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Romeo+Juliet de Baz Luhrmann, une ré-imagination postmoderne
Par Florence Chéron
Publication en ligne le 19 février 2022
Résumé
In 1996, Baz Luhrmann transposed a modern version of Shakespeare’s Romeo and Juliet to the screen. The project was born at a time when filmmakers were trying to rehabilitate the classics (see for example Tim Burton’s Sleepy Hollow in 1999). The purpose was to make the new generation be fond of the classics while the latter had been progressively ignored or despised when screened in black and white for instance. If there are numerous examples as such, Baz Luhrmann’s work is characterized by a rare extremism that spares the Shakespearean poetry in a post-modern aesthetics. This article aims at analysing Luhrmann’s work through the concept of “re-imagination” or “re-invention”. In this cinematographic approach, it seems necessary to transform some words from the original text into another form – either visual or sonorous – which thus highlights all the artistic potentials of the cinema. Baz Luhrmann tried to answer Arnold Roger Manvell’s and John Huntley’s problematic by “re-imagining” Romeo and Juliet for the screen in 1990. The general atmosphere was “post-apocalyptic” to use Richard Vela’s phrase (Apocalyptic Shakespeare, 2009). The aesthetics of the production was governed by either an advertising and clip-like image or a raw picture like a documentary thanks to a nervous editing process (including slow and speedy motion) that echoed the world’s chaos which was represented. The ‘+’ of Romeo+Juliet synthetized Luhrmann’s aspiration: to combine two universes in a logical equation.
En 1996, Baz Luhrmann transpose à l'écran une version moderne de la pièce de Shakespeare. Le projet naît durant une période où les cinéastes cherchent à réhabiliter des classiques du théâtre comme du cinéma (par exemple, Sleepy Hollow de Tim Burton en 1999). Il s'agit alors de redonner le goût de ces « classiques » à une nouvelle génération dédaignant les textes datés ou les films en noir et blanc. Si les exemples de cet ordre sont légion, le travail de Baz Luhrmann se caractérise par un extrémisme rare, préservant le verbe shakespearien et le mariant avec une esthétique post-moderne. Cet article se propose d'analyser la démarche du cinéaste à travers le concept de ré-imagination. Dans cette conception précise du septième art, il semble indispensable de transformer certains mots du texte original en une autre forme – visuelle ou sonore – mettant ainsi en avant toutes les potentialités artistiques du cinéma. Baz Luhrmann tente de répondre à la problématique d'Arnold Roger Manvell et John Huntley en ré-imaginant Roméo et Juliette pour le grand écran des années 1990. Se dessine une ambiance aux accents « post-apocalyptiques », pour reprendre l'expression de Richard Vela (Apocalyptic Shakespeare, 2009). L’esthétique de la mise en scène est dominée par le règne de l'image tantôt publicitaire et clipesque, tantôt brute comme un reportage, scandée par un montage nerveux, des ralentis, des accélérés qui épousent le chaos du monde représenté. Le « + » de Romeo+Juliet synthétise l'entreprise du cinéaste : additionner deux univers comme une équation logique.
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Romeo+Juliet de Baz Luhrmann, une ré-imagination postmoderne (version PDF) (application/pdf – 1,9M)
Texte intégral
1En 1996 sort en salles Romeo+Juliet, une version contemporaine de la tragédie écrite par Shakespeare. Jürgen Müller résume l'impression duelle laissée par le premier long métrage américain de Baz Luhrmann :
Luhrmann s'autorise des folâtreries qui vont bien plus loin que le langage formel du cinéma et se dirigent en direction du video-clip : succession de plans, balayages, ralentis et accélérés, perspectives extrêmes […], bande son exceptionnelle et style de comédie hétérogène (allant du sérieux au grotesque). Le film se présente comme un élément de la culture pop et s'enivre en surface de symboles […]. On est stupéfait de voir que tout ceci donne un film homogène, beau et séduisant. Mais que cela s'harmonise en plus avec la langue de Shakespeare tient tout simplement du miracle1.
2Le cinéaste s'affranchit donc d'un certain formalisme cinématographique pour déborder sur l'audiovisuel. Cette démarche, intégrant les tendances populaires du moment, s'inscrit pleinement dans la vague des remakes et réadaptations de la fin du vingtième siècle. En effet, un nombre conséquent d'incontournables de la littérature et du théâtre ont été de nouveau portés à l'écran dans les années 1990 (Hamlet par Franco Zeffirelli en 1990 et en 1996 par Kenneth Branagh, Beaucoup de bruit pour rien également par Kenneth Branagh en 1993, Richard III par Richard Loncraine en 1995, Othello par Olivier Parker en 1996 et Le Songe d'une nuit d'été réalisé par Michael Hoffman en 1999 pour les seules adaptations des pièces shakespeariennes) et les biographies filmées se multiplièrent (Looking for Richard réalisé par Al Pacino en 1996 et Shakespeare in Love par John Madden en 1998, pour s'en tenir au travail mené au cinéma à partir de Shakespeare). À cette profusion s'ajoute la modernisation des œuvres. Des versions contemporaines sortent en salles comme le Psycho de Gus Van Sant (1998), remake en couleur et actualisé du film éponyme d’Alfred Hitchcock ou bien Les Nerfs à vif (1991) de Martin Scorsese, reprenant à l'époque actuelle l'intrigue du film éponyme de Jack Lee Thompson (1962). Ces cinéastes, à l'image de Baz Luhrmann, veulent familiariser la nouvelle génération avec des classiques grâce à des modalités d'expression novatrices.
3Films écrits et réalisés pour être populaires et générationnels, ils forment un corpus singulier opposant regard critique et goût du public. Romeo+Juliet déstabilise par sa perpétuelle évolution esthétique mais Baz Luhrmann revendique cette énergie comme un miroir du texte lui-même au monde contemporain. Il explique : « Pensez à l'éclectisme victorien. Ce que nous faisons là est une synthèse. Nous avançons vers la fin du millénaire. Nous sommes à la fin d'une période d'anomalies et nous résumons tout ce qui est arrivé avant2. » Synthétiser Shakespeare et la somme des versions antérieures de Roméo et Juliette aboutirait nécessairement, selon le cinéaste, à une représentation baroque et décadente. Additionnant la base textuelle originelle avec un éclectisme audio et visuel, il ré-imagine alors ce classique de Shakespeare. Pam Cook perçoit d'ailleurs Romeo+Juliet sous le joug de la ré-imagination :
L'idée était de réaliser un film qui traduirait le contexte turbulent du théâtre populaire shakespearien en une forme cinématographique contemporaine, afin de réaliser le film que cet auteur pourrait lui‑même tourner. Cela porterait également le style cinématographique théâtral à un niveau supérieur, actualisant la pièce pour un public moderne tout en conservant le langage poétique de Shakespeare3.
4Le radicalisme de Baz Luhrmann installe Romeo+Juliet dans un entre-temps et un entre-lieu universalisant. En cela, le champ théorique de la ré-imagination permet de saisir comment le cinéaste parvient à résumer le travail du dramaturge selon les modalités d'expression du cinéma. Pris dans un étau entre préservation et transposition des éléments fondamentaux de la pièce à l'écran, le parti pris de la modernisation suspend Roméo et Juliette dans un imaginaire hype-référencé et codifié qui, s'il cherche à échapper à son époque, s'y enracine autant que dans celle de Shakespeare.
Ré-imaginer Shakespeare pour le grand écran
5Baz Luhrmann vise donc, en adaptant Roméo et Juliette, à réaliser le film que Shakespeare aurait pu mettre lui-même en scène. Le cinéaste repense alors le discours mais aussi les moyens d'expression du dramaturge à travers ceux qu'offre le cinéma. En cela, il vise à ré-imaginer cette œuvre.
6Dans le domaine des études cinématographiques, le verbe « ré-imaginer » apparaît pour la première fois dans The Technique of Film Music. Arnold Roger Manvell et John Huntley utilisent ce nouveau terme en le liant à Shakespeare : « l'énorme tâche de ré-imaginer une pièce de théâtre shakespearienne pour l’écran4 » soulignent-ils, exprimant à la fois la complexité et la nécessité d'un tel exercice. L'emploi de « ré-imaginer » affirme un désir de création et de ré-élaboration d’une œuvre qui dépasse le cadre d'un enregistrement audiovisuel du texte.
7Exemplifiant la déclaration d'Arnold Roger Manvell et de John Huntley, Baz Luhrmann analyse Roméo et Juliette en profondeur afin de s'approcher au plus près et au plus juste de la pensée de Shakespeare et afin de le considérer comme un contemporain du cinéma. Le mot, le jeu et l’action ne sont alors qu'une partie des outils à la disposition du cinéaste. La mise en scène devient un élément décisif d'actualisation de l'ère élisabéthaine au sein des années 1990. Baz Luhrmann établit ainsi une sorte de généalogie entre une potentielle première représentation théâtrale de Roméo et Juliette et sa persistance à travers les siècles jusqu'à la fin du vingtième.
Conflit créatif entre le texte et l'image
8Peter Matthews affirme que Roméo + Juliette constitue « la réinvention la plus radicale d’un texte classique depuis l’adaptation de Macbeth par Akira Kurosawa5 ». Cette radicalité s'incarne d'abord par le respect de la trame narrative d’origine. Le cinéaste suit en effet le déroulé général alternant scènes comiques et tragiques tout en s’autorisant des écarts dans la temporalité (une analepse en introduction, un flash-forward, entre autres et un contre-temps : Juliette s'éveille avant la mort de Roméo laissant ainsi entrevoir une fin heureuse plutôt que tragique6). En maintenant l'intervention du chœur, Baz Luhrmann considère à son tour le spectateur et le libère du suivi de l'intrigue. Il valorise ainsi le contenu textuel lui-même et étend le propos initial : « Bien que le monde des adultes pourrait dire à ces jeunes amants qu’ils ne peuvent pas aimer cette personne à cause de son nom, cela pourrait aussi bien être à cause de sa race, de sa sexualité ou de sa religion7 », précise-t-il. Le cinéaste s'appuie sur la pièce de Shakespeare pour renvoyer le spectateur à sa propre situation de manière élargie par rapport à son modèle. Baz Luhrmann choisit également de restituer le texte d'origine sans actualiser le vocabulaire :
Notre philosophie en adaptant Roméo et Juliette était de révéler le récit de Shakespeare au travers de sa langue riche en inventions – lyrique, romantique, douce, sexy, musicale, violente, grossière, brutale, rugueuse, turbulente. Notre stratégie fut donc d'éviter de changer ou d'ajouter des mots. Nous avons insisté pour préserver les mots eux-mêmes jusqu'à conserver la forme obsolète du tutoiement8.
9En répercussion, la sémantique de certains mots évolue au contact de l'image contemporaine. Par exemple, « épée » ou « poignard » se matérialise sous la forme d’un pistolet et non plus d'une arme blanche. Ce recours à la métaphore visuelle ne restitue donc pas tant le verbe de Shakespeare qu'il ne crée un argot commun. Il redouble l'expressivité de la langue tout en imposant une distance temporelle avec son environnement. Le langage originel devient alors original et ludique. Baz Luhrmann déracine l'intrigue de l'ère élisabéthaine pour l'introduire dans une époque moderne soucieuse de s'exprimer via un vocabulaire référentiel comme si le temps se déroulait selon plusieurs rythmes. Bien que les progrès techniques soient sensibles à chaque instant, l'expression orale s'est, quant à elle, appauvrie. Pétrifiée, elle semble en effet incapable d'intégrer et de désigner les nouveaux objets qui se présentent à elle.
Les armes blanches deviennent des armes à feu
Romeo+Juliet, Baz Luhrmann. Captation d’écran
Crédits : Twentieth Century Fox Film Corporation
De la métaphore à la locution
10Si l'usage de l'argot commun produit, en association avec l'image, une série de métaphores enrichissant la pièce shakespearienne, le passage du textuel au vocal ré-imagine à son tour Roméo et Juliette. Baz Luhrmann précise :
La diction américaine a une sonorité élisabéthaine. On s'en approche en roulant les R. [...] La prononciation sud californienne de Leonardo DiCaprio demandant « Est-elle une Capulet ? » n'est pas si éloignée de l’accent entendu sur la scène élisabéthaine. Elle révèle différemment le texte9.
11Consciencieux, Baz Luhrmann revient au contexte shakespearien et restitue une sonorité authentique. Ce faisant, le cinéaste élabore un melting pot stéréotypé dans lequel la diction des personnages traduit à son tour une identité et une classe sociale. Cette modernité s’incarne avec la nourrice qui s'exprime avec un accent hispanique marqué et à travers les parents Capulet qui articulent fortement chaque mot, donnant à leur jeu une puissante rigidité. Quant aux Mercutio et Benvolio de Baz Luhrmann, ils parlent en rythme tel des rappeurs, associant lyrisme du phrasé originel et actualité du ton. La reconnaissance des clans et de leurs strates se perçoit donc directement par des distinctions vocales.
12De plus, la façon de parler de Benvolio et de Mercutio participe à la dimension musicale du film. Tandis que West Side Story raconte Roméo et Juliette par l'intermédiaire du chant, Baz Luhrmann entretient à son tour cette dimension en hommage aux représentations théâtrales élisabéthaines. Le cinéaste rappelle que « Shakespeare utilisait la musique populaire sur scène, alors [il voulait] trouver un moyen d’employer celle-ci pour donner accès à son langage10 ». Ce retour catégorique à l'œuvre d'origine conduit à intégrer la musique populaire contemporaine comme un équivalent à celle d'origine. Si le rap s'invite dès la séquence d'ouverture, la musique d'écran intervient rapidement par le biais d'un concert (durant le bal), d'une chorale (messe et mariage) et via des morceaux diffusés à la radio. Roméo+Juliette contient aussi de nombreuses musiques de fosse illustrant les états d'âme des personnages et doublant donc, en miroir, le texte lui-même. Hormis quelques rares instants de vives émotions – la mort de Roméo par exemple – la narration s’accompagne voire s'entrecoupe de chœurs religieux, de morceaux pop originaux et de partitions du répertoire classique (la Symphonie n°25 de Mozart notamment). Le texte est propulsé dans un temps où se regroupent les musicalités accumulées au fil de l'Histoire. La juxtaposition de styles variés ne parvenant pas à s'harmoniser aboutit à une saturation auditive rappelant la cacophonie de l'époque moderne. De plus, l'impression de perpétuel anachronisme lié à cette grande compilation sonore se reflète dans le traitement de l'image et, en premier lieu, dans le rendu visuel des personnages.
Communication par la codification
13Cinéaste venant de l'opéra, Baz Luhrmann porte une attention particulière au signifiant de l'image et du costume en particulier. Il codifie à l'extrême l'apparence des protagonistes afin de les rendre reconnaissables en tant que groupe et en tant qu'individus. Les personnages secondaires arborent une iconographie religieuse sur leurs bijoux (la Vierge au cou de Benvolio, la croix en pendentif de Mercutio) et sur leurs habits (la figure du Christ sur le gilet de Tybalt notamment). Baz Luhrmann multiplie les accessoires, baroquisant des figures déjà fortement connotées par leur diction. Les tatouages ajoutent un élément identitaire sur-signifiant : ceux des Montaigu sont abstraits (des formes géométriques et colorées), ceux des Capulet sont figuratifs (icônes religieuses) et textuels (Love et Hate). L'identification des clans est immédiate grâce aux tenues à motifs hawaïens des Montaigu s'opposant aux ensembles cintrés de style latino-américain des Capulet. Souhaitant distinguer au maximum les groupes, les membres de la famille de Roméo ont les cheveux en brosse et ceux de la famille de Juliette les ont gominés.
14La guerre entre les Montaigu et les Capulet se prolonge donc jusque dans leurs habits. Père Laurent passant de sa soutane à un vêtement civil, révèle son dos tatoué d'une croix (symbole religieux mais aussi des Capulet) et revêt une chemise bariolée typique des Montaigu pour recevoir Roméo. Le personnage réunit donc visuellement les deux familles, affichant sa volonté de faire stopper la guerre des clans avant même que le texte n'en fasse mention.
Lady Capulet et Tybalt au bal
Crédits : Twentieth Century Fox Film Corporation
Roméo et Juliette au bal
Crédits : Twentieth Century Fox Film Corporation
15Ce principe vestimentaire vient encore alimenter le multiculturalisme ambiant. La séquence du bal est alors l'occasion de non seulement travailler l'éclectisme des tenues mais aussi de révéler le caractère de chacun des protagonistes. Ainsi, les déguisements des deux personnages principaux renvoient directement au texte shakespearien : Roméo est un chevalier en armure au service d'une colombe11, incarnée par Juliette elle-même. Le père de cette dernière est déguisé en Bacchus, renforçant la déification du personnage et pointant son alcoolisme, son épouse se transforme en Cléopâtre, reine exigeante, séductrice et stratège (et un clin d'œil à Antoine et Cléopâtre, l'une des pièces romaines de Shakespeare). Tybalt s'affuble en diable cornu qui rappelle son caractère colérique et le désigne comme le méchant de la fable. De plus, il s'entoure d'une brigade de squelettes dont l'accoutrement évoque les défilés des fêtes des morts mexicaines et semble annoncer son proche décès. Quant au personnage de Dave Pâris (comte Pâris chez Shakespeare), il se présente en cosmonaute, promettant la lune aux Capulet et à sa promise. Enfin, Mercutio devient une drag-queen, offrant une ambiance encore plus festive au bal par sa performance dansée et chantée. Passant d'apparence masculine à apparence féminine, il introduit un nouvel ordre de déguisement puisqu'il est synonyme d'habit de travail. Si ce costume peut conduire à des interprétations sur la sexualité de Mercutio, l'exubérance de sa tenue signale avant tout la vitalité d'esprit et la capacité du personnage à passer du registre comique au registre dramatique. De plus, son ensemble blanc et sa perruque assortie symbolisent sa neutralité. Ce blanc immaculé tranche également avec la couleur de sa peau. Seul personnage noir du film (avec le Prince Escalus), il vient encore diversifier le melting pot de Baz Luhrmann et apporter une forme de modernité en incarnant, à plusieurs titres, le mélange des genres (masculin/féminin, comique/sérieux, noir/blanc, par exemple).
16Le visuel des personnages rend compte d'une volonté d'actualiser les rôles pour leur donner une densité supplémentaire liée à un environnement contemporain.
Mercutio au bal
Crédits : Twentieth Century Fox Film Corporation
L'authentique et le réel, un problème visuel contemporain
17Baz Luhrmann ouvre son film sur une image télévisée : le chœur est incarné par la présentatrice des actualités et ce sont, quelques instants plus tard, des cartons identiques à ceux des feuilletons romanesques qui introduisent les différents protagonistes de la tragédie.
L’annonce du bal à la télévision
Crédits : Twentieth Century Fox Film Corporation
18Le poste de télévision intervient en tant que modernisation de la pièce de théâtre et sert de relais virtuel entre les personnages. Il signale également la simultanéité des différentes actions. Ce procédé permet en outre de dynamiser l'avancée de l'intrigue. Il rend aussi souverains les Capulet et les Montaigu en les plaçant au centre de l'attention des médias (télévision mais presse écrite aussi). Si l'intrigue shakespearienne est populaire, les personnages de Baz Luhrmann le sont également, non pas au sens de classe sociale mais dans la mesure où ils sont connus et redoutés de tous (une animatrice annonce d'ailleurs le bal des Capulet comme l'un des événements majeurs de l'année). De plus, par le recours à un objet de consommation et de diffusion à grande échelle, Baz Luhrmann affirme que Shakespeare est un auteur dont les textes sont à la portée de tous. Il ôte d'autant plus au dramaturge son éventuel statut actuel d'auteur réservé à une élite par une sélection de programmes (émissions informatives ou de divertissements) qui réunit une grande diversité de téléspectateurs. Grâce à cette invention, le cinéaste crée un parallèle entre le public populaire du théâtre élisabéthain et le public contemporain.
19En outre, Baz Luhrmann dépouille la tragédie de tout attachement à un patrimoine suranné en remplaçant les indices visuels du classicisme par des marqueurs publicitaires. Pam Cook explique :
Nos carnets de références visuelles se composaient de collages d'images de différents lieux et de diverses périodes. Ces montages d'images étaient associés à des photographies des acteurs, créant un ensemble plastique imaginatif très codifié auquel le public moderne pouvait s'identifier12.
20Cette association de sources polymorphes élabore un univers fictif empreint d'une dimension authentique par le biais du médium photographique. De plus, ce patchwork annule tout ancrage documentaire. Effectivement, les acteurs figent, par l'intermédiaire de leur corps, un repère temporel, mais ce dernier est démenti par la co-présence d'autres temporalités (photographies kodachrome, hétérogénéité des textures dans l'image). Baz Luhrmann préserve des repères d'un réel daté et les rassemble dans un nouvel environnement afin d'observer leur improbable rencontre. Ce principe s'illustre clairement dans sa création de Verona Beach. Le cinéaste précise :
[Le Vérone de Shakespeare] n'est pas définissable à travers un ancrage documentaire. Cela transformerait le film en une exploration de Miami, de Los Angeles ou de Sidney. […] Vérone […] devait rester une ville universelle. Ce n'est d'ailleurs pas complètement en désaccord avec la description de Shakespeare. N’étant jamais allé à Vérone, il a créé sa ville mythique, même si, au fond, il a déguisé Londres en une sulfureuse version d’elle-même13.
21Baz Luhrmann aurait eu peur de perdre son sujet en associant Vérone à une ville réelle qui aurait dénaturé la vision du dramaturge. Cette représentation se devait d'évoquer l'ère élisabéthaine mais Shakespeare « n’utilise pas [...] les potentialités sémantiques qui pourraient faire de Vérone un lieu particulièrement significatif14 », rappelle Michela Deni, ce qui libère de toute contingence la mise en scène de son urbanisme.
22À l'heure où internet permet de visualiser chaque coin du globe de manière instantanée, Baz Luhrmann s'impose de créer Vérone à partir d'éléments disparates pour que cette ville soit strictement symbolique. Jürgen Müller synthétise le rendu final : Verona Beach est « une mégalopole multiculturelle, avec ses plages ensoleillées, sa pollution, ses grands ensembles, ses hélicoptères de police tournoyant dans le ciel et une immense statue de Jésus15 ». La Vérone baroque de Baz Luhrmann est donc coincée entre l'océan pollué, les constructions verticales, les symboles de la religion et de la justice. Au bord de l'apocalypse (voire d’une ère post-apocalyptique pour Richard Vela16), elle incarne l'idée de fin de siècle convoquée par le cinéaste lui-même. Si les différents personnages portent une dimension multiculturelle forte, Baz Luhrmann authentifie ce rapprochement par la création d'une ville répétant ces données. Se faisant l'écho de l'ère élisabéthaine, il transpose une Vérone fantasmée du Moyen-Âge en une Vérone non moins imaginaire du vingtième siècle.
Sycamore Grove
Crédits : Twentieth Century Fox Film Corporation
Vérone
Crédits : Twentieth Century Fox Film Corporation
23Laissant apparentes les strates temporelles de sa construction, le cinéaste intègre l'évolution de Vérone et sa dégradation à travers les ères. Ainsi, du théâtre de Sycamore Grove, il ne reste que les vestiges de la scène. Alors que cette tradition populaire semble avoir disparu au profit de la télévision, les sycomores originaux ont cédé la place à un vaste désert. Vérone s'est muée en dernière métropole du monde, ce qu'illustre la réplique de Roméo :
Hors des murs de Vérone, le monde n’existe pas ; il n’y a que purgatoire, torture, enfer, même. Être banni d’ici, c’est être banni du monde, et cet exil-là, c’est la mort. Donc le bannissement, c’est la mort sous un faux nom17.
24Mantoue est, chez Baz Luhrmann, un non-lieu, un espace désertique brûlé par le soleil où ne résistent que quelques caravanes en transit. Le cinéaste métaphorise le purgatoire — ou l'enfer — shakespearien. Si le Vérone de Roméo+Juliette porte les stigmates des siècles, l'évocation de Mantoue remplit les mêmes fonctions en associant un esprit fin de siècle avec un esprit fin du monde. Cette représentation ramène toujours, par le biais de la métaphore visuelle, au texte.
Ré-imaginer Roméo et Juliette à l'ère postmoderne
25Si la tragédie constitue un genre théâtral à part entière, elle ne connaît pas d'équivalent au cinéma. Persistant dans sa volonté de créer une œuvre semblable à celle que Shakespeare aurait pu réaliser, Baz Luhrmann associe les sens tragiques et comiques du texte en prélevant puis mélangeant des codes génériques issus de différents genres cinématographiques. Il assume alors la visée postmoderne de Roméo+Juliette par la variation des styles et des esthétiques en réinterprétant le zapping. Il investit cette gestuelle par l'alternance rapide, tantôt documentaire tantôt publicitaire, du rendu de l'image. Le cinéaste mêle images de réalité et images de fantasme dans un ensemble diégétique visuellement hétérogène. En effet, ces esthétiques sont réunies de manière anarchique, en dehors de tout séquençage structurant. L'enchaînement des effets visuels (des zooms, des travellings très vifs et à grandes amplitudes, des ralentis et des accélérés) et le changement rapide des échelles de plans (très gros plans montés avec des plans larges, reprenant l'idée du montage d'attraction) constituent des marqueurs stylistiques forts d'un cinéma d'action cher aux années 1980 et 1990. Cette énergie basée sur la vitesse et l'efficacité trouve également son origine dans les clips musicaux et des spots publicitaires de l'époque. Les dimensions commerciales et artistiques de l'image animée se réunissent dans Roméo+Juliette et renvoient à toute une généalogie du cinéma.
Très gros plan de Tybalt en hommage au western
Crédits : Twentieth Century Fox Film Corporation
26Si le format 2:35 de l'image rappelle l'ancrage terrestre et tragique des personnages par une grande largeur favorisant les déplacements horizontaux, il permet de percevoir leur funeste destin par l'obligatoire accentuation des mouvements verticaux. Format du western, le soleil écrasant, les duels au pistolet et les conflits entre deux camps au cœur d'une ville isolée (ou d'un désert) sont autant de codes thématiques et iconographiques que Baz Luhrmann traduit et exploite après l'heure. De plus, le western se charge ici de son avatar italien puisque le cinéaste, à l'instar de Sergio Leone, multiplie les très gros plans sur les yeux des protagonistes pour renforcer la tension. Ce faisant, il s'approprie la violence et la sécheresse de ses images.
27Alors que les genres du western et du film d'action appartiennent à un registre réaliste, sérieux et spectaculaire, offrant un cadre privilégié à des intrigues tragiques, Baz Luhrmann les pastiche volontiers en amplifiant et en détournant leurs codes formels. La diction singulière dédramatise d'autant plus les situations les plus critiques quand elle s'accompagne d'une gestuelle purement esthétique ou sur-dramatisante. Le sur-jeu grimaçant des serviteurs des Montaigu à la station-service, dont la perception croît par l'intermédiaire des très gros plans sur les visages, vise autant à les ridiculiser qu'à les rendre inquiétants de par leur excentricité monstrueuse. La mise en scène corporelle de Tybalt, chorégraphiant chacun de ses gestes en une danse ressemblant à du flamenco, le singularise tout en le rendant incongru. La peur que suscitent ces personnages les uns envers les autres crédibilise d'ailleurs la puissance de leur gestuelle. Cet ensemble de codes produit en même temps des effets burlesques rehaussés par de courtes actions répétées, absentes du texte (un des serviteurs est frappé maintes fois à la tête par une dame, entre autres) assurant un rôle comique et dédramatisant.
Conclusion
28Baz Luhrmann accumule les composants de genres cinématographiques variés, sérieux et comiques, dont les âges d'or reconstituent et résument partiellement l'histoire du cinéma. Par cette frénétique juxtaposition, Roméo+Juliette ne se limite pas à synthétiser les transpositions précédentes de la pièce de théâtre, il compile aussi des genres cinématographiques ayant accueilli des récits tragiques. Bien que les lois de Roméo+Juliette soient dictées par le texte shakespearien, l'incessante accumulation des mots initiaux sur le visuel contemporain génère un ensemble baroque et décadent qui s'alourdit d'une mise en scène référentielle.
29L'utilisation des sonorités anachroniques dans un souci d'annuler tout référent documentaire participe à un double mouvement de retour en arrière et d'ancrage dans le présent. S'appuyant sur les genres cinématographiques et les programmes télévisés les plus populaires, Baz Luhrmann tend à réunir un large public tout en le sensibilisant à un classique du patrimoine théâtral. De plus, dans une volonté additionnelle, le cinéaste en passe par différents renvois visuels (à travers des enseignes publicitaires) à d'autres pièces de Shakespeare et à son univers, le rendant omniprésent à l'image.
Le Marchand de Venise devient Le Marchand de Vérone
Crédits : Twentieth Century Fox Film Corporation
Baz Luhrmann renvoie à La Tempête grâce au personnage de Prospero
Crédits : Twentieth Century Fox Film Corporation
30Aussi, remplacer, dans l'intitulé du film, le et original par un +, signe de l'addition, illustre la visée cumulative et baroque du cinéaste. Pour revenir à un texte et à une forme selon lui plus proche que nulle autre de la pièce d'origine, il passe par une superposition massive des effets. Aussi, le Roméo et la Juliette, en tant que personnages et symboles, perdurent à l'instar du verbe et de la trame narrative. Si Baz Luhrmann transpose fidèlement ces aspects, c'est pour se rapprocher de l'ambiance d'une représentation théâtrale de l'ère élisabéthaine. Placé dans un contexte actuel, ce riche langage prend une tournure atemporelle. Il se déplace non pas du côté du réel mais bien de l'imaginaire par un effet de décalage avec la réalité actuelle. Il ne s'agit donc plus uniquement de Roméo et Juliette mais bien de Roméo+Juliette, une version augmentée par l'apparition de métaphores et les clins d'œil à toute l'œuvre de Shakespeare, à l'histoire du cinéma et du médium audiovisuel.
31La préservation du texte et sa confrontation à un environnement contemporain vivifient le mythe par le croisement des époques. Toutes mises sur un pied d'égalité, Baz Luhrmann rend alors prégnante l'intemporalité de la tragédie. Son interprétation se veut immuable et définitive comme si le compte à rebours avant la fin du siècle et la fin des temps était parvenu à zéro.
Bibliographie
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Notes
1 Jürgen Müller, Les Films des années 90, Los Angeles, Taschen, 2002, p. 402.
2 Baz Luhrmann, in Mark Mordue, « Romeo+Juliet : “Appear Thou in the Likeness of a Sigh...” », Australian Style, janvier 1997. Repris dans Tom Ryan (dir.), Baz Luhrmann interviews, Conversations with Filmmakers Series, Jackson, University Press of Mississippi, 2014, p. 16.
3 Pam Cook, Baz Luhrmann, Collection World Directors, Londres, BFI, Palgrave Macmillan, 2010, p. 58 : « The idea was to make a film of the play that would translate the rambunctious context of popular theatre in Shakespeare's day into a contemporary cinematic form, to make the film that Shakespeare himself might make. This would also take the theatrical cinematic style to the next level, updating the play for a modern audience while retaining Shakespeare's poetic language » (c’est nous qui traduisons).
4 Arnold Roger Manvell, John Huntley, The Technique of Film Music, London, Focal Press, 1957, p. 78 : « The enormous task of re-imagining a Shakespearian drama in terms of the screen » (c’est nous qui traduisons).
5 Peter Matthews, « William Shakespeare's Romeo+Juliet », Sight and Sound, 7, April 1997, p. 55. Le terme « re-imagination » est d'ailleurs souvent traduit en français par « réinvention ».
6 Il tronque également des scènes afin de se focaliser sur les personnages principaux.
7 Baz Luhrmann, in Mark Mordue, « Romeo+Juliet : “Appear Thou in the Likeness of a Sigh...” », in Australian Style, January 1997. Repris dans Tom Ryan (dir.), Baz Luhrmann interviews, Conversations with Filmmakers Series, op. cit., p. 18 : « [W]hile it might be about the adult world telling these young lovers that they can't love this person because of their names, it could easily be because of their race, their sexuality, or their religion » (c’est nous qui traduisons).
8 Baz Luhrmann, in Gary Crowdus, « Shakespeare in the Cinema: A Cineaste interview », Cineaste's special Shakespeare in the Cinema, 1, December 1998. Repris dans Tom Ryan (dir.), Baz Luhrmann Interviews, Conversations with Filmmakers Series, op. cit., p. 28 : « Our philosophy in adapting Romeo and Juliet for the screen was to reveal Shakespeare's lyrical, romantic, sweet, sexy, musical, violent, rude, rough, rowdy, rambunctious storytelling through his richly invented language. Consequently, our specific strategy was to avoid changing and adding words. We were adamant that we should maintain the color and taste of the actual words even to the extent of the ''thee'' and ''thou'' » (c’est nous qui traduisons).
9 Baz Luhrmann, in Peter Malone, « Baz on the Bard », Eureka Street, 2, mars 1997. Repris dans Tom Ryan (dir.), Baz Luhrmann interviews, Conversations with Filmmakers Series, op. cit., p. 31 : « Americans speak a version of Elizabethan sound. With a rolled R in there, you would basically have the Elizabethan stage sound. [...] To have Leonardo DiCaprio asking, ''Is she a Capulet?'' in a southern Californian accent is not too far from the Elizabethan stage sound; it is just another way of revealing the language » (c’est nous qui traduisons).
10 Baz Luhrmann, in Elsie M. Walker, « Baz Luhrmann », in Elsie M. Walker et David T. Johnson (dir.), Conversations with Directors : An Anthology from Literature/Film Quarterly, Maryland, Scarecrow Press, 2008. Repris dans Tom Ryan (dir.), op. cit., p. 49 : « Shakespeare used popular music on the stage, so I wanted to find a way of using popular music as a way of opening the door into the language » (c’est nous qui traduisons).
11 William Shakespeare, Roméo et Juliette, traduit par François Victor Hugo, La Flèche, Le Livre de poche, coll. « Classiques de poche », 1983. Roméo compare Juliette à « la colombe de neige dans une troupe de corneilles » (I. 5, p. 35). À la fin de l'acte III, scène 2, Juliette surnomme Roméo son « fidèle chevalier », p. 71.
12 Pam Cook, Baz Luhrmann, op. cit., p. 59 : « The concept books were based on collages of images from different locations and periods with the actors pasted in, geared towards building a coded, fictional environment to which modern audiences could relate » (c’est nous qui traduisons).
13 Baz Luhrmann, in Peter Malone, op. cit., p. 30 : « You couldn't set it in the real world because it would then become a social exploration of Miami or LA or Sidney, wherever. […] Verona Beach […] is ultimately a universal city. Now, that is not so out of keeping with what Shakespeare did. He never went to Verona. He created his mythical city. But really it was London, dressed up as a hot version of London » (c’est nous qui traduisons).
14 Michela Deni, « Vérone, fragment d'un lieu amoureux », in Bertrand Westphal (dir.), Le Rivage des mythes : une géocritique méditerranéenne, le lieu et son mythe, Limoges, Presses Universitaires de Limoges, coll. « Espaces Humains », 2001, p. 41.
15 Jürgen Müller, op. cit., p. 400.
16 Richard Vela, « Post-apocalyptic Spaces in Baz Luhrmann's William Shakespeare's Romeo+Juliet », in Mélissa Croteau, Carolyn Jess Cooke (dir.), Apocalyptic Shakespeare: Essays on Visions of Chaos and Revelation in Recent Film Adaptation, London, McFarland & Company, 2009, p. 90-109.
17 William Shakespeare, Roméo et Juliette, op. cit., III. 3, p. 72. Dans la version filmée, à 1h10 min : « There is no world without Verona walls but purgatory, torture, hell itself. Hence ''banished'' is banish'd from the world; and world's exile is death. Then ''banished'' is death, misterm'd ».
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