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Les premières adaptations de Shakespeare à l’écran et le Film d’Art français (1908-1911)
Par Raphaëlle Costa de Beauregard
Publication en ligne le 22 novembre 2016
Résumé
The Film d’Art was ill-received in France but tentatively rehabilitated by French film historians in the 1950s and finally restored to its major role by important publications in the 2000s. The contemporary productions in France of l’Assassinat du duc de Guise (Film d’Art, 1908) and film adaptations of Shakespeare’s plays draw attention to a likely intertextuality between these films. This paper attempts to examine this subject by bringing together the numerous scholarly publications on the subject.
Le Film d’Art longtemps décrié en France a été partiellement réhabilité par les historiens français du cinéma dans les années 1950, mais n’est totalement reconnu que depuis les années 2000. L’apparition au même moment de l’Assassinat du duc de Guise (Film d’Art, 1908) et d’adaptations à l’écran de pièces de Shakespeare pose la question de leur influence mutuelle. Leur intertextualité est évoquée ici ainsi que les publications majeures sur le sujet.
Table des matières
Texte intégral
1Plusieurs pièces de Shakespeare ont été portées à l’écran dans les années 1908-1911 ; or des travaux récents ont montré qu’il y a là un moment important de l’histoire du cinéma1. Trois modèles qui révèlent des approches culturelles différentes du drame shakespearien seront évoqués ici, britannique tout d’abord avec The Tempest (UK 1908) et Richard III (1911), puis italien : King Lear/Re Lear Italie (1910) et The Merchant of Venice/Il Mercate di Venezia (1910), et enfin, américain : A Midsummer Night’s Dream (USA 1909) et Twelfth Night (1910). Cependant, la création du Film d’Art par Pathé et la production cinématographique française d’un premier drame historique qui fit référence, L’Assassinat du duc de Guise (1908) semble se rapporter à ces trois domaines culturels pourtant si divers, éclairant d’un jour particulier ces réalisations d’un point de vue formel et thématique, comme nous chercherons à le montrer.
I. Les enjeux du Film d’Art
2Le concept de Film d’Art s’est provisoirement imposé en France en 1908 avec L’Assassinat du Duc de Guise2sur un scénario d’Henri Lavedan, de Pathé Frères3. Au moment de ses premières projections, on a voulu voir dans cette entreprise une ambition artistique désintéressée qui trouva un écho dans l’accueil de l’élite française cultivée. Devant la nécessité pour Pathé d’élargir son audience cinématographique et de satisfaire à cette demande, la Filme d’Arte Italiana fut fondée à Rome sous la présidence de Charles Pathé en 19094. Comme on le verra ci-après, avec les films de 1910, la grande qualité des plans-tableaux est au cœur de la préoccupation des producteurs italiens. Cependant, le contexte de la production cinématographique aux Etats Unis est également essentiel au choix de Pathé. Les films de la Vitagraph se distinguent par la qualité des extérieurs, des éclairages et de la composition des plans dans la profondeur de champ, illustrant le souci américain de proposer un style différent des films britanniques tournés en studio ou sur la scène de Stratford. Au début de 1909, s’est déroulé le premier Congrès international des producteurs de cinéma européens, présidé par George Méliès, et avec la participation du principal producteur de pellicule vierge, l’américain George Eastman. Il avait été convoqué dans le but de constituer un front commun contre le trust formé aux Etats Unis par Edison, la MPPC (Motion Picture Patents Company), qui menaçait d’exclure du marché américain les productions européennes5. Outre l’aménagement de salles fixes avec confort et hygiène6, il s’agissait également de répondre à une surproduction de films à majorité burlesques7. C’est donc dans ce contexte que le recours aux pièces de Shakespeare doit être compris. Cependant, l’argument du classicisme fut également mis en avant.
3En France, le concept de théâtre classique s’est trouvé remis en cause par des auteurs tels que Victor Hugo et son intérêt pour le « drame » shakespearien à la fois historique et individuel, donnant lieu à des débats passionnés8. Au contraire, pour la tradition anglo-saxonne, Shakespeare est l’auteur classique par excellence, et porter ses œuvres à l’écran s’imposait à ce titre. Selon l’hypothèse qui sera défendue ici, le Film d’Art français aurait contribué à la naissance de ce cinéma classique alors même qu’il fut longtemps décrié en France avant sa réhabilitation.Le Film d’Art en France, et en particulier L’Assassinat du duc de Guise, fut accusé dans l’entre-deux guerres, comme l’analyse Christophe Gauthier, d’avoir satisfait à une tendance commerciale et, plus grave, d’avoir trahi « l’esprit » du cinéma en l’orientant dans une voie sans issue du point de vue de son originalité artistique, préjugés qui se sont maintenus après-guerre malgré les efforts d’Henri Langlois et de George Sadoul dans les années 19509. Dans le même numéro de la revue 1895, François Albéra analyse ce film en comparant le manuscrit de Lavedan aux scénarios publiés, montrant à quel point les indications détaillées de ce texte source mal connu témoignent d’une réflexion approfondie sur l’expression cinématographique de la part de l’académicien10. La réhabilitation de ce film a mis en lumière la dualité du type de public auquel il s’adresse, sensible d’une part à ses qualités esthétiques, la musique venant s’ajouter aux partis pris formels11, et d’autre part, attiré par les plaisirs du sensationnel, voir du Grand Guignol12.
4Le paradoxe reste entier en ce qui concerne le cinéma britannique : comme l’écrit Jon Burrows, les films d’art français « ont fourni un modèle qui a séduit et inspiré l’industrie cinématographique britannique, confrontée au désir d’attirer et de satisfaire un public de masse », ce qui est contraire au but poursuivi par le Film d’Art souhaitant créer une nouvelle clientèle éduquée. Mais Burrows constate qu’en même temps « les années 1908-1913 ont vu éclore la plus grande profusion cinématographique des œuvres de Shakespeare de l’histoire du cinéma, dans un effort de séduire un public acculturé en s’appropriant les œuvres de la figure emblématique du génie et de la création artistique13 ». Le paradoxe est donc lié à la double identité du théâtre shakespearien susceptible d’intéresser à la fois un public cultivé habitué au théâtre et un public populaire par ses « attractions14 » dramatiques, qu’il s’agisse de féeries, The Tempest, A Midsummer Night’s Dream ou de crimes atroces, King Lear, et Richard III. A ce titre la préférence accordée par la nouvelle société du Film d’Art, parmi les nombreux scénarios proposés15, à un moment sombre de l’histoire de France supposé connu du plus grand nombre, celui de l’assassinat du duc de Guise, semble répondre à ce double critère. Le spectateur français connaît l’histoire de cet assassinat au château de Blois16, contrairement au public américain qui eut du mal à en saisir le suspense. Cependant le double intérêt du renouveau tenté par le Film d’Art fut partagé par la presse spécialisée aux États-Unis : « Ce mouvement fut largement discuté dans les journaux américains de la profession, le numéro du 9 janvier 1909 de The Film Index publiant la version anglaise de l’article de Gustave Babin qui avait paru à l’origine, dans l’Illustration du 31 octobre 190817. » Le but déclaré des membres de la société, écrit Gustave Babin, est le public du « théâtre cinématographique » de la rue Chauveau, qui jusques là avait un répertoire « assez puéril », mais, en conclusion, il ajoute qu’il faut ensuite le « diffuser jusque dans les faubourgs, jusque dans les hameaux ». L’auteur s’exclame un peu plus haut dans ce texte : « le film, alimenté au jour le jour par des passants, pour ainsi dire, n’a pas trouvé encore son Shakespeare ni son Molière18 ». La nouvelle société a donc comme référence non pas le théâtre contemporain, d’inspiration naturaliste, mais la tragédie et la comédie du répertoire classique. Cependant, il faut souligner le choix du dramaturge élisabéthain et non d’un auteur français comme Corneille ou Racine, alors que leurs œuvres étaient essentielles au répertoire de la Comédie Française, institution dont se réclame Le Bargy, metteur en scène et acteur (dans le rôle d’Henri III). Quant à l’importance d’un Victor Hugo et d’un Delacroix dans cette présence du dramaturge élisabéthain au cœur de la culture française en 1908, elle a été largement illustrée par les expositions de deux musées de Paris (Victor Hugo et Delacroix)19.
5Quoique cela reste implicite, il me semble qu’un spectateur familier de la tragédie de Shakespeare, Julius Caesar, peut retrouver plusieurs effets de scène dans L’Assassinat du duc de Guise qui semblent y faire écho comme à un grand classique connu du public. Les habitués du cinéma de Méliès avaient pu voir dès 1907 deux adaptations de Shakespeare, La mort de Jules César et Hamlet20. Pour le 1er tableau, on pense à César feignant d’ignorer par deux fois les avertissements qui lui sont adressés (I.2.11-24 ; II.3.1-16), puis à la conjuration (I.2.132-160), et enfin à la performance du crime sur scène à l’aide de poignards (III.1.75-80). Ce scénario semble ironiquement répondre aux paroles des meurtriers prédisant que cette scène sera re-jouée (III.1.111-122). Cependant, ces derniers trempent « jusqu’aux coudes » dans le sang de la victime (III.1.105-107), tandis que dans le scénario de Lavedan, ils se lavent ostensiblement les mains dans un baquet de lessive, ce qui évoque surtout Lady Macbeth. D’autres références à Macbeth semblent appartenir à cet hypo-texte21, comme par exemple lors de l’entrée en scène de la marquise de Noirmoutiers en chemise de nuit, échevelée, et « folle » de terreur. Par ailleurs un Macbeth français a été filmé en 1909, dont la traduction et l’adaptation est l’œuvre de Maurice Maeterlinck et qui fut mis en scène par Georgette Leblanc-Maeterlinck pour une seule représentation22.
II. Les adaptations de Shakespeare
a- Le film de « féerie » ou le film « à trucs »
6The Tempest (1908) par Peter Stow répond aux deux types de publics auxquels s’adresse le Film d’Art en France, à la fois connaisseurs du théâtre et avides de sensations fortes23. Ce film colorisé utilise des effets qui évoquent les films de Méliès24. Ces films appartiennent au genre burlesque par des sujets tels que les farces et autres mauvais tours joués par un personnage sur d’autres, mais surtout par l’effet de trucages sensationnels. Les objets apparaissaient et disparaissent par magie comme sur la scène de vaudeville dans les numéros des prestidigitateurs, tandis que les personnages se déplacaient dans l’air avec aisance et sécurité. On peut comparer une séquence de la Fontaine de Jouvence (Gaumont, 1908) dont quatre photogrammes sont illustrés et commentés dans L’Illustration25 pour expliquer le trucage par la surimpression, à la séquence d’Ariel et Caliban dans The Tempest26. Dans le premier film comme dans le second, surgit tout à coup au pied d’un grand arbre dans une forêt (on ne voit que le tronc et, à l’arrière-plan, une forêt touffue) une forme blanche qui, par surimpression, transforme un personnage en un être féérique. Avec The Tempest27, dans un décor tout à fait semblable, nous voyons Miranda seule, puis Caliban s’approcher d’elle ; surgit alors Ariel – l’enfant libérée d’un tronc d’arbre dans une séquence précédente (The Tempest, I.2.292) – qui se métamorphose en petit singe pour fixer l’attention de Caliban, puis qui, ensuite, reprend, son apparence précédente avant de quitter l’écran par le côté comme un personnage du monde réel. Cette scène n’existe pas dans la pièce, alors que sa ressemblance avec la scène du film de Gaumont est remarquable. Son invention – ou son emprunt ? – pour le scénario permet un raccourci représentant les mondes imaginaires créés par la magie de Prospero. Ariel figure ici un être surnaturel – provisoirement soumis à Prospero – au service de Miranda qui l’identifie dans le monde réel ; une fois Miranda hors du champ de la caméra, l’esprit se métamorphose en bête afin de se rendre intelligible par Caliban, puis recouvrant sa première apparence, il/elle lui inspire une forte peur qui le fait fuir. La diffusion du film à trucs mis au point par Méliès trouve ici un développement grâce à l’inscription préalable de l’art du magicien dans le théâtre shakespearien, car le scénariste a pu imaginer un cinéma qui reste shakespearien dans l’esprit sinon dans le texte.
1. The Tempest (UK 1908) dir. Peter Stow, prod. Clarendon Film Company (BFIVD654)
7Les films de Méliès ont connu un grand succès aux Etats Unis où ils furent largement diffusés et même copiés. Griffith, au cours d’une interview publiée par Cinémagazine en 1929, aurait déclaré : « Je dois tout à Méliès ». Le journaliste ajoute : « Un des plus célèbres metteurs en scène américains rendait ainsi hommage à celui qui découvrit les principaux truquages […] qui est la chose la plus folle, la plus fantastique et aussi la plus comique que l’on puisse voir28 ». Les adjectifs « folle », « fantastique », « comique » qualifient l’art du magicien et ses effets sur le public, ce dont certains films de Méliès exploitent les ficelles en se mettant en scène, comme par exemple Une bonne farce avec ma tête (1904). L’illusionniste se met en scène par le personnage d’Ariel dans The Tempest, mais pour un spectateur naïf tel que Caliban, les effets de son pouvoir restent source de frayeur et d’étonnement29. Les imbrications de jeux figuratifs qui sont le sujet de la pièce ont continué à fasciner les passionnés de cinéma, comme en témoigne le film de Peter Greenaway, Prospero’s Books30.
8Le trucage fait donc partie de l’adaptation des comédies dramatiques de Shakespeare, mais il n’est pas non plus étranger au drame historique31. Gustave Babin fait allusion dans sa présentation en avant-première de L’Assassinat du duc de Guise à « la réalisation d’un effet vraiment inattendu et neuf, impossible au théâtre32 ». Il s’agit sans doute de la crémation du corps de Guise : les gardes sont censés jeter dans le feu le corps qu’ils portent jusque devant la grande cheminée, cependant nous n’y voyons littéralement que du feu. Les opinions diffèrent sur le trucage utilisé pour cet « effet impossible au théâtre ». Pour Jenn et Nagard, « le corps d’Albert Lambert est escamoté grâce à un trucage cinématographique (coupe interne) précisément au moment où les hommes masquent la cheminée. Le groupe s’écarte nous laissant voir un feu très rouge […] la copie se teinte de rouge33 ». Mais ce procédé est remis en cause par Roland Cosandey pour qui il s’agit de « l’escamotage du comédien au moyen d’une machinerie théâtrale, au moment où les gardes se regroupent devant la cheminée pour nous en obstruer la vue34 ». Ce débat attire l’attention sur la dimension magique du cinéma et ses possibilités au cœur même de la reconstitution d’un fait historique. A cela s’ajoute le fait que le film l’Assassinat du duc de Guise est donc teinté dans sa forme restaurée, tandis que les films italiens sont coloriés au pochoir35.
9Dans le film de la Vitagraph de l’année suivante, A Midsummer Night’s Dream, les apparitions des fées et leur disparition rappellent celles d’Ariel, mais elles se combinent avec l’apparition de la tête d’âne sur le vaniteux Bottom36. Ainsi le décor réel, la forêt, devient féérique, un espace-monde merveilleux qui donne à la métamorphose de Bottom une apparence crédible aux yeux de Titania sous l’effet de la potion magique, alors que nous rions de ce monstre invraisemblable. Aucune surimpression n’est utilisée, les fées sont déjà là et Bottom est un acteur déguisé.
2. A Midsummer Night’s Dream (USA 1909) dir. J. Stuart Blackton/Charles Kent. Production Vitagraph (BFIVD654)
10Le merveilleux paraît ici deux fois naturalisé, le double regard du spectateur sur le spectacle se fondant sur le décor naturel de la forêt, lieu de toutes les erreurs y compris celle de Puck. On trouve cependant également dans ce film un trucage remarquable avec l’invention d’un décor très particulier pour évoquer la course de Puck autour de la terre. Face à nous, une mappemonde tourne sur son axe d’arrière en avant, tandis que dans le même axe face à la caméra, Puck s’élève dans les airs et s’éloigne d’avant en arrière ; le vol de Puck s’inverse ensuite pour signifier son retour. Un effet spectaculaire dévoilant la magie du cinéma est ici ménagé grâce auquel nous sommes les témoins d’un rétrécissement de la planète et de l’expansion du corps de l’acteur : le montage en champ contre champ le filme tantôt face à nous tantôt nous tournant le dos. L’inversion des directions de l’avant vers l’arrière exprime un monde merveilleux où tout est possible, mais ce trucage n’en est pas moins intelligible, de sorte que la magie du cinéma est une source de divertissement au second degré.
3. A Midsummer Night’s Dream (USA 1909) Director J. Stuart Blackton/Charles Kent; production company Vitagraph (BFIVD654)
b- Le drame historique et le cinéma d’horreur
11Richard III (1911) film britannique insiste sur le réalisme des meurtres et de la brutalité du monstre (qui n’est pas bossu d’ailleurs), cette succession de meurtres ininterrompue est indiquée par une transposition des actes en une suite de scènes de 1 à 12. Le film repose sur des plans tableaux qui sont le reflet exact des reproches que l’on a pu faire au Film d’Art, L’Assassinat du Duc de Guise : composé d’une succession de plans tableaux comme autant de scènes qui ne cherchent pas à créer un lien entre elles37.
4-Richard III (UK, 1911) Director F. R. Benson, production Co-operative Film Company (BFIVD654)
12C’est pourtant l’adaptation de Shakespeare qui fait le plus référence au drame historique de Lavedan, Le Bargy et Calmettes par son sujet, à savoir la violence extrême du spectacle. La mise en scène de la bataille de Bosworth Field, Richard se déplace de droite à gauche en proie à une frénésie sanguinaire tandis que la foule gesticule, évoque d’abord le 2e tableau où le Roi et les conjurés répètent ensemble les gestes qu’ils devront exécuter lors de l’assassinat. Jon Burrows compare une scène au début de Richard III où tous les personnages accompagnent d’un même geste l’invitation qui lui est faite d’accepter la couronne et la scène des conjurés montrant du doigt le cadavre du duc de Guise au Roi qui sort de sa cachette38. Par ailleurs, de même que le film de Pathé est annoncé dans la presse avec les noms des personnalités du monde littéraire qui vont y participer, insistant sur l’intervention d’un académicien (Henri Lavedan) et d’un acteur de la Comédie Française (Le Bargy), Jon Burrows montre l’émergence en Angleterre d’un phénomène qui allait jouer un grand rôle dans le cinéma classique hollywoodien, à savoir l’exploitation de l’image des stars. Et pourtant, en Angleterre, les stars du théâtre commencèrent par refuser de participer aux films de pièces de Shakespeare. L’expression « celebrity films » apparaît dans les publicités de Gaumont British pour un Romeo and Juliet de 1908. Et surtout, le 20 novembre 1908, eut lieu à Londres une projection privée de l’Assassinat du duc de Guise dans un programme comportant aussi l’Arlésienne (Pathé SCAGL) devant un public choisi du monde du théâtre du West End, dont Dion Boucicault, le maître du mélodrame. The Era y consacre une pleine page avec les portraits de plusieurs stars de la Comédie-Française et du théâtre de l’Odéon à Paris dont les noms figurent au générique des deux films français39. Le drame historique au cinéma, héritier du genre considéré comme supérieur dans le monde des académies de peinture, devient l’occasion pour des stars du théâtre d’augmenter leur propre célébrité sans rien perdre de leur statut professionnel. Le cinéma permet aussi de faire connaître les mises en scène exceptionnelles d’un théâtre à grand spectacle tel que celui imaginé par Herbert Tree. En novembre 1910, la firme britannique Barker Motion Photography investit une somme sans précédent pour filmer Herbert Beerbohm Tree dans son adaptation d’Henry VIII. Pour orchestrer la succession d’un grand nombre de décors, Tree met en scène des événements qui sont seulement rapportés dans la pièce ce qui entraîne des coupes importantes dans le texte lui-même d’où un effort pour s’appuyer sur la mime et la gestuelle. Deux qualités du cinéma prennent ainsi forme dans ces productions, le décor et la quantité de personnages d’une part, et d’autre part l’utilisation d’une gestuelle pour remplacer le texte. On en vint à remarquer « la pur animalité de la chose », et à qualifier ces productions de « cinématographiques40 » au point donc de donner naissance à un film. Le Richard III de Benson n’a pas bénéficié de tels atouts et a été fort critiqué pour la prise de vue statique de personnages trop éloignés qui n’occupent pas suffisamment l’écran41.
c-Shakespeare au cinéma et la naissance du « mélodrame » hollywoodien classique ?
13Le mélodrame, qui allait plus tard devenir le genre dominant du cinéma classique hollywoodien, a sans doute également joué un rôle central dans ce brusque intérêt pour filmer les pièces de Shakespeare42. Par mélodrame on entendra la dimension psychologique d’un personnage qui oriente le drame historique collectif dans une trame narrative individuelle43. C’est cette dimension individuelle de la tragédie de Shakespeare King Lear/Re Lear (1910) qui est soulignée dans le Filme d’Arte italien44.
5. Re Lear/King Lear, (Italie 1910), dir. Gerolamo Lo Savio; prod. Film d’Arte Italiana (BFIVD654)
14Ce film italien croise le théâtre et la peinture, avec des modèles iconographiques répandus au début du cinéma qui ont donné naissance au film biblique d’une part et au péplum d’autre part45. L’intrigue est modifiée par la suppression de personnages tels qu’Edgar et Gloucester, et la comédie est peu présente. Ce sont les gestes d’imprécation et de malédiction qui dominent, tant dans l’affrontement de Lear avec chacune de ses filles que dans sa crise de démence sur la lande. Ce film italien se différencie d’une version américaine par Vitagraph de 1909 par cette simplification et le choix du décor en extérieur ; cependant la tempête dont Lear est victime, et qui est une métaphore du tumulte intérieur qui le torture, fait défaut, ce qui ôte à la folie sa dimension symbolique. C’est donc surtout un film mettant en scène un mélodrame, où la cruauté et l’amour s’affrontent. Dans L’Assassinat du duc de Guise, on trouve aussi ce contraste frappant entre d’un côté l’amour dans le récit cadre et, de l’autre, l’horreur du crime qui est accompli dans le récit principal. Le film consacre en effet la majeur partie de sa durée à la mise en scène puis à l’exécution du meurtre (2e, 4e, 5e et 6e tableaux), tandis que la présence de la marquise « en déshabillé blanc, cheveux noués » maudissant le portrait d’Henri III au début du film et son retour à l’écran au 6e tableau cheveux dénoués, s’évanouissant à la vue du même Henri III en souligne l’horreur. La marquise et le duc sont vêtus de blanc, tandis qu’Henri III et les conjurés sont en noir, selon la dichotomie voulue par le genre du mélodrame entre innocence parfaite et mal absolu46. Le coloriage ajoute au mouvement des personnages une ponctuation dans le rythme plutôt lent de l’action, tout en soulignant les écarts entre le féminin et le masculin par les teintes pastel. Le décor est laissé en réserve de sorte que le gris du noir et blanc vaut pour l’architecture dans un film tourné en studio, ce qui fonde l’esthétique des plans sur la peinture académique.
15Les liens entre le mélodrame au cinéma et la peinture tiennent à la tradition des tableaux vivants que le choix du terme « tableau » dans le scénario de Lavedan rappelle fortement. Cosandey convoque le tableau de 1835 de Paul Delaroche47, qui constituait une version canonique mais dont le scénario de Lavedan ne comporte pas de traces. En particulier, au lieu de disposer les assassins à gauche et le cadavre à droite séparés par un espace vide, Lavedan cadre les assassins derrière le cadavre allongé les bras le long du corps au tout premier plan ; au-dessus de lui le groupe s’agite et se penche, le roi le premier au centre. Et cela alors même que deux « vues historiques » portant le même titre ont été répertoriées, produite par la société Lumière, en 1897, et par Pathé en 1902. « Il s’agit d’un plan-tableau appartenant à un genre particulier, le tableau-vivant cinématographique, qui reproduisait souvent une œuvre picturale populaire, tableau d’histoire ou tableau de genre, en entraînant l’action jusqu’au point où elle rejoignait le moment pictural48 ».
16Par ailleurs la rivalité entre Gaumont et Pathé n’est pas étrangère au débat sur Shakespeare et le Film d’Art. Dès les années 1908-1910 les efforts déployés pour produire des films intéressants est également caractéristique de Gaumont, firme rivale de Pathé, comme en témoigne la série le Film Esthétique49 Mais Louis Feuillade, auquel la déclaration d’intention du « Film Esthétique » est attribuée par Alain Carou, rejette l’adaptation de pièces de théâtre au nom d’une esthétique qui serait surtout picturale. Sa réflexion sur la beauté en peinture s’appuie sur des œuvres de peintres figuratifs tels que Millet et Puvis de Chavannes. La composition du plan, et l’éclairage, s’adressent « à nos yeux », et le cinéma aurait là une source d’inspiration « esthétique ». On aurait là une conception du classicisme au cinéma proche du Film d’Art italien, voire de l’art d’un Cecil B. DeMille, comme le prouve la comparaison entre un plan de La Nativité (1910) de Louis Feuillade et une gravure tirée d’un tableau de Luc-Olivier Merson, Le repos en Egypte50.
17Et pourtant Louis Feuillade est surtout connu pour un cinéma populaire où la dimension plastique du plan s’exerce tout autant, puisant d’une part une source d’inspiration dans le vaudeville, et, d’autre part, dans le roman feuilleton avec Fantômas (1913-1914). Pour Gaumont, spécialisé jusques là dans le film comique au point d’avoir inspiré Mac Sennett51 : « les comédies et les ciné-vaudevilles constituent un enjeu commercial important […] le prétexte du comique permet d’aborder des sujets qu’un film sérieux n’oserait traiter52 ». Il s’agit d’un genre mineur que le théâtre shakespearien est réputé pour avoir étroitement intégré à ses tragédies, et King Lear, pièce choisie par le Filme d’Arte (Pathé) en 1910, n’en est pas dépourvu même si cet aspect du drame de Shakespeare y a été fortement atténué.
18Or la scène du théâtre de vaudeville permet une composition en profondeur de champ, comme l’exemple de Le Jocond (1914) le montre : « Le metteur en scène a demandé un décor en profondeur, et la fameuse porte du vaudeville, bien disposée au centre du cadre, s’ouvre pour faire communiquer deux espaces, l’un en avant-plan, l’autre à l’arrière-plan53 ». Les personnages y gagnent en vérité dans la mesure où ils sont intégrés au monde de la fiction en entrant sur scène depuis le fond, équivalent de l’espace du spectateur devant la scène, au lieu d’entrer depuis les côtés de la scène depuis un espace de représentation. L’action, quant à elle, y gagne en rythme, par le contraste que l’arrivée dynamique par le fond introduit avec le rythme plus statique du premier plan54. Le film de 1908, The Tempest, nous offre une illustration intéressante de ce dynamisme que permet l’ouverture à l’arrière-plan et le mouvement vers le devant de la scène. Lorsque le décor de rochers signifiant l’intérieur de la grotte de Prospero s’ouvre au milieu pour laisser voir le vaisseau à l’horizon, d’abord agité par la tempête provoquée par le magicien, puis disparaissant lentement dans les flots, un effet de vagues paraissant s’avancer jusqu’au milieu de la scène suggère une communication réelle entre les deux espaces, et souligne la puissance du magicien.
6. The Tempest (UK 1908), dir. Peter Stow, prod. Clarendon Film Company (BFIVD654.
19L’étude de l’agencement de l’espace utilisé pour L’Assassinat du duc de Guise, prétendument tourné in situ mais dont les décors peints ont sans doute causé la suppression de « la scène de l’escalier » montre l’effort pour utiliser l’espace à l’arrière-plan55 ». Au 3e tableau, nous distinguons au fond à droite la porte d’où s’avance le messager du Roi et vers laquelle il guide le duc de Guise comme dans une souricière56. Les difficultés rencontrées pour représenter la descente du corps du Duc ont également à voir avec le souci de faire entrer les personnages par le fond.
20La relation entre l’expressivité du décor et celle du corps de l’acteur serait donc centrale dans un modèle narratif où l’espace prend en charge la destinée du personnage ; la pièce dans la pièce ou « souricière » mise en place par Hamlet comporte une mise en abyme du jeu de l’acteur et de l’art de la pantomime. Outre le « dumb show » qui dans Hamlet est chargé de révéler une vérité nue échappant aux ambiguïtés du langage, en éveillant chez le criminel le souvenir de son crime, on trouve dans La Tempête des vers comme : « Such shapes, such gesture, and such sound, expressing […] a kind/Of excellent dumb discourse » (III.3.37-39) et dans Le Songe d’une nuit d’été « as imagination bodies forth/The forms of things unknown, the poet’s pen/Turns them to shapes, and gives to airy nothing/A local habitation and a name » (V.1.12-17). L’éloge du poète s’apparente à celui de l’acteur qui fait naître des idées et des émotions à partir d’images muettes.
21La transposition à l’écran de Hamlet, film muet de 1920 avec la star danoise Asta Nielsen jouait non seulement sur l’opposition entre deux styles de mimodrame mais aussi entre deux conceptions de la pantomime au sens de « grammaire gestuelle ». L’acteur jouant Claudius dont la caméra observait, avec l’œil d’Horatio, les expressions, déformait ses traits pour exprimer l’horreur d’une manière exacerbée. En face de lui, la pantomime des acteurs du mimodrame (« dumb-show »), observée par la caméra mais avec l’œil d’Hamlet cette fois-ci, lui qui en était le metteur en scène, avait des gestes très stylisés et refusant toute emphase. De plus, Claudius était filmé en plan serré, tandis que les acteurs de la pantomime étaient mis à distance, sur une estrade, sous un dais, suggérant un théâtre dans le théâtre. On avait là deux propositions de pantomime et de l’art du cinéma muet qui m’ont paru résumer pour ainsi dire la problématique des transpositions du théâtre shakespearien à l’écran. La question du mimodrame et celle de la pantomime demanderait à être développée bien entendu. Les modes d’expression que le cinéma muet a su apporter au drame historique sont donc étroitement liés au classicisme shakespearien.
III. La théâtralité shakespearienne et l’art classique hollywoodien
22Le processus de légitimation auquel les productions de films de pièces de Shakespeare ont participé, relève ainsi d’un complexe jeu de miroirs. David Wark Griffith aurait déclaré :
Mon meilleur souvenir ? C’est la sensation que me procura, il y a une douzaine d’années, la vision d’un film merveilleux qui s’intitulait L’Assassinat du duc de Guise. Ce fut pour moi une révélation complète57.
23Cet article paru en 1923 avait pour but de réhabiliter le Film d’Art dont a vu qu’il fut vivement critiqué pendant les années 20-30, en prouvant qu’il avait conquis l’un des artisans du cinéma classique américain, Griffith. Dès 1908 un critique anonyme américain voit une nette différence entre les films européens, c’est-à-dire italiens et français (il n’a que du mépris pour les films britanniques) et les films américains58. Il écrit avec l’intention d’éclairer le public américain pour qui ces films apparaissent sans intérêt et dont le comique leur déplaît. Il attire l’attention sur les décors et sur la pantomime des acteurs : les mains, les épaules, tout le corps et leur visage savent exprimer de nombreux sentiments, ce qui n’est pas le cas des acteurs de pantomime américains. Mais les films américains sont bien meilleurs quand il s’agit de représenter des intrigues. L’auteur termine en constatant les progrès du cinéma américain, et précise que les personnages sont en plan moyen ou rapproché (plan américain, plan taille ou plan cuisses) ce qui leur donne une dimension « héroïque », alors que les personnages sont plus éloignés dans les films européens. Cet article recentre le débat sur le mot clef « Art » comme le déclarerait Canudo en 1911. Pour cet auteur, le cinéma comme « une série successive de tableaux, c’est-à-dire de certains états d’âme des êtres et des choses groupés dans une action, est sans doute la vie.» Il ajoute : « Chaque minute qui passe compose, décompose, transforme, devant nos yeux, un nombre incalculable de tableaux» pour conclure « Nous pouvons songer à la création d’un Art plastique en mouvement, d’un sixième Art59 ».
24Or L’Assassinat du duc de Guise est riche en qualités plastiques qui n’auraient donc pas échappé à Griffith, comme le démontre François Albéra. Ce sont les qualités plastiques du cinéma qui ont imposé certains choix dans le manuscrit de Lavedan et sa mise en scène par Le Bargy. La représentation de l’espace-temps en est un premier aspect. La continuité spatio-temporelle est très soignée comme le montre le travail sur le raccord de direction et le hors-champ : la marquise se dirige vers une fenêtre au fond à gauche pour accompagner le duc qui vient de sortir. Le plan suivant dans la chambre du Roi comporte un moment où il s’approche de la fenêtre à droite pour vérifier l’approche du Duc. Il existe de ce fait un lieu hors-champ pour le spectateur, une cour extérieure que le duc traverse et qu’attestent les regards de deux spectateurs intra-diégétiques. La comparaison de cette construction de l’espace aux sources historiques nous apprend que le Duc aurait quitté la marquise la veille60 : la création de ce lien entre la victime et l’assassin est donc une invention qui permet un raccourci temporel entre les événements menant à leur accélération finale.
25On notera l’effet de montage alterné entre le 1e tableau et le 2e, l’action se déroulant en même temps, même si il existe un hiatus entre 5h et 4h dans les indications de temps61. Ce sont par ailleurs les raccords sur le mouvement qui méritent d’être soulignés. Le duc de Guise se rendant chez le Roi est d’abord filmé de dos quittant la salle du conseil (3e tableau), puis de face entrant dans la chambre du roi (4e tableau). Cette chambre paraît vide (nous savons qu’Henri III est caché derrière le rideau de son lit à baldaquin) et la caméra le reprend de dos (5e tableau), dans l’antichambre et enfin, dans le cabinet pour le cadrer de face lorsqu’il franchit le seuil fatal. Il s’avance vers la caméra avant de se retourner vers la porte pour chercher à sortir. Le mouvement ininterrompu s’achève lorsque son corps est poussé dans la chambre du Roi en faisant face à la caméra, avant de s’effondrer devant nous. Le rythme du meurtre est ponctué par ces changements d’angle sur le Duc, le passage d’une pièce à l’autre, et la circularité du trajet qui ramène le Duc devant le rideau d’où émerge prudemment le metteur en scène et commanditaire.
26François Albéra montre également qu’un soin particulier a été apporté à l’expression d’un monde acoustique non seulement par les entrées et les sorties mais par les gestes des personnages prêtant attention aux sons : le manuscrit de Lavedan comporte d’ailleurs un premier moment dans la pièce du 1er tableau où le page écouterait à la porte les bruits du couple dans leur chambre qui n’a pas été retenu au tournage62. A cet espace acoustique s’ajoute l’espace de la lumière beaucoup plus perceptible que celui des sons. Lavedan donne des indications précises au sujet des effets d’éclairages et de leur richesse expressive que le metteur en scène transpose en utilisant un feu de cheminée, des bougies, des volets fermés que l’on ouvre (1er tableau) et le visage de la marquise qui « s’éclaire63 ».
27Le film de la Vitagraph, Twelfth Night (1910) comporte de telles caractéristiques plastiques, auxquelles s’ajoutent les effets obtenus par un tournage en extérieur. Dans les moments d’intimité et d’ambiguïté qu’entraîne la double identité de Viola, l’éclairage souligne la profondeur de champ entre un arrière-plan en extérieur et un premier plan en contre-jour tout en jouant sur l’échelle des personnages : petits à l’arrière-plan, en plan resserré devant. On trouve là des pratiques qui fondent la cinématographie classique hollywoodienne, la profondeur de champ, l’éclairage et l’échelle des plans64.
7. Twelfth Night (USA 1910) Director Charles Kent, production: Vitagraph (BFIVD654)
28Le choix d’une pièce de Shakespeare est apparu comme l’un des meilleurs moyens d’obtenir la réputation de « film d’art ». Concernant ce label, il n’est pas inutile de rappeler le contraste entre deux opinions sur l’art de Griffith, celle communément répandue selon laquelle il a libéré le cinéma de l’erreur du Film d’Art et du théâtre filmé, d’une part, et, d’autre part, l’idée que Griffith aurait trouvé dans le renouveau d’intérêt pour le théâtre de 1908-1909 un art de la continuité narrative qui faisait défaut au cinéma jusque-là65. Le recours aux pièces de Shakespeare s’explique dans ce contexte, avec huit pièces produites par des firmes sous contrôle d’Edison entre 1908 et 1910. L’argument éducationnel fut mis en avant, et les films jugés appropriés pour être montrés dans les écoles. Cependant « les films recréaient souvent simplement les moments célèbres de la pièce, comme la scène du duel de Macbeth de Biograph (1905) ou la série de tableaux séparés adaptés d’une pièce célèbre sur la tempérance Ten Nights in a Barroom/Dix nuits dans un bar (1901) qui seraient incompréhensibles à tout spectateur ignorant leur source66 ». Un changement irréversible apparut lorsque l’accent fut mis sur la continuité de l’action, ce que le travail à partir de l’intrigue shakespearienne rendait possible. Avec le Film d’Art, le cinéma primitif se débarrasse donc de ses premières marques de théâtralité en raison de son traitement plus souple de l’espace et du temps, et parce qu’il se donne comme objectif l’adaptation de la ligne narrative d’une œuvre dramatique. Si le film est un moyen de raconter une histoire, telle n’était pas sa fonction à son début. Dans cette évolution on notera qu’arrivée à son terme, toute trace de la scène de théâtre a disparu en situant l’action dans des décors en extérieur.
8. A Midsummer Night’s Dream (USA 1909) Director J. Stuart Blackton/Charles Kent; production company Vitagraph (BFIVD654)
9. Twelfth Night (1910), dir. Charles Kent; prod. Vitagraph (BFIVD654)
29En 1908, par exemple, Vitagraph produisit un Romeo and Juliet en costumes élisabéthains dont le décor était Central Park à New York67. C’est également avec une scène tournée en extérieur que débute le Twelfth Night de Charles Kent pour Vitagraph (1910). Contrairement au début de The Tempest, tourné deux ans auparavant grâce à des décors de scène, nous assistons ici au naufrage en mer des deux jumeaux et leur arrivée simultanée sur deux plages éloignées l’une de l’autre. Si The Tempest et A Midsummer Night’s Dream se prêtent bien à un cinéma de trucages et d’effets surprenants, avec le choix de Twelfth Night, c’est la dimension psychologique de la comédie dramatique shakespearienne que le travail de la caméra peut exploiter. La théâtralité, qui est la cible de la satire shakespearienne pour son artifice, est aussi un dispositif qui a mis en évidence l’ambiguïté des apparences : ce ressort dramatique de la comédie des erreurs comme de la comédie de mœurs devient à l’écran une qualité essentielle du portrait psychologique qui s’inscrit grâce à l’homogénéité de l’éclairage, assurant notre perception de la continuité du mouvement perpétuel des choses (feuilles des arbres, eau qui coule, personnages qui se déplacent à l’arrière-plan) (BFIVD654, Twelfth Night 46 :30-47 :55). La succession des situations comiques s’inscrit dans une fluidité narrative assurée par le montage parallèle de deux scènes, l’arrivée de Viola et celle de Sebastian, suivant en cela les deux scènes au début du scénario de Lavedan. Action simultanée en deux lieux distincts mais situés à l’intérieur d’un même espace, château ou île, qui nous permet d’anticiper leur rencontre – mort ou réunion. La pièce devient classique au sens d’un dispositif narratif adaptable à des supports artistiques différents, parmi lesquels l’adaptation cinématographique occupe une place majeure.
30En conclusion ces films, désormais dans le domaine public grâce à un long travail de recherche et d’édition, témoignent d’une réflexion sur les rapports entre le théâtre, et en particulier le théâtre shakespearien, d’une part et, d’autre part, le cinéma, entraînant à la fois une réappropriation des dispositifs expressifs du premier et sa disparition de l’écran. Ce recours à du théâtre pour améliorer la qualité des films ne peut se comprendre sans une évocation de la théâtralité au sens shakespearien du terme, à la fois cible et instrument du discours comme de la mise en scène. Mais, au cinéma la variété des formes de représentations du théâtre shakespearien, à la fois divertissement grâce à la magie où à la sottise humaine, et drame historique et psychologique, en a fait l’instrument privilégié d’une refonte de sa propre production dans les longs métrages. L’étude du Film d’Art français que l’on doit aux historiens du cinéma cités ici a démontré depuis 2008 que l’Assassinat du duc de Guise de 1908, alors même s’il s’agit d’un scénario original et non d’une adaptation d’une pièce de Shakespeare, a pu en son temps servir de référence à de nombreux réalisateurs de longs métrages cherchant à légitimer leur production à cette date.
Notes
1 Nous nous appuierons en particulier sur la publication en 2008 d’un numéro de la revue 1895. Mille huit cent quatre-vingt-quinze-Le film d’Art & les films d’art en Europe (1908-1911),-56 (2008)-AFRHC (Association française de recherche sur l’histoire du cinéma), mis en ligne en 2011 sur le site internet (http://1895.revues.org) et sur la parution d’un DVD produit en 2004 par le BFI (British Film Institute) sous la direction de Caroline Millar : Silent Shakespeare (BFIVD654) où figurent six adaptations filmiques de pièces de Shakespeare produites entre 1908 et 1911 (Grande Bretagne, Italie, Etats-Unis) ainsi que quelques plans d’un King John britannique de 1899.Voir le site internet www.bfi.org.uk/video.
2 Le scénario comporte six tableaux : 1er tableau : la chambre, au château de Blois, de la maîtresse du duc de Guise, la marquise de Noirmoutiers : un billet avertissant le Duc leur est remis, mais il le traite par le mépris. 2e tableau : Henri III dans sa chambre, à la même heure. Il reçoit les assassins et leur montre comment le meurtre doit se dérouler. 3e tableau : la noblesse est réunie dans la salle du conseil, et attend le Duc. Guise paraît sur le seuil, puis la porte de la chambre du Roi s’ouvre, un messager vient lui dire que le Roi désire lui parler. 4e et 5e tableaux : le meurtre. Guise traverse la chambre où nous avons vu Henri III se cacher et pénètre par un vestibule dans une salle attenante. Tous le frappent ensemble, mais Guise se défend et les entraine à nouveau dans la chambre du Roi. Henri III s’assure alors de sa mort. 6e tableau : les assassins (descendent le corps) le jetant au feu dans la grande cheminée. Une femme échevelée entre et lève les bras au ciel « en poussant un cri d’horreur » : c’est la marquise de Noirmoutiers.
3 L’Assassinat du Duc de Guise (1908), 500 mètres, 18 min., copie teintée, format 35 mm. Réalisateurs André Calmettes et Charles Le Bargy. Le scénario : « L’Assassinat du duc de Guise, Drame historique en six tableaux par M. Henri Lavedan », L’Illustration, 21 novembre 1908, Eric Baschet, (Dir.), Les Grands Dossiers de l’Illustration, Paris, Sefag et L’Illustration, 1987, p. 36-39. Nous avons utilisé le découpage illustré de Pierre Jenn et Michel Nagard, L’Avant-Scène Cinéma- 1895-1910- Les Pionniers du Cinéma Français, Novembre 1984, n° 314, p. 57-72. Pour le film https:///www.youtube.com ; la musique seule https:///www.youtube.com, Ensemble Musique Oblique, consulté le 22/04/2015. La partition de Camille Saint-Saëns s’intitule : Pièce orchestrale pour harmonium, piano et cordes (op. 128). Le piano en solo imite par un ostinato les pas des conspirateurs, l’harmonium annonce la tragédie, ainsi que les cors et la clarinette ; le violon au contraire exprime la tendresse lors de la scène lyrique sur laquelle s’ouvre le film ; l’accélération de tout l’orchestre mime la culmination de la tragédie. Voir Martin Miller Marks, Music and the Silent Film. Contexts and Case Studies, Oxford, Oxford University Press, 1997.
4 Pathé voulait s’assurer l’exclusivité des salles et de la diffusion des copies de ses films en Italie, c’est-à-dire un premier exemple d’exploitation « verticale » comme Hollywood allait en organiser quelques années plus tard. Aldo Bernardini, « La Pathé Frères contre le cinéma italien », in Pierre Guibbert, (dir.), Les Premiers ans du cinéma français – Actes du Ve Colloque International de l’Institut Jean Vigo, Décembre 1985,Perpignan, Institut Jean Vigo, p. 88-98.
5 La question de la qualité des films était au centre des discussions, car le Trust du Film désirait une respectabilité de classe moyenne pour une industrie qui à ses débuts, avait été associée à la masse des spectateurs de la classe ouvrière (« nickelodeons »). Charles Musser, The Emergence of Cinema – The American Screen to 1907, Berkeley, University of California Press, 1990, p. 417-489.
6 Tom Gunning, « Le récit filmé et le théâtre idéal : Griffith et les « films d’art’ français », in Pierre Guibbert, Les Premiers ans, op.cit., p. 123-129. Voir aussi Richard Abel, The Red Rooster Scare : Making Cinema American, 1900-1910, Berkeley, University of California Press, 1999.
7 Francis Lacassin, Pour une contre-histoire du cinéma- essai, Lyon, Institut Lumière et Actes Sud, 1994, sur l’influence du burlesque français sur Mac Sennett et les efforts de Gaumont, en parallèle avec ceux de Pathé, pour capter le public américain, p. 139-158.
8 Michèle Willems, « L’excès face au bon goût : la réception de Gilles-Shakespeare de Voltaire à Hugo », Société Française Shakespeare- Shakespeare et l’excès, p. 224-237, http://shakespeare.revues.org/1032 (consulté le 22/04/2015).
9 Christophe Gauthier, « Histoire d’un crime. Vies et morts », 1895-Mille huit cent quatre-vingt-quinze [En ligne], 56/2008, http://1895.revues.org/4069 (consulté le 22/04/2015).
10 François Albéra, « L’Assassinat du duc de Guise, produit « semi-fini », », 1895-Mille huit cent quatre-vingt-quinze [En ligne], 56/2008, http://1895.revues.org/4065 (consulté le 23/04/2015).
11 « Monsieur Camille Saint-Saëns a écrit pour L’Assassinat du duc de Guise un chef d’œuvre de musique symphonique […] Ce fut une des parties les plus goûtées de cette représentation ». Adolphe Brisson, Le Temps, 1908, repr. Daniel Banda & José Moure, Le cinéma : naissance d’un art-1895-1920-Textes choisis, Paris, Champs-Flammarion, 2008, p. 174.
12 Agnès Pieron (dir.), Le Grand Guignol : le théâtre des peurs de la Belle Epoque, Paris, Laffont, 1995.
13 Jon Burrows, « Des films d’art britanniques, 1908-1911 », 1895-Mille huit cent quatre-vingt-quinze, [En ligne] 56/2008/4074 (consulté 23/04/2015).
14 Tom Gunning, « The Cinema of Attraction[s] : Early Film, its Spectator and the Avant-Garde », Wide Angle, vol. 8, 3-4 (1986), Baltimore, John Hopkins University Press, p. 63-70, et Wanda Strauven (dir.), The Cinema of Attractions Reloaded, Amsterdam, Amsterdam University Press, 2006, p. 381-388.
15 Les auteurs dramatiques qui ont envoyé des scénarios comptent parmi eux Victorien Sardou, Anatole France, (grand amateur de cinéma) et Jules Lemaître. Gustave Babin, “Le théâtre cinématographique”, L’Illustration, 31 octobre 1908 ; reproduit in Eric Baschet (dir.), Les Grands Dossiers de l’Illustration, Paris, Sefag et L’Illustration, 1987, p. 33.
16 René de Bouillé, L’Histoire des ducs de Guise, Paris, Amyot, 1850 serait la source du manuscrit de Lavedan. Roland Cosandey, « Le plan de l’escalier - L’Assassinat du duc de Guise (Film d’Art, 1908) : espace, temps, corps », iichiko. A Journal for Transdisciplinary Studies of Pratiques, Tokyo, Nihon Berieru ato Senta, n° 54, automne 1999, p. 36-64, 18 ill.
17 Tom Gunning, « Le récit filmé et l’idéal théâtral : Griffith et ‘les films d’Art’ français », op.cit. , p. 123. Gustave Babin, op.cit.
18 Gustave Babin, « Le Théâtre cinématographique », L’Illustration, op.cit.
19 De nombreuses manifestations culturelles eurent lieu à Paris lors de Shakespeare 450, le Congrès de la Société Française Shakespeare (21-27 avril 2014) organisé par la présidente, Dominique Goy-Blanquet (http://www.shakespeareanniversary.org/shake450/fr/).
20 Jon Burrows, « Des films d’art britanniques, 1908-1911 », 1895 Mille huit cent quatre-vingt- quinze, 56/2008, (http://1895.revues.org/4074).
21 L’intertextualité entre le drame shakespearien et le cinéma hollywoodien se prolonge d’une manière explicite dans les films des années 1930. R. Costa de Beauregard, « A la poursuite du « méchant » de cinéma dans le film de gangster hollywoodien : une archéologie élisabéthaine », in Francis Bordat et Serge Chauvin, (dir.), Les bons et les méchants dans le cinéma anglophone, Nanterre, Université Paris X, 2005, p. 41-58.
22 Christophe Gauthier, « Au-delà du film d’art. Sur deux films retrouvés à la Cinémathèque de Toulouse », 1895 Mille huit cent quatre-vingt- quinze, 56/2008, p. 337-344 (http://1895.revues.org/4083).
23 The Tempest (1908), metteur en scène Peter Stow, compagnie de production Clarendon Film Company, BFIDV654, London, BFI, 2004.
24 Jacques Malthête et Michel Marie (dir.), Georges Méliès- L’illusionniste fin de siècle ?, Colloque de Cerisy (1996), Paris, Presses de la Sorbonne Nouvelle, 1997.
25 Gustave Babin, « Les coulisses du cinématographe », L’Illustration, 28 mars et 4 avril 1908 ; reproduits in Eric Baschet (dir.), Les Grands Dossiers de l’Illustration, Paris, Sefag et L’Illustration, 1987, p. 22-32.
26 Idem.
27 Le film comporte onze plans-tableaux annoncés par un intertitre – il semblerait que le titre du début soit perdu – qui propose un découpage du texte de la pièce comme celui du metteur en scène à partir d’un scénario. Luke McKernan et Olwen Terris (dir.), Walking Shadows : Shakespeare in the National Film and Television Archive, London, BFI, 1994, p. 3.
28 R. Vernay, « Trois étapes du fantastique. Jules Verne, Georges Méliès, Fritz Lang », Cinémagazine, 13 décembre 1929, cité par Christophe Gauthier, « Histoire d’un crime », op. cit., note 40.
29 Rae Beth Gordon, « Les pathologies de la vue et du mouvement dans les films de Méliès », in Jacques Malthête et Michel Marie (dir.), Georges Méliès, op.cit.,p. 263-284.
30 Raphaëlle Costa de Beauregard, “Peter Greenaway’s Film Adaptation of The Tempest : Prospero’s Books (1991) and the Screening of Caliban”, Caliban, Spécial centenaire, n° 52, 2014, p. 95-108.
31 « Un extraordinaire truquage cinématographique », L’Illustration, 27 décembre 1924, nous décrit le procédé par lequel Cecil B. De Mille dans son drame historique, The Ten Commandments, montre « un des miracles les plus émouvants de l’Ancien Testament : le passage de la mer Rouge », L’Illustration, 27 décembre 1924, reproduit in Eric Baschet (dir.), Les Grands Dossiers de l’Illustration, Paris, Sefag et L’Illustration, 1987, p. 77.
32 Gustave Babin, “Le théâtre cinématographique”, L’Illustration, 31 octobre 1908 ; reproduit in Eric Baschet (dir.), Les Grands Dossiers de l’Illustration, op.cit., p. 33.
33 Jenn et Nagard, L’Avant-Scène, op. cit., p. 72.
34 Roland Cosandey, « Le plan de l’escalier – L’Assassinat du duc de Guise (Film d’Art, 1908) : espace, temps, corps », iichiko. A Journal for Transdisciplinary Studies of Pratiques, Tokyo, Nihon Berieru ato Senta, n° 54, automne 1999, p. 36-64.
35 Eric de Kuyper, « La couleur du muet », in Jacques Aumont (dir.), La couleur en cinéma, Paris, Cinémathèque française et Milan, G. Mazzotta, 1995, p. 139-146.
36 A Midsummer Night’s Dream, USA, 1909. Dir. J. Stuart Blackton/Charles Kent, prod. Vitagraph Company of America, incomplet, titres anglais.
37 « Le Film d’Art fondé par Henri Lavedan […] un défi aux lois les plus élémentaires de la cinégraphie : tragédies déclamatoires, grossière facéties de Rigadin, décors de carton […] en attendant l’invasion américaine», écrit Georges Charensol, Panorama du cinéma, Paris : Kra, 1930, p. 161, cité par Christophe Gauthier, « Histoire d’un crime », op.cit.
38 Jon Burrows, « Des films d’art britanniques, 1908-1911 », op. cit.
39 Le premier générique français annonçant le nom des stars du théâtre dans les rôles principaux est cité par Richard Abel, The Ciné Goes to Town, op. cit., p. 264-265.
40 Jon Burrows, « Des films d’art britanniques », op. cit., p. 234.
41 Ibid., p. 242.
42 Jean-Loup Bourget, Le mélodrame hollywoodien, Paris, Stock, 1985. Voir aussi Jean-Loup Bourget et Jacqueline Nacache (dir.), Le classicisme hollywoodien, Rennes, Presses Universitaires de Rennes, 2009.
43 David Bordwell, Janet Staiger et Kristin Thompson, The Classical Hollywood Cinema- Film Style & Mode of Production to 1960, New York & Londres, Routledge, (1985) 2002, p. 13.
44 Re Lear/King Lear, Italy 1910 ; dir. Gerolamo Lo Savio ; prod. Film d’Arte Italiana. Couleur : Peint à la main, et/ou teinté selon les séquences.
45 Claude Aziza, Le peplum, un mauvais genre, Paris, Klincksieck, 2009.
46 Peter Brooks, The Melodramatic Imagination- Balzac, Henry James, Melodrama, and the Mode of Excess, New York, Columbia University Press, 1985, 50-51. Le rôle de la marquise évoque celui de la muette autant que celui de la folle, deux formes d’expression de l’angoisse psychologique qui ont aisément trouvé leurs places dans le cinéma muet.
47 Paul Delaroche, Assassinat du duc Henri de Guise au château de Blois, salon de 1835, coll. Musée Condé, Chantilly. Le format rectangulaire souligne, par le vide au centre du tableau, d’un côté les vivants et de l’autre le mort. Les assassins s’adressent les uns aux autres, mais aussi au roi, personnage de petite stature au centre du groupe auquel l’on désigne le corps d’un large geste de l’épée. A droite gît le corps de tout son long, les bras en croix, la tête appuyée sur le rideau du lit. La notoriété de cette mise en scène du crime montre a contrario que Lavedan a cherché à faire autre chose, en insistant sur le corps à corps, après la séparation des amants, et le déplacement du cadavre jusqu’au foyer de la cheminée. Henri III est fasciné par le visage du mort, s’attribue une mèche de ses cheveux, le fait fouiller pour le faire parler grâce au papier prouvant sa connivence avec l’ennemi espagnol. La peinture d’un sujet historique inscrit ce tableau au niveau supérieur de la hiérarchie entre les arts.
48 Roland Cosandey, « Le plan de l’escalier », op. cit., p. 50.
49 Alain Carou, « Art et imitation : sur une bande de la série ‘le Film Esthétique’ et son procès», 1895, Revue de l’association française de recherche sur l’histoire du cinéma, numéro spécial Louis Feuillade, Paris, AFRHC, octobre 2000, p. 39-50.
50 Ibid., p.47.
51 « Ce sont les Français qui sont les inventeurs du slapstick » déclare Mac Sennet, cité par Francis Lacassin, Pour une contre-histoire, op.cit., p. 139
52 Laurent Le Forestier, « Feuillade et les ciné-vaudevilles, ou le paradoxe de la théâtralité », 1895, Revue de l’association française de recherche sur l’histoire du cinéma, numéro spécial Louis Feuillade, Paris, AFRHC, octobre 2000, p. 78-80.
53 Ibid., p. 80.
54 Id.
55 Roland Cosandey, “Le plan de l’escalier… », op. cit., p. 45-47.
56 Richard Abel, The Ciné Goes to Town. French Cinema 1896-1914, Berkeley, University of California, 1994, p. 246-253.
57 Interview de D W Griffith par Robert Florey, Cinémagazine, 27 juillet 1923, cité par Marcel Lapierre qui eut un rôle à jouer dans la réhabilitation du Film d’Art. Christophe Gauthier, « Histoire d’un crime », op. cit., note 39.
58 The New York Dramatic Mirror, November 14, 1908 in Stanley Kauffmann (dir.), American Film Criticism- From the beginnings to Citizen Kane, New York, Liveright, 1972, p. 13-18.
59 Ricciotto Canudo « La naissance d’un sixième art. Essai sur le Cinématographe » (1911), repr. Daniel Banda et José Moure (dir.), Le cinéma : naissance d’un art », op. cit., p. 198-199.
60 Roland Cosandey, op. cit., p. 51.
61 Ibid, p. 48.
62 François Albéra, « L’Assassinat du duc de Guise », op.cit.
63 Id.
64 David Bordwell et als., The Classical Hollywood Cinema, op. cit., p. 221-230.
65 Tom Gunning, « Le récit filmé et le théâtre idéal – Griffith et les ‘films d’art’ français’« , op. cit., p. 126.
66 Id.
67 Eileen Bowser, The Transformation of Cinema -1907-1915, History of the American Cinema, vol. 2, Berkeley, University of California Press, 1990, p. 43.