont de fait permis aux éditeurs anglais de s’étendre largement sur le sujet.
13Deux des quatre publications, The terrible and deserued death et The copie of a letter, insistent dès leur titre sur la mort du régicide. Dans ces deux cas, l’assassinat du roi n’est mentionné qu’en préambule, à la fois comme élément de contexte et comme introduction au supplice de Ravaillac. Là où la retenue avait présidé au récit de la journée du 14 mai, les détails les plus horribles sont cités avec une forme de jouissance morbide qui tient à la fois du performatif (rejouer sans fin la mise à mort du démon) et du propitiatoire (répéter les faits comme un charme afin d’empêcher un autre homme de commettre à nouveau un tel crime). Si dans The terrible and deserued death l’expression « the viperous homicide the bloody actor of this deede » (2) contraste avec l’évocation d’un roi d’heureuse mémoire (« Henry the Fourth of famous memory », 2), à l’échelle du texte entier les détails sanglants de la mort de Ravaillac répondent à la mort euphémisée du roi. Contrairement au corps martyr du monarque, le corps agonisant puis le cadavre du régicide doivent être exhibés, devant les spectateurs d’abord, puis devant les lecteurs, qui rejoueront sans fin la scène.
14Le récit du supplice de Ravaillac a pu être glané dans les nombreuses publications françaises relatant les événements du 27 mai16. Tous ces textes sont d’une grande cohérence, ce qui pourrait indiquer qu’un texte source a été diffusé puis plagié par différents éditeurs. Les textes anglais reprennent le déroulement de la journée, depuis l’arrivée du prisonnier devant Notre-Dame jusqu’à son écartèlement en place de Grève et la dispersion de ses cendres. Les précisions macabres, comme par exemple la nécessité de trancher les articulations du condamné afin de hâter l’écartèlement, sont reprises à chaque fois. Seul l’auteur de la lettre de The copie of a letter assure avoir vu le supplice de ses yeux (« I was an eye witnes of the execution of this accursed creature », A.3sq.), mais ici encore les versions concordent, même si le traitement de l’information varie. Ainsi, après avoir décrit Ravaillac et la foule se signant, les deux narrateurs commentent ces gestes de manière différente. Pour le narrateur de The terrible and deserued death, le geste du condamné témoigne du fait qu’il reste papiste (« he crossed himselfe directly ouer the breast, a signe that hee did liue and die and obstinate Papist », 4). En revanche, ce geste de croix prend une tout autre signification pour l’épistolier de The copie of a letter :
As soone as hee was brought vpon the Scaffold in the ordinary place appointed, Hee began first with crossing himself, and the people, (as in deed he had truly done in an other sence: For neuer came there a heauier crosse nor losse to any Nation, then this vntimely death of this King to this kingdome). (2)
15On sent dans la première analyse une haine encore vivace contre les ennemis catholiques. À cet égard, et plus largement dans la description des réactions du condamné ou de la foule, ces textes sont des héritiers des pamphlets publiés pendant les guerres de religion. Le spectacle de la foule déchirant le cadavre de Ravaillac n’est pas sans rappeler les descriptions de la Saint-Barthélemy ou d’autres massacres orchestrés par les Catholiques contre les Huguenots :
The rage of the people grew so violent that they snatched the dismembered carkasse out of the executioners’ hands, some beate it in sunder against the groud [sic], others cut it in peeces with kniues, so that there was nothing left but bones. (The terrible and deserved death, 5)
16Le comportement violent de la foule est mentionné dans d’autres textes, et notamment dans des textes français : des spectateurs se seraient en effet emparés de plusieurs morceaux de corps. Cependant on sent poindre dans le récit anglais une inquiétude face à ces emportements ; l’utilisation de couteaux et la vision de la chair détachée des os renvoient à des images de cannibalisme assez courantes dans les textes publiés pendant les guerres civiles du siècle précédent17. À comparer les textes, on a parfois l’impression que la monstration de la violence suit toujours les mêmes canons, qu’il s’agit d’une rhétorique de la répétition, mais d’une itération qui est toujours signifiante, notamment si la justice doit être rétributive. Dans ce texte, Ravaillac lui-même est décrit comme un être mi-homme mi-monstre, une créature dont l’animalité rappelle le Caliban de Shakespeare. Sa résistance aux tourments ou ses cris ne provoquent jamais de compassion chez le narrateur qui décrit en termes fantastiques les hurlements du condamné au moment où le bras qui a tenu la dague se consume : « yet nothing at all would he confesse, but yelled out with with such horrible cries as if it had bin a Deuil, or some tormented soule in Hell » (4). L’utilisation du pronom neutre « it » pour renvoyer au meutrier dit assez bien à quel point son acte contre le roi l’a déshumanisé. Plus loin, le narrateur évoque les rugissements de l’homme tourmenté (« yet reuealed he nothing but cryed out with most horrible roares », 5).
17La violence qui sous-tend ces deux récits, les horreurs infligées à Ravaillac et décrites avec force détails illustrent parfaitement les propos de Michel Foucault dans Surveiller et Punir :
L’exécution de la peine est faite pour donner non pas le spectacle de la mesure, mais celui du déséquilibre et de l’excès ; il doit y avoir, dans cette liturgie de la peine, une affirmation emphatique du pouvoir et de sa supériorité intrinsèque18.
18La mort de Ravaillac s’inscrit en plein dans cette « politique de l’effroi » décrite par Foucault qui voit dans les supplices une « cérémonie punitive » qui est « terrorisante » (ibid.). Il s’agit bien ici de « rendre sensible à tous, sur le corps du criminel, la présence déchaînée du souverain » (ibid.). Le rituel est d’autant plus indispensable que c’est un monarque qui a été assassiné et que le roi est encore mineur.
19La qualité de la victime et son statut hors-norme expliquent sans doute aussi que les textes sur la mort du roi et sur l’exécution du régicide ne se contentent pas d’une simple description des faits. En effet, chacun des volumes s’intéresse aux conséquences du geste de Ravaillac. Dans An extract et The sighes of France, la question politique est d’ailleurs au cœur de l’argumentation. Elle est également présente dans les deux autres textes, même si c’est dans une moindre mesure.
20Compte tenu du jeune âge du dauphin, la disparition d’Henri IV risque de créer une période d’instabilité comme en a connu le royaume dans la deuxième moitié du 16è siècle. Les quatre textes insistent donc sur le rapide enchaînement d’événements qui permet au petit roi Louis XIII de tenir un lit de justice le lendemain même de la mort de son père. Ainsi, dans The sighes of France, le narrateur insiste sur le calme apparent des autorités :
The Counsell rose, all the City was in an vprore at this vntimely accident, while his Guards with a mournful diligence, came and yielded themselues before the Louu’re, to receauve (& be ordered by) the commandements of the Counsell, which appointed vnto them this especiall charge, that they should net none passe but the Princes of the bloud and men of eminent place. Then came the Souldiers and Court of Guard, offering voluntarily both their Armes and liues, and to complaine & mourne the most monstrous murther of their deceased king, and for the firme establishing of the liuing Prince his sonne. (B.2.v°)
21Après des années d’affrontements violents, dans une ville restée longtemps le cœur de l’opposition ligueuse au roi Henri IV, la vision des forces armées maintenant fidèles au roi convergeant vers le palais du Louvre tient du prodige. À dire vrai, l’image est presque trop belle pour être authentique, mais elle est efficace pour montrer que malgré tout le royaume de France est désormais suffisamment apaisé pour résister aux sirènes de la division et des troubles civils. Une évocation semblable, quoique résumée, apparaît dans An extract :
the Queene was proclaimed Regent: during the Kings minority: the state of France yet enioyeth her former Tranquility, and Monsieur Praslyne was dispatched away to the Armie to hold some discipline vntill the coming of the Dukes [sic] of Neuers; and Bullion. (D.2.v°)
22L’énumération rapide de tous ces événements, dont certains ont une importance capitale pour la paix du royaume, transmet l’idée que tout s’est passé sans heurt.
23On peut trouver la meilleure preuve de cette paix inattendue dans les documents officiels produits après le régicide. The copie of a letter et The terrible and deserued death contiennent la traduction de certains de ces textes. Dans le premier, l’arrêt du Parlement de Paris est traduit, tandis que dans le second, ce sont des proclamations royales et des lettres patentes publiées après le lit de justice du 15 mai qui apparaissent. Ces textes étaient facilement disponibles et avaient fait l’objet de nombreuses publications en France. On y lit que la famille de Ravaillac est bannie du territoire et que Marie de Médicis devient régente du royaume (The terrible and deserued death, 6-8). On y parcourt aussi les lettres patentes de Louis XIII portant confirmation de l’Édit de Nantes et le lecteur londonien peut être rassuré sur le destin de ses coreligionnaires : « Vpon Sunday their 27. of May were nine thousand Protestants at Church together very peaceably, God be praised » (8). Cette phrase est un commentaire ajouté par le narrateur anglais du texte, ce que confirme l’adjectif possessif « their » renvoyant au décalage de calendrier entre la France et l’Angleterre. Une série de nouvelles de France sont ainsi publiées à la fin du recueil : des phrases très brèves se succèdent, donnant un aperçu de la situation intérieure du royaume. Outre le rassemblement de Protestants déjà cité, on y apprend que le roi est protégé par de nombreux soldats et que le duc de Nevers a regagné la cour après avoir quitté les troupes royales. Ces éléments factuels viennent confirmer l’idée que la France est calme et que le régicide restera sans conséquences. Pourtant, même si tous concordent sur cette vision, des divergences se font jour dans la façon d’appréhender ou non les responsabilités dans l’organisation du régicide.
24The copie of a letter cherche clairement à trouver quelles sont les personnes impliquées dans l’attentat contre le roi. On ignore l’auteur ou le destinataire de cette lettre, qui a été rédigée et expédiée de Paris le 20 mai 1610 du calendrier anglais, c’est-à-dire une douzaine de jours après l’exécution de Ravaillac. À en croire l’épistolier, la lettre aurait été précédée d’autres missives racontant les événements parisiens19. Comme d’autres, le récit contient une description des tourments de Ravaillac, mais cette évocation est rapide et plutôt sobre. On sent que pour l’auteur, l’essentiel n’est pas là. Dès la troisième page du texte, il en vient aux responsabilités réelles du régicide. Après avoir évoqué le silence de Ravaillac et sa mort, il rapporte la rumeur d’un complot auquel les Jésuites auraient pris part :
This was the maner of his death, and all that is made knowen of his confession: but there is generally conceiued a secret ielousie against the Iesuites: And whatsoeuer of his confession is concealed, may be presumed to be feare to discouer that of the Church of Rome, which they are ashamed to lay open. (A.3)
25Dans un premier temps, l’auteur semble considérer avec méfiance ce qu’il rapporte, tout en précisant les raisons qui nourrissent les soupçons du peuple : « He suffered the torment onely twise before his death, and had bin executed foure or fiue dayes sooner, if the Queene by expresse commandement had not hindred it. » (3sq.) Le narrateur s’interroge sur le nombre limité de séances de torture auxquelles le condamné a été soumis : il soupçonne implicitement que les interrogateurs n’ont pas voulu faire avouer à Ravaillac le nom de ses complices. Il reprend alors les raisons qui expliqueraient la hâte avec laquelle on a mis à mort le régicide :
The causes of his speedie execution that are alledged by the Court of Parliament, are these: That by their forme of proceeding, they neuer torment any man before he be condemned, and keepe him not aliue aboue a day after. That they feared he might die of his torments, & so they to be bereaued of his confession at his death, and the people of so desired a spectacle; who were much pleased and satisfied to see him so cruelly (though deseruedly) tortured. (4)
26La mise à distance est rendue explicite par le verbe « alledged », qui place toute l’explication sous une lumière incertaine : il est possible que tout ça ne soit qu’un prétexte pour faire disparaître un témoin gênant et empêcher que ne soit découverte l’implication des Jésuites. Celle-ci est d’ailleurs confirmée ensuite, puisque Ravaillac a confessé qu’il s’était entretenu avec un membre de la Compagnie de Jésus avant de commettre son crime. L’auteur précise que le Père d’Aubigné, interrogé, a nié tout contact avec le condamné. Le narrateur glose l’information en ces termes :
Which denial made the matter the more suspicious, they finde by letters written to this towne, & by authentical certificates that the very day of the Kings murther, & the day before, there were reports spread thereof out of the Kingdome. (4)
27Il est assez étonnant que des quatre textes publiés après la mort d’Henri IV, un seul mentionne les rumeurs qui s’étaient répandues sur le régicide avant même que le meurtre n’ait lieu, ainsi que la possible complicité des Jésuites dans l’organisation du complot. En effet, cible privilégiée des attaques anglicanes et puritaines, la Compagnie de Jésus avait figuré très tôt au rang des pousse au crime. Compte tenu de l’influence des écrits ligueurs lors de l’assassinat d’Henri III20, il était logique de rechercher du côté des prédications et des publications d’autres encouragements à tuer le roi. L’épistolier souligne ainsi que, selon les autorités françaises les livres publiés dans le royaume depuis des années ont dû avoir une influence sur Ravaillac :
they say further that they doe well finde, that the damnable Maximes which haue bene insinuated these 20. yeeres by seditious Bookes, and Preachings, in derogation of the sacrednesse and authority of Princes, haue bene a chiefe occasion of this mischiefe. (5)
28Ces vingt ans couvrent de fait les textes parus juste avant et après la mort d’Henri III.
29De manière assez inattendue, The copie of a letter est le seul à entrevoir dans Ravaillac le simple exécutant d’une volonté politique ou religieuse plus haute que lui. Familiers des conspirations ourdies contre leurs souverains, les Anglais auraient pu être tentés par la thèse du complot, d’autant que, dès les faits perpétrés, des bizarreries étaient apparues. La coïncidence de l’assassinat du roi et du sacre de la reine aurait pu, par exemple, étonner les contemporains : en effet, Marie de Médicis n’aurait pas pu obtenir la régence si elle n’avait été sacrée reine la veille de l’assassinat du roi. Dans An extract, la succession rapide des événements est soulignée, mais la remarque est dénuée de toute dimension politique : le sacre de la reine est expliqué par l’affection que lui portait le roi et par sa prudence d’homme d’état sur le point de partir en guerre (« for explanation of his dearest affection to his Queenes ; and for satisfaction of his owne minde », C.4.v°). Sur un mode plus lyrique encore, le passage brutal des réjouissances du sacre aux lamentations du deuil est évoqué dans The sighes of France :
you Frenchmen, that are come from all parts, to see the Coronation of your Queene, are the eye witnesses of her establishment, the which you haue beheld celebrated in greater glory and pompe, then you could imagine, on Thursday the thirteenth of May (according to the French computation) yet you haue seene her on Friday the fourteenth following, in a more violent affliction, then may be named or expressed. (A.4.v°sq.)
30Ici encore, la juxtaposition du faste et du sang a une fonction plus esthétique que politique, et à aucun moment la reine ne semble avoir été soupçonnée de complicité dans l’assassinat du roi.
31À bien des égards, les quatre textes anglais résistent à la catégorisation : ils sont de longueur variable, de styles différents et ils ne s’intéressent pas aux mêmes aspects des événements de mai 1610. Il semblerait qu’ils aient répondu à des attentes venues d’un lectorat hétérogène, qui ne recherchait pas forcément les mêmes informations dans ces ouvrages. Outre la seule réception anglaise du meurtre d’Henri IV et du supplice de Ravaillac, ces livres, dans leur conception et dans leur existence même, témoignent du rôle désormais incontournable des libraires dans la diffusion des nouvelles, et de l’emprise finalement limitée des autorités sur ces agents de médiatisation.
32En ce qui concerne le rythme de parution de ces livres, l’historien en est réduit à des conjectures : nulle trace de ces ouvrages dans le registre de la Stationers’ Company ne permet de déterminer quand ils sont arrivés sur le marché londonien. En revanche, la logique oblige à penser que les livres ont été publiés assez vite après la mort de Ravaillac. Des précédents montrent que dans les années 1590, alors que le royaume était en guerre, il fallait parfois seulement dix à quinze jours pour qu’un événement advienne, fasse l’objet d’un texte, que ce texte soit traduit et publié à Londres21. Une fois le pays pacifié et les temps de trajet améliorés d’autant, on peut imaginer que ce délai ait été réduit, surtout dans le cas d’événements aussi importants que le meurtre d’un roi.
33En revanche, nous disposons de plusieurs informations sur ceux qui ont été impliqués dans la production de ces volumes. Dans la plupart des cas, l’imprimeur et l’éditeur ont laissé leur nom sur la page de couverture des différents volumes. Il faut noter ici que le système londonien de production du livre ne permet pas toujours de distinguer clairement entre l’un et l’autre rôles. Le mot « stationer » lui-même, qui apparaît dans le nom de leur corporation, désigne indistinctement les imprimeurs, les éditeurs ou les marchands de livres. À l’origine, il s’agissait des papetiers mais l’essor de l’imprimerie a diversifié les métiers regroupés dans la Compagnie22. En français, le mot « libraire » pourrait rendre la diversité des tâches regroupées sous le vocable « stationer ». En Angleterre, mais aussi en France dans une moindre mesure, les acteurs du monde du livre changent souvent de fonction : pour telle publication, un homme est imprimeur, tandis que pour telle autre il n’est que le vendeur (et donc peut-être l’éditeur, mais rien ne permet de le dire) du livre.
34La comparaison des différents volumes étudiés révèle que les hommes impliqués dans cette production sont très peu nombreux. En effet, même si le nom des imprimeurs n’apparaît pas toujours, le Short-Title Catalogue (STC) permet d’identifier ceux qui sont restés anonymes : pour cinq éditions imprimées, il n’y a pas eu plus de cinq professionnels engagés. Ainsi, Robert Barker aurait imprimé The copie of a letter et il figure aussi comme imprimeur de An extract. John Windet aurait, selon le STC, imprimé The sighes of France. Plus étonnant, ces trois textes ont un homme en commun, dont la présence sur la page de couverture est frappante : le marchand chez qui le livre était vendu, John Budge. Son échoppe, située à Britaine Burse, est toujours mentionnée. The terrible and deserued death, en revanche, ne cite aucun de ces libraires : William Barley a imprimé l’édition londonienne pour John Baylie, et à Édimbourg c’est Robert Charteris qui s’est chargé de l’impression et/ou de l’édition du même texte. Celui-ci est certainement parvenu en Angleterre par d’autres canaux que les trois volumes précédents.
35La présence de John Budge sur trois des cinq volumes est assez surprenante. D’une part, les marchands de livres ne figurent pas toujours en couverture. En général, quand ils y sont, c’est qu’ils ont rempli en même temps le rôle d’éditeur : c’est à leur demande que le texte a été imprimé, ils ont souvent avancé les fonds nécessaires à la composition et à l’achat de matériel, et ils vendent ces volumes pour leur compte. John Budge aurait donc assumé financièrement de mettre sur le marché, dans une période probablement très courte, trois textes sur le même sujet. Comme souvent dans ces études, l’homme nous est inconnu : le monde londonien de l’édition est encore largement peuplé d’ombres. Dans le cas présent, cette ignorance nous empêche de savoir si John Budge avait une raison particulière de s’intéresser à la France, ou s’il était susceptible de connaître des Français pour lui transmettre des textes. En effet, si l’on ignore quelle est l’origine de The copie of a letter et de An extract, The sighes of France est bien la traduction d’un original français. On ne sait comment le texte a voyagé ni qui a entrepris de le traduire. Pourtant, ce que le nom répété de Budge indique, c’est que l’intérêt suscité par la mort d’Henri IV et par l’exécution de Ravaillac l’a convaincu que cette production se vendrait, alors même qu’elle était en partie redondante ou qu’elle risquait de sembler telle aux acheteurs éventuels.
36Faute de documents, la raison pour laquelle John Windet et Robert Barker ont été impliqués dans cette production doit aussi être conjecturée. Contrairement à nombre de ces contemporains, Robert Barker est un homme qui a laissé des traces. Fils de Christopher Barker, imprimeur de la reine Élisabeth entre 1577 et sa mort en 1599, Robert a repris de facto les affaires de son père comme imprimeur royal dès 1593. À l’arrivée de Jacques Ier sur le trône, il garde la charge d’imprimeur du roi – à ce titre, il contribuera en 1611 à l’impression de la version autorisée de la Bible23. La dimension quasi-officielle de ces textes, dont nous avons parlé plus haut, explique sans doute pour partie que Barker ait été utilisé pour l’impression de deux des volumes. Son implication confirmerait le lien étroit entre le pouvoir et ces publications. John Windet, lui, semble avoir exercé son métier de 1584 à 1610. Les premières années, il imprime de nombreux textes italiens, mais entre la fin des années 1580 et la décennie suivante, sa production compte des titres d’origine française en quantité24. Il collabore notamment à plusieurs reprises avec John Wolfe, grand éditeur de textes français. Compte tenu de l’ampleur de sa production – plus de quatre-cent-trente titres en une trentaine d’années – John Windet est un choix logique de la part de John Budge : sa contribution devait garantir que le texte sortirait des presses aussi vite que possible. La présence de ces trois hommes indique la concentration et la spécialisation relatives des acteurs du monde du livre à Londres au début du 17è siècle.
37Dans ce contexte, The terrible and deserued death détonne. Le texte paraît dans deux éditions différentes, une fois à Londres et une fois à Édimbourg. En Écosse, c’est Robert Charteris qui prend en charge la publication. Fils cadet de Henry Charteris, un imprimeur majeur de la capitale écossaise ainsi qu’un notable impliqué dans les affaires de la ville, Robert Charteris a repris les presses paternelles à partir de sa mort en 1599. Néanmoins, il ne publie en son nom qu’à partir de 1602. Proche du pouvoir, il devient imprimeur du roi en 160425. The terrible and deserued death est son unique ouvrage ayant un rapport avec la France. Ici, ce serait plutôt le lien avec les autorités qui expliquerait sa participation au projet éditorial. Curieusement, d’après le STC, les libraires William Barley et John Bailey se seraient associés pour faire travailler les imprimeurs Edward Allde et Ralph Blower et imprimer l’édition londonienne de The terrible and deserued death. Il n’y a pas grand-chose de commun entre les deux imprimeurs : Allde est une figure majeure de l’impression londonienne, qui a laissé près de six-cents titres dans le Short-Title Catalogue. Fils de l’imprimeur John Allde, souvent en délicatesse avec les autorités, notamment pour avoir imprimé un livre catholique en 1597 puis en 1603 pour avoir piraté une édition du Basilikon Doron, il est en exercice jusqu’en 162726. À l’inverse, la carrière de Ralph Blower apparaît beaucoup plus modeste, avec une cinquantaine de textes imprimés entre 1595 et 1614. Néanmoins, les deux hommes ont en commun d’avoir surtout travaillé pour d’autres, sans vendre eux-mêmes leur production. Il serait difficile de déterminer un genre dominant dans les textes qu’ils ont laissés : sans surprise, les impressions de Blower consistent surtout en des volumes de petite taille et de qualité moyenne, nécessitant moins de fonds et un personnel moins qualifié. Les deux libraires, Barley et Baylie, n’ont laissé que peu de traces. Le premier a vendu une centaine de titres dans sa boutique de Gracious Street entre 1591 et 1614, mais sa vie reste un mystère. Le deuxième est resté encore plus discret. Son nom apparaît seulement sur quatre livres (dont les deux éditions londoniennes de The terrible and deserued death) entre 1600 et 1610. Le texte sur la mort d’Henri IV est l’unique collaboration entre ces deux hommes.
38À comparer leurs œuvres, la rencontre de ces quatre libraires est loin d’être évidente. La discrétion de Baylie contraste avec la renommée d’Allde, et l’on ne peut guère qu’imaginer comment ces hommes ont pu être amenés à travailler ensemble. La proximité géographique, le hasard des rencontres ou la disponibilité des presses sont autant de raisons possibles pour justifier cette entreprise. Ce type d’exemples montre à quel point il reste difficile de se montrer catégorique sur ces sujets.
39Les noms qui figurent en page de couverture de ces volumes ne doivent pourtant pas faire oublier que d’autres hommes ont pu intervenir dans la conception et dans la transmission des livres. À cet égard, The terrible and deserued death est particulièrement significatif. En effet, à la fin du volume figure une liste de textes français qui auraient servi à l’élaboration du volume que le lecteur a sous les yeux. On y lit :
These be the only last and true newes out of France, taken out of three seueral books there imprinted, the one at Roane by Martin Mesgissier Printer ordinary to the King.
Another by Peter Courant according to the coppy printed at Paris, by Anthony Vitray, by permission of the court.
And another Printed at Roane by the same man, and now an abstract of them al turned into English by R.E. (8)
40Les précisions apportées sur ces livres permettent à l’éditeur de renvoyer éventuellement son lecteur aux textes sources, afin de vérifier la véracité des informations données. Cependant une telle liste permet aussi au lecteur d’aujourd’hui d’envisager les réseaux reliant les éditeurs de part et d’autre de la Manche. Cette circulation de textes avait déjà été rodée dans les années 1580 et 1590, notamment entre Londres et Rouen, où les travaux de Martin Mégissier semblent avoir particulièrement intéressé les libraires anglais27.
41Entre Français et Anglais, les pratiques de collaboration qui ont cours sont très variables. S’il arrive que les deux libraires figurent en couverture, parfois le nom des éditeurs français ne figure pas. Il faut dire que les éditeurs anglais transforment parfois profondément le texte, en bouleversant sa composition. Tel est le cas du volume The sighes of France, qui est la traduction d’un texte français intitulé Les Souspirs de la France et publié chez Pierre Ramier à Paris en 161028. L’octavo français devient un quarto dans l’édition anglaise, ce qui lui confère d’emblée plus de prestance grâce à un format plus noble. L’éditeur anglais a également souhaité illustrer son volume : en page de couverture, là où dans l’édition française figure la marque d’imprimeur de Pierre Ramier, apparaît une illustration qui représente le carrosse du roi Henri tiré par quatre chevaux blancs. Trop grande pour le feuillet, l’image est coupée au niveau des chevaux de tête, dont on voit seulement la queue. Ravaillac brandissant un couteau prend appui sur le marchepied. Un médaillon d’Henri IV trône en deuxième page, au feuillet A.3, avant que le texte ne commence. Le texte français, lui, ne contient qu’une discrète frise décorative et une lettrine. Visiblement, John Budge a souhaité rendre son édition plus accessible et sans doute plus aisément repérable au milieu d’autres textes semblables. Cette volonté de rendre son volume plus accessible trouve une autre illustration dans la lettre même du texte. Là où le texte français indique que dans oraison devant la cour, Michel Servin a évoqué l’exemple de la régence de Blanche de Castille (il « fit une remonstrance sur le sujet, & principalement du bien qu’avoit receu la France de la Regence de la Royne Blanche mere de S. Louys », 12), le texte anglais supprime l’allusion historique :
Mounsiere Seruin the kings attourney generall, made an admonishing Oration to the people vpon the businesse in hand, and in especiall of the good that France should receaue by the gouernment of the said Queene (B.3).
42Le « traducteur » s’est fait ici correcteur, et la référence à Blanche de Castille a disparu. Les motifs d’une telle suppression peuvent être multiples. Il s’agit peut-être d’une volonté de simplifier le texte, en l’expurgeant de références considérées comme trop érudites. Il est possible aussi que Saint Louis et sa mère aient été considérés comme des références trop chères aux Catholiques pour figurer dans un texte qui n’évoque à aucun moment la religion du roi Henri IV. Le cas de The sighes of France est révélateur des transformations qui accompagnent la traduction d’un texte. Les libraires anglais n’hésitent pas à modifier ou à aménager le texte pour qu’il corresponde mieux au lectorat qu’ils lui destinent.
43En fait, leur mode d’intervention ne se limite pas aux textes traduits. Un même texte publié chez deux libraires est susceptible d’être présenté de manière très différente. Ainsi en va-t-il des deux versions de The terrible and deserued death, publié à la fois en Angleterre et en Écosse. La version de Robert Charteris, à Édimbourg, est manifestement plus soignée que celle de Baylie et Barley : le choix de caractères romains, plutôt que les gothiques anglaises, indique que le texte était destiné à de bons lecteurs. La marque d’imprimeur, représentant des allégories de la justice et de la religion se faisant face, apporte une certaine solennité à la couverture : il s’agit en fait de la marque du père de Robert Charteris, ce qu’indiquent les initiales H et C situées en bas de l’image. Il est probable que les lecteurs écossais susceptibles de s’intéresser à une telle actualité appartenaient à un milieu assez savant. À l’inverse, le volume publié à Londres trahit une moindre sophistication. La pagination est, par exemple, maladroite et fautive. Le feuillet A.4.v° est surmonté d’un large chiffre qui indique « 4 », sans proportion avec le reste des caractères de la page et d’une taille différente du « 5 » qui lui fait face, comme si l’ouvrier typographe s’était trompé de casse ou avait manqué de matériel. En outre, à la double page suivante, la pagination indique « 10 » et « 11 », au lieu de « 6 » et « 7 », alors que la numérotation des feuillets, elle, est correcte (le feuillet B.2 succède au feuillet B). À la double page suivante, la numérotation reprend normalement, avec les pages « 8 » et « 9 ». Tout se passe comme si deux pages venues d’un autre texte avaient été intercalées. De telles erreurs sont très rares dans les textes de cette époque, et quasi-inexistantes dans la production de professionnels chevronnés comme Edward Allde. Ceci pourrait accréditer l’idée qu’il a sous-traité ce travail à Ralph Blower, par manque de temps ou de presse disponible.
44Autre différence avec le texte d’Édimbourg, l’édition londonienne contient deux illustrations, en page de couverture et dans le corps du texte (f° B.2). La première image représente l’écartèlement de Ravaillac, dont le corps figure attaché entre quatre chevaux noirs ; derrière une balustrade, trois personnages grossièrement dessinés, notables et militaires, regardent la scène. L’illustration manque de finesse : aucune proportion n’est respectée entre les personnages humains et les chevaux, ces derniers étant de taille beaucoup plus réduite que les hommes, alors qu’ils se trouvent au premier plan. Comme dans le cas précédemment cité de The sighes of France, l’image déborde du cadre de la page : les chevaux de droite sont coupés au niveau de l’encolure. La vignette qui figure dans le corps du texte est un détail de cette première gravure : désormais, seul le corps de Ravaillac tiré par les chevaux est représenté, mais cette fois les animaux sont entiers. Conséquence de ceci, l’image déborde dans la marge de la page, de manière assez disgracieuse, alors même qu’elle est alignée avec le texte à gauche. Elle semble donc décalée, étrangère au texte. La piètre qualité de ces illustrations, les erreurs de composition et la police choisie laissent penser que Barley et Baylie ne comptaient pas écouler leurs volumes auprès d’un public très exigent. Sans doute s’agissait-il pour eux d’une entreprise commerciale dont la rentabilité devait être la plus rapide possible.
45Dans un contexte comme celui de 1610, l’utilisation des images est loin d’être anodine. En effet, alors que les textes sont visés par les autorités, les illustrations peuvent constituer un espace de liberté, restreint sans doute, mais réel. En montrant Ravaillac sur le point d’attaquer le roi, l’éditeur de The sighes of France se montre plus audacieux que la plupart de ses contemporains qui, on l’a vu, refusent parfois de dire le régicide. Il serait excessif d’affirmer que l’utilisation des vignettes permet de contourner la censure ; cependant, les gravures n’ont pas seulement un rôle ornemental. Elles ont sans doute leur place parmi les outils à la disposition des libraires pour élargir un peu la marge de libre expression qui leur est laissée.
46En effet, depuis le renforcement des contrôles officiels sur les imprimés sous le règne d’Élisabeth, et notamment depuis le décret de la Chambre Étoilée de 158629, les libraires ont dû apprendre à se concilier leurs censeurs. En 1610, les instructions répétées de Cecil à Wilson montrent que les autorités n’ont pas souhaité laisser n’importe quelles histoires circuler au sujet de l’assassinat du roi de France. Par conséquent, la vigilance des autorités et l’importance de l’événement concourent à faire de la mort d’Henri IV et de son traitement dans les textes un exemple de la façon dont les libraires s’accommodent de la pression officielle et en tirent le meilleur parti.
47Le texte le plus remarquable à cet égard est An extract. C’est un quarto comme les autres, mais il compte une petite trentaine de pages là où les autres en ont dix ou quinze tout au plus. La dédicace est signée par Edmond Skory, qui n’a pas laissé de trace. Le texte est dédié au Vicomte Cranbourne, le fils de Salisbury, que le dédicataire aurait rencontré en France. Selon le Short-Title Catalogue, The copie of a letter est parfois attribué au même Skory, sans que l’on sache pour quelle raison exactement. Si cette origine commune était avérée, elle augmenterait encore la concentration dans la production et la circulation de ces nouvelles dont nous avons parlé plus haut. Là où la plupart des textes se veulent textes d’actualité, qui racontent l’assassinat du roi et l’exécution de Ravaillac, An extract consiste en un résumé de la vie d’Henri IV, qui permet à l’auteur d’évoquer ensuite le régicide (dont nous avons déjà dit qu’il a été supprimé du volume fini). Il s’agit donc plutôt d’un texte historique que d’un texte d’actualités. La biographie qui est proposée dans ce volume est tout à fait exemplaire de cet espace mal défini, entre vérité historique et mythologie royale, qui permet aux libraires de s’accommoder de la censure tout en faisant passer les informations de leur choix. L’homme qui nous est présenté est un héros, ce dont témoignent les premières lignes du texte :
There being an Union of Vertue and Fortune in the person of this French K.H. the 4, whose life I will onely point at; hath iustly gotten him all the eleuated titles of an immortall glory. So many actions of his person are as so many miracles, and may safely exempt him from being paralleld either in the difficultie of obtaining, or happinesse in keeping so great and stirring a Kingdome. (B.2)
48Le reste du texte est aussi hyperbolique que ces quelques lignes d’introduction. La plupart des éléments cités dans la vie d’Henri IV sont narrés de façon à révéler à tous le destin hors du commun d’un homme qui a su souffrir les pires tourments pour le bien de son peuple et a été sacrifié à son royaume. Tout s’inscrit dans cette perspective, même si la réalité historique des faits est évidemment moins univoque. Ainsi, son père Antoine de Bourbon est présenté comme une victime des guerres de religion : « By the Ciuil warres was his Father, (the Light, & Conductor of his Nature, and fortunes) extinguisht » (B.2.v°). Un propos aussi général ne peut être entièrement faux, mais il passe sous silence une information importante : Antoine de Bourbon, noble catholique marié à une Calviniste fervente, est mort alors qu’il assiégeait Rouen avec les troupes royales pour reprendre la ville aux Huguenots. Parallèlement, le narrateur laisse entendre que Jeanne d’Albret, reine de Navarre, a été tuée pendant la Saint-Barthélemy :
At nineteene yeere old he was inueigled into his first marriage; a marriage as dangerous, as illegitimate; for celebration of which direfull Nuptials; Hymen had his garment not sprinkled; but daubed all ouer with the blood, of the best bloods in France; his Mother lost her life, his friends were banished, himselfe, and his seruants captiued. (B.3)
49Henri devient donc le chef incontesté du parti huguenot (« And now these of the Religion […] elected him their Generall », B.2.v°), ce qui laisse dans l’ombre la figure pourtant incontournable du prince de Condé. Une fois ces jalons posés, la vie d’Henri est racontée comme une geste, incluant la patience, le courage, l’intelligence du héros. Toutes les ombres sont effacées du tableau : il n’y a aucune mention de ses différentes conversions ni aucune évocation de l’abjuration de 1593. Une formule lapidaire décrit les relations cordiales entre la France et l’Angleterre (« England is in perfect amitie with him », C.3.v°), faisant peu de cas des moments d’exaspération de la reine Élisabeth et des agacements de Jacques Ier face aux tergiversations du roi de France. Le révisionnisme historique est donc poussé très loin dans ce texte qui fait d’Henri IV le héros de l’époque, et il n’est pas certain que le roi d’Angleterre ait particulièrement apprécié un portrait aussi flatteur de son homologue français.
50Pourtant, la fin du volume révèle ce qui est peut-être l’intention sous-jacente du narrateur. Après avoir évoqué les hauts-faits de la vie d’Henri IV, le narrateur en vient au présent, et au meurtre lui-même. Dans un style aussi hyperbolique que dans la partie précédente, la mort du roi provoque une lamentation assez longue :
That the sacred person of so great a King; should be vndone by the hands of an unholy Villaine, and his owne vassaile: that a Prince of the sword, should he butchered with a Knife: that He, who had returned victoriously aliue, from the head of so many Armies (where Death keepes his open shambles) should now be robbed of his life, by the hands of only one, and in the peacefull streets of Paris (D.2.v°sq).
51Cependant l’essentiel vient après : il s’agit pour le narrateur de relier la mort d’Henri IV au Gunpowder Plot.
Truely I confesse; that the Intention of the Pouder-treason if it had come to Act: (by which our entier State had beene entirely ruined in an instant) had exceeded this: (for as yet, God be praised the State of France goeth on in her former and euen Course:) I confesse that Treason; blew vp all other treasons, as it would haue blowen vp all vs: It was the Diuells Masterpeece; deuided by himselfe; exceeding all Thought, all Expression; all Example. (D.3sq)
52À la première lecture, on croit détecter dans cette analyse une forme de compétition mémorielle assez surprenante : l’Angleterre a été mise en danger plus sérieusement que la France. Pourtant, ce que le texte indique vraiment c’est qu’il y a une différence fondamentale entre le régicide et l’attentat manqué de 1605 : lorsque Guy Fawkes et ses complices ont essayé de supprimer le roi-en-son-parlement, ils ont visé l’intégralité de l’État, et pas seulement sa figure tutélaire. La portée politique du geste était donc beaucoup plus grande. On peut remarquer ici que cette conception n’est pas fausse, puisque Ravaillac lui-même a confessé qu’il avait attendu le sacre de la reine pour tuer Henri IV, afin d’éviter que la France ne sombre dans le chaos : c’était donc bien le roi en tant que personne qui était visé, et non sa fonction ou son pouvoir.
53Une fois la « supériorité » du Gunpowder Plot établie, les deux dernières pages du volume sont consacrées à une action de grâce pour la survie du roi Jacques. Les mots soulignent à l’envi le caractère exceptionnel du souverain :
O How vunthankefull then are we to God for that his miraculous preseruation of our King for the States sake; of our State, for the Kings sake: Whose Constancy in Religion and Iudicious profoundnesse in the controuersed points thereof; whose temperance in gouernement, and mercy euen to greatest Offenders, hath giuen vs cause to confesse the valew of so inestimable a King, and with publique sacrifice of prayers, importune God for the continuance of his safetie. (D.4)
54Il n’est pas impossible de lire en creux une description négative d’Henri IV : la référence à la constance religieuse du roi d’Angleterre pourrait renvoyer implicitement aux conversions successives du roi de France. Ces remarques auraient alors pour fonction de nuancer le portrait hagiographique précédent. Dès lors, on comprend mieux pourquoi les autorités anglaises ne se sont pas inquiétées de la publication d’un texte dans lequel Henri IV était si ouvertement magnifié30. Les dernières pages limitent considérablement la portée du reste du volume.
55Enfin, comme si l’action de grâce et la prière n’allaient pas suffire à protéger Jacques Ier des noirs desseins de meurtriers en puissance, le narrateur évoque l’existence d’un complot visant à assassiner le roi :
And whether the speech proceeded from some planetary obseruation in forreine parts, or from some Intelligence broken forth from out the denne of these lurking-assacinates; yet sure I am, (and my information is of credit) that euen about this very time, the like assault was said should bee made vpon the person of our Soueraigne (D.3.v°sq).
56La remarque manque de précision : que signifie exactement l’allusion à l’astrologie ? Sans information sur Edmond Skory ou sur la personne qui a rédigé le texte, on ne peut pas savoir s’il était bien informé et s’il y a une possibilité que ce complot ait réellement existé. Néanmoins, l’important n’est pas là. L’évocation de la vie d’Henri IV et de sa mort brutale n’a été finalement que le prélude, voire le prétexte, à un éloge du roi d’Angleterre ; créer une psychose quant à son éventuelle disparition peut aussi être un moyen de renforcer l’attachement des Anglais pour leur roi. La glorification posthume d’Henri IV n’a pas pu échapper aux autorités anglaises et on peut envisager qu’elles aient senti le parti qu’elles pourraient tirer de rumeurs alarmantes. Avec deux héritiers mâles en ligne directe, la peur de la disparition du roi n’attiserait pas les appétits de lointains cousins mais elle pourrait en revanche resserrer un corps politique qui menace de se dissoudre régulièrement31.
57Au terme de cette étude, il convient donc d’abord de souligner la prudence indispensable à l’approche de ces textes : de nombreuses informations manquent, et l’on est souvent amené à formuler des hypothèses plutôt qu’à tirer des conclusions fermes. Il faut admettre cette dimension, et se contenter de pistes de réflexion que des recherches ultérieures permettront peut-être de valider plus tard.
58Cette réserve mise à part, en dépit de leur apparente forte unité thématique, les quatre textes qui paraissent dans les semaines suivant l’exécution de Ravaillac présentent des défis variés à l’historien et au lecteur d’aujourd’hui. Placés sous le signe de la tragédie humaine, politique et royale, ils diffèrent considérablement dans leur tonalité, leur point de focalisation principal et sans doute aussi leur raison d’être. Textes autorisés, ils ont dû se conformer à une discrétion assez stricte quant au meurtre lui-même, au point parfois de faire mentir leur titre. Cependant, la retenue affichée face à la mort du roi n’est pas de mise en ce qui concerne le supplice du criminel : ce lynchage posthume garantit des ventes élevées et permet aux libraires de s’attirer les bonnes grâces du pouvoir en reprenant à leur compte la « politique de l’effroi » mise en scène pendant l’exécution. Les textes d’actualité les plus simples s’en tiennent à ce spectacle-là, une rhétorique de la violence univoque qui se contente de l’exhibition du régicide. Dans les autres cas, et en particulier dans celui d’An extract, les stratégies qui sous-tendent la publication sont moins claires. Les passages consacrés aux problèmes contemporains et notamment aux menaces qui ont pesé et pèsent encore sur Jacques Ier semblent tenir un rôle à part, comme s’il fallait profiter au mieux de cet événement inattendu. Pourtant, même si An extract est le seul texte à lier aussi clairement la mort du roi de France au Gunpowder Plot, tous ces imprimés, par leur existence même, ont bouleversé le cours du temps. En effet, en couchant le sort de Ravaillac et les conséquences du régicide sur le papier, ces hommes ont à la fois mis à distance l’événement pour pouvoir l’analyser, et l’ont aussi rendu immédiat pour leurs lecteurs. Cette dialectique de l’immédiateté et de la distance est au fondement du processus d’édition ; c’est elle qui rend le rapport au texte imprimé si compliqué, utilisant le temps pour prendre du recul mais réactivant les faits racontés en niant le temps écoulé depuis leur perpétration. La répétition sans fin de ces récits n’est pas sans risque, et elle fait du monde du livre un opposant en puissance. Même si les publications ont été étroitement encadrées, nul ne peut dire vraiment quel sera l’effet de cette rhétorique de la violence sur les lecteurs ou sur leurs auditeurs.
59Bien sûr ces imprimés n’auront pas été la seule source à laquelle les Londoniens et les Écossais auront glané des détails sur la mort d’Henri IV ou sur l’exécution de son assassin : des voyageurs présents à Paris au mois de mai auront pu raconter aussi ce qu’ils ont vu ou entendu. Cependant ces textes nous renseignent sur la version que les autorités anglaises ont voulu faire circuler : la sérénité du peuple français, la mise en place instantanée d’institutions garantissant une succession sans heurt et une forme de continuité de l’État constituaient des solides remparts contre des projets de régicide sur la personne de Jacques Ier. En laissant paraître des textes qui témoignaient que la monarchie française ne sombrait pas, que la coexistence religieuse prévue par l’Édit de Nantes subsistait, et que le royaume demeurait en paix, les autorités anglaises signalaient la vacuité de tout complot destiné à renverser le roi. Il est difficile de déterminer quelle part consciente les libraires anglais ont pris dans cette entreprise, mais il est certain qu’en réagissant avec souplesse au probable afflux de textes sur le régicide, les autorités ont limité le risque de publications incontrôlables et fait des libraires leurs alliés, consentis ou non. L’impression de quelques textes au contenu contrôlé a permis de diminuer l’attrait des éditions clandestines.
60Ainsi, alors que comme le dit Arlette Jouanna, « la mode en Europe est au régicide32 », le pouvoir anglais a su montrer sa maturité en matière de contrôle de l’imprimé. Loin d’une vision caricaturale décrivant une censure totalement inefficace ou au contraire absolument incontournable, le cas des pamphlets sur la mort d’Henri IV révèle des autorités beaucoup plus fines dans la façon de s’accommoder de l’inévitable parution de textes et d’en tirer le meilleur profit. C’est dire combien en quelques décennies seulement, le pouvoir anglais a su s’emparer de l’imprimé pour l’utiliser à ses propres fins.
Bibliographie
Sources primaires
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ANON., The sighes of Fraunce for the death of their late King, Henry the fourth. The true maner of his murther: the forme of the coronation of Prince Lewes at S. Augustines. With the oration made by Mounsier Seruin, attourney generall to the King, exhorting both the peeres and people to alleageance. Printed in the Kings Palace, London, for J. Budge, 1610, STC 13140.
ANON., Supplice, mort, et fin ignominieuse du parricide inhumain, & desnaturé François Rauallot [sic], Lyon, I. Gautherin, 1610.
ANON., The terrible and deserued death of Francis Rauilliack, shewing the manner of his strange torments at his execution, vpon Fryday the 25. of May last past, for the murther of the late French King, Henry the fourth. Together with an abstract out of diuers proclamations, and edicts, now concerning the state of France. As it was printed in French in three seuerall bookes published by authoritie. 1610, London, W. Barley for J. Baylie, 1610, STC 20755 et Edinburgh, R. Charteris, 1610, STC 20755.5.
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SKORY, Edmond, An extract out of the historie of the last French King Henry the fourth of famous memorie, according to an autentique [sic] copie written in his life time. To which is added his being murdered with a knife in his coach in Paris the 14. of May last 1610. styl. Rom. With a apprecation [sic] for the safeguard and happines of our most gracious soueraigne Iames the first, &c. Seene and allowed by authoritie, London, [R. Barker for J. Budge], 1610, STC 20754.
SKORY, Edmond, The copie of a letter vvritten from Paris, the 20. of May 1610. Declaring the maner of the execution of Francis Rauaillart, that murdered the French King. With what he was knowen to confesse at his death. And other the circumstances and dependencies thereupon. Together with two edicts; one of the Parliament alone; the other of the new King in Parliament, declaring the confirming the Queene mother Regent of France, London, R. Barker, 1610, STC 22629.
Sources secondaires
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Notes
1 Nicolas Le Roux, Un régicide au nom de Dieu. L’assassinat d’Henri III, Paris, Gallimard, 2006 (Les Journées qui ont fait la France), p. 287-311.
2 « Le couteau de Ravaillac a aidé, probablement bien contre l’intention de son auteur, au succès de l’absolutisme en France. Ravaillac a contribué ainsi, sans l’avoir voulu de cette façon, à sauver la France. », R. Mousnier, L’assassinat d’Henri IV, op. cit., p. 305. Voir à ce sujet l’ensemble du dernier chapitre (« L’affermissement de l’absolutisme et les États-Généraux de 1614-1615 », p. 273-304) et les réserves émises par Arlette Jouanna dans la préface, p. xi-xii.
3 NDLR : le curé Boucher fut dans les premiers à sonner le tocsin en 1587 lors de la mort d’Henri III pour inciter le peuple à la révolte. Après la mort du roi, en forme de théorisation de l’acte accompli son texte majeur, De justa Henrici tertii abdicacione Francorum regno, libri quattuor sera publié en 1589.
4 Voir par exemple : Parlement de Paris, Arrest de la Cour de Parlement contre le tres meschant parricide François Ravaillac. Éditeur : B. Ancelin (Lyon), 1610.
5 P. D. C. S. D. V, Le Praticien demembré pour sa faute commise au corps sacré du Roy. Le 14 de May avec le subject du parricide Ravaillac en quoy il a esté condemné. Par arrest de messieurs de la Cour, les chambres assemblées, a Paris, le vingt-septième de May, mil six cens dix, S. l. n. d., 1610.
6 P. Matthieu, Petit sommaire de la vie, actes et faits de très heureuse mémoire Henry IIII, Paris, P. Ramier, 1610.
7 Edmond Skory, An extract out of the historie of the last French King Henry the fourth of famous memorie, according to an autentique [sic] copie written in his life time. To which is added his being murdered with a knife in his coach in Paris the 14. of May last 1610. styl. Rom. With a apprecation [sic] for the safeguard and happines of our most gracious soueraigne Iames the first, &c. Seene and allowed by authoritie, London, [R. Barker for J. Budge], 1610, STC 20754 (An extract ci-après).
8 The copie of a letter vvritten from Paris, the 20. of May 1610. Declaring the maner of the execution of Francis Rauaillart, that murdered the French King. With what he was knowen to confesse at his death. And other the circumstances and dependencies thereupon. Together with two edicts; one of the Parliament alone; the other of the new King in Parliament, declaring the confirming the Queene mother Regent of France, London, R. Barker, 1610, STC 22629 (The copie of a letter ci-après).
9 The terrible and deserued death of Francis Rauilliack, shewing the manner of his strange torments at his execution, vpon Fryday the 25. of May last past, for the murther of the late French King, Henry the fourth. Together with an abstract out of diuers proclamations, and edicts, now concerning the state of France. As it was printed in French in three seuerall bookes published by authoritie. 1610, London, W. Barley for J. Baylie, 1610, STC 20755 et Edinburgh, R. Charteris, 1610, STC 20755.5 (The terrible and deserued death ci-après).
10 The sighes of Fraunce for the death of their late King, Henry the fourth. The true maner of his murther: the forme of the coronation of Prince Lewes at S. Augustines. With the oration made by Mounsier Seruin, attourney generall to the King, exhorting both the peeres and people to alleageance. Printed in the Kings Palace, London, for J. Budge, 1610, STC 13140 (ci-après The sighes of France).
11 On pense évidemment à la suppression de l’acte IV du Richard II de Shakespeare, au cours duquel le roi Richard procède à son propre « découronnement » ; l’acte entier ne figure dans aucune des éditions de la pièce parue à l’époque et figure pour la première fois dans le Folio de 1623.
12 W. W. Greg (éd.), A Companion to Arber, Oxford, The Clarendon Press, 1967, p. 156.
13 Ibid., p. 156.
14 Voir Mark Greengrass, France in the Age of Henri IV, 2è éd., Londres & New York, Longman, 1995, p. 89-116.
15 Si des chercheurs comme Frederick Siebert (Freedom of the Press in England, 1476-1776, Ann Arbor, UMI, 1993) ou Annabel Patterson (Censorship and Interpretation: the conditions of writing and reading in early modern England, Madison, University of Wisconsin Press, 1984) ont souligné le caractère assez strict des systèmes de censure élisabéthains et jacobéens, la tendance est aujourd’hui à une relativisation de ces pratiques, tant dans leur intention que dans leur efficacité. Voir les travaux de Blair Worden (“Literature and Political Censorship in Early Modern England”, in Alastair C. Duke et Coenraad Tamse (éd.), Too Mighty to Be Free, Zutfen, De Walburg Press, 1987) et de Cynthia Susan Clegg (Press Censorhip in Elizabethan England, Cambridge, CUP, 1997).
16 Voir par exemple le Supplice, mort, et fin ignominieuse du parricide inhumain, & desnaturé François Rauallot [sic], Lyon, I. Gautherin, 1610 ou le Discours veritable sur la mort de François Rauaillat, executé à Paris le 27 May, pour le detestable et crul parricide par luy commis en la personne de Henry IIII. Roy de France & de Nauarre. Avec un ample recit des tourmens qu’on luy a fait endurer, Lyon, B. Ancelin, 1610. Ces publications ont souvent reçu l’imprimatur des autorités.
17 Voir Franck Lestringant, « Catholiques et cannibales. Le thème du cannibalisme dans le discours protestant au temps des guerres de religion », in Jean-Claude Margolin et Robert Sauzet (éd.), Pratiques et Discours alimentaires à la Renaissance. Actes du colloque de Tours de mars 1979 (CESR), Paris, G.-P. Maisonneuve et Larose, 1982, p. 233-243.
18 Michel Foucault, Surveiller et Punir. Naissance de la prison (1975), Paris, Gallimard, 2008 (Collection Tel), p. 60.
19 « you, (as I coniecture,) who hauing vnderstood by my former Letters, what hath hitherto passed about this direfull acte, you will likewise couet to heare the end of this execrable actor, with other the consequencies; which here you haue. » (A.3)
20 Voir Nicolas Le Roux, op. cit., p. 160-181.
21 Tel est le cas de récits militaires sur les campagnes d’avril et de mai 1592 : l’un des deux textes est enregistré à la Stationers’ Company tout juste quinze jours après le dernier événement raconté (voir STC 11260).
22 Voir Cynthia S. Clegg, op. cit., p. 14-25.
23 Voir DNB.
24 Dans cette production d’un genre très varié, on peut par exemple citer l’Excellent discours de la vie et de la mort de Philippe Duplessis-Mornay, traduit sous le titre A discourse of life and death. VVritten in French by Ph. Mornay. Antonius, a tragœdie written also in French by Ro. Garnier. Both done in English by the Countesse of Pembroke, Londres, [J. Windet] pour W. Ponsonby, 1592, STC 18138 ; des textes courts sur l’actualité française comme The French kings edict vpon the reducing of the citie of Paris vnder his obedience. Published the 28. of March 1594. VVhereto is adioyned the said kinges letters patents for the reestablishment of the Court of Parliament at Paris. Also a decree of the saide Court of Parliament of the 30. of March, concerning a reuocation of whatsoeuer hath bene committed in preiudice of the kinges authoritie, and the lawes of the land. All faithfully translated out of the French copies printed at Paris by Frederick Morell, by E.A, Londres, J. Windet, 1594, STC 13118 ; enfin, des livres plus érudits, comme L’histoire de France de la Popelinière (The historie of France: the foure first bookes, Londres, J. Windet, 1595, STC 11276).
25 Voir DNB.
26 Voir DNB.
27 Une traduction d’un édit d’Henri III publié par Mégissier en tant qu’imprimeur du roi avait ainsi été publiée en 1585 à Londres (Edict, for the reunityng of his subiectes in the Catholique, Apostolique and Romish Churche. Read, published, and registered in the Court of Parliament at Roan, the 23. of Iuly, 1585, Rouen, M. Mégissier & Londres, R. Jones, 1585, STC 13092.5).
28 Les souspirs de la France, sur la mort du Roy Henry IIII. et la fidelité des François, Paris, P. Ramier, 1610.
29 Voir Cynthia S. Clegg, op. cit., p. 54-61.
30 Sur les relations complexes entre les deux souverains (« Henri found very little to admire in his bother of Scotland, either before or after 1603, an opinion which James cordially reciprocated. »), voir Maurice Lee Jr, James I and Henri IV: an essay in English foreign policy, 1603-1610, Urbana ; Chicago ; Londres : University of Illinois press, 1970, p. 9-11.
31 On pense notamment aux crises précoces entre le roi et les Communes. Voir Pauline Croft, King James, Basingstoke, Palgrave Macmillan, 2003, p. 75-82. Sur la question de la liberté d’expression et de ses conséquences sur le corps politique sous le règne de Jacques Ier, voir David Colclough, Freedom of Speech in Early Stuart England, Cambridge, CUP, 2005, notamment les pages 120 à 195.
32 Arlette Jouanna, Henri IV (1984), Paris, Seuil, 2008, p. 299.
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