Apparitions diaphanes. À partir d’une série photographique

Par Anne Dietrich
Publication en ligne le 22 octobre 2013

Résumé

The photographic series “Proche-lointain” (2010-2011) results from an interest in the fleeting reflections taking place on the windows of public transports. Specters sometimes appear from these reflections. An analysis reveals the similarities of their transparencies, so that these two appearances seem to be located in the same translucent environment. The image that is created shows complex spatiotemporal relationships, which express the relation between body and space.

La série photographique « Proche-lointain » (2010-2011) résulte d’un intérêt pour les reflets fugaces qui prennent place sur les vitres des transports en commun. De ces reflets surgissent parfois des spectres. Une analyse permet d’en relever les similitudes de transparences, amenant à considérer une localisation commune de ces deux manifestations, au sein du milieu diaphane. L’image créée relève de rapports spatio-temporels complexes, qui témoignent d’une relation du corps à l’espace.

Texte intégral

1Au début de la Renaissance, dans son célèbre ouvrage intitulé De pictura1, Alberti préconisait aux peintres d’observer le sujet à représenter à travers un « voile intersecteur2 » quadrillé, afin de conserver les proportions et de faciliter le passage des trois dimensions du réel aux deux dimensions du tableau. Cette grille formait une fenêtre qui cadrait le visible. Dans mes photographies, je crée à partir de la vitre, rappelant la fenêtre ouverte sur la storiadont parle Alberti. Cependant, les conditions dans lesquelles je travaille ouvrent d’autres perspectives. Créer dans les transports en commun implique de se confronter au mouvant et, surtout, au rapport sans cesse renouvelé entre intérieur et extérieur. Entre le paysage extérieur et le photographe, la vitre marque la transition3. Surface transparente, elle instaure une distance entre le sujet et le paysage, comme la photographie entre le photographe et le référent. Certains rapports de luminosité font naître des reflets sur les vitres, qui se superposent aux vues extérieures et rendent la surface transparente de la vitre tangible. Le mouvement du véhicule provoque des variations lumineuses et, lorsque la lumière disparaît, ce sont tous les reflets qui s’évanouissent. Mon travail photographique prend appui sur ces formes évanescentes qui naissent puis disparaissent. L’intérêt pour la fugacité de ces images a été l’un des déclencheurs de mon travail de recherche et a notamment abouti à la série de photographies « Proche-lointain » (2010-2011), réalisée essentiellement depuis le train de banlieue reliant Colombes à Paris. Composée de dix ensembles (images uniques ou polyptyques), ces photographies donnent à voir, grâce à des photomontages ou par des dessins réalisés sur les tirages, des figures qui oscillent entre apparition et disparition. Ces deux manifestations antinomiques sont doublement présentes dans mes photographies : apparition de chocs d’images et disparition de la lisibilité d’un seul espace ; apparition de personnages anciens et disparition d’un repère temporel stable et unique. Aussi les figures spectrales témoignent-elles de l’expérience du voyageur qui, pris dans la course folle d’une perception en mouvement, en vient parfois à douter de ce qu’il a pu voir. La forme grise aperçue était-elle celle d’un humain ? était-ce plutôt un poteau ? émile Zola fait part de ce doute que l’on peut éprouver dans ces conditions d’observation4 : « c’était une apparition coup de foudre : tout de suite les wagons se succédèrent, les petites vitres carrées des portières, violemment éclairées, firent défiler les compartiments pleins de voyageurs, dans un tel vertige de vitesse que l’œil doutait ensuite des images entrevues5. » Au sein de cette incertitude, le fantasme naît, catalysé par le trouble que génère l’image transparente instable, et donne vie au fantôme. Dès lors, quel statut attribuer à ces apparitions qui surgissent sur des photographies prises depuis un train ? Quel est leur rapport à l’image et quelle relation au monde révèlent-elles ? L’attention aux reflets est ce qui m’a amenée à faire émerger les spectres. Il s’agira tout d’abord d’étudier quelle est la place du reflet dans l’image photographique. Sa présence, à laquelle s’ajoute celle du dessin, trouble la lecture de l’espace représenté où des spectres prennent place. Cela nous amènera à questionner l’image résultant de rencontres d’espaces et de temps éloignés. Ceux-ci se réfèrent-ils à l’espace-temps de la photographie ou est-ce un passé plus personnel qui est évoqué ? Nous analyserons en quoi ces images hétérogènes permettent d’interroger la relation du photographe au monde.

I. Transparence du reflet

2La vitre et la photographie entretiennent des rapports étroits. Souvenons-nous qu’autrefois les négatifs étaient des plaques de verre. Marcel Duchamp, en réalisant Le Grand Verre (1915-1923) nous le rappelle. En effet, comme l’évoque Florence de Mèredieu, Le Grand Verre avait, « au départ, été conçu par Duchamp comme une gigantesque plaque photographique, sur laquelle il souhaitait projeter ces figures qu’il imaginait provenir de la quatrième dimension6. »7 De plus, le verre a une importance au sein même du fonctionnement technique de l’appareil photographique. La lumière, passant par la première vitre de l’objectif, va ensuite se refléter dans le miroir de l’appareil photographique à visée réflex, pour enfin se projeter contre la surface sensible du négatif ou des capteurs numériques. Ainsi, photographier une fenêtre, c’est photographier le verre, à travers le verre. Dans mes photographies, bien que les cadres des fenêtres soient rarement visibles, les éléments caractéristiques du paysage ferroviaire qui composent l’image permettent de comprendre que la photographie a été prise du train. Des reflets flottants apparaissent et semblent s’épanouir dans un milieu paradoxalement transparent (celui de la vitre ?). Comment une image peut-elle naître dans (ou sur) cette transparence ? Cette ambiguïté n’est pas sans évoquer les caractéristiques du diaphane que théorise Aristote dans De l’âme8. Pour Aristote, le diaphane est la condition première qui, alliée à la présence de la lumière, permet la visibilité d’une chose : « Et par diaphane, j’entends ce qui, bien que visible, n’est pas visible par soi, à proprement parler, mais à l’aide d’une couleur étrangère […]. La lumière est l’acte de cette substance, du diaphane en tant que diaphane9. » Ainsi, le diaphane est un milieu transparent, à la fois médiateur (c’est par lui que se forme l’image) et révélateur (l’image n’apparaît qu’à l’intérieur de ce milieu) au sein duquel l’image se crée. Dans les images que je produis, plusieurs espaces se superposent par transparence : celui qui est perçu à travers la vitre, celui du reflet et celui du dessin. Le diaphane pourrait alors être le non-lieu — au sens d’a-topie, c’est-à-dire d’espace sans localisation —, l’espace paradoxal situé entre la vitre et l’objectif photographique. Il se retrouve en miroir dans l’appareil photographique, entre la surface d’enregistrement (capteurs ou négatif) et l’objectif. Le diaphane est ensuite cloisonné dans l’image de papier, entre la surface de l’image et la vitre photographiée — avec laquelle elle se confond parfois.

3La lumière est la condition essentielle d’existence du diaphane — j’emploierai le terme de diaphane en tant que substantif en référence à Aristote, pour désigner un milieu, et non comme adjectif ; j’utiliserai dans ce second sens le terme de transparent — et de l’image photographique qui, comme son nom l’indique, est écriture de lumière. L’image numérique ne procède pas de manière chimique10, mais électronique. Cependant, là encore, les capteurs sont sensibles au taux de lumière, qu’ils enregistrent de manière codée. Bien que la lumière ne réagisse plus de manière chimique sur la matière photographique, elle reste l’élément essentiel permettant à la photographie d’exister.Elle est aussi ce qui fait naître le reflet.La lumière, à la rencontre de surfaces lisses et brillantes, telles que le métal poli, le plexiglas, le verre ou le plastique dont les trains sont en grande partie composés, va en effet former une image. Le miroir a le pouvoir de refléter une portion d’espace où je ne suis pas (c’est le cas, par exemple, du rétroviseur, qui nous permet de voir vers l’arrière alors que nous allons vers l’avant). Pour Catherine Perret, le miroir nous sépare de notre corps, de notre perception et nous transporte, comme toute représentation pourrait le faire :

Le miroir révèle ainsi ce qu’a de plus singulier le mécanisme de la représentation : la représentation est ce déplacement grâce auquel je peux voir là où pourtant je ne suis pas « présent », percevant, là où je suis seulement représenté, et dans la mesure où cette représentation m’absente, me prive de corps, me coupe de la perception11.

4On peut penser que cette coupure de la perception est principalement due à l’opacité du matériau, contre lequel le regard butte. Contrairement au métal et au miroir, la vitre transparente permet au regard de la traverser. Une autre perspective du reflet s’ouvre alors. La vitre s’interpose dans notre champ de vision mais ne nous empêche pas de voir au loin. Elle ne doit plus être considérée comme un obstacle, mais comme un passage qu’emprunte la vision. Catherine Perret parle d’un transport grâce au miroir qui est une surface spéculaire opaque. En est-il de même pour un reflet sur une vitre transparente ?

5L’architecture d’un wagon est telle que les fenêtres se répartissent de manière symétrique, de part et d’autre d’un couloir intérieur : une fenêtre faisant ainsi systématiquement face à une autre. Cette disposition a toute son importance car elle va influer sur la nature des images produites par reflet sur les vitres. Ces surfaces transparentes permettant de voir l’extérieur et sont les supports de reflets d’autres espaces : l’intérieur du train, mais aussi parfois l’extérieur visible à travers la fenêtre opposée. Dès lors, jusqu’à trois espaces peuvent être rabattus sur une même surface, engendrant un trouble dans leur appréhension. Dans Aveuglement et entrelacs 1 (2010), le trouble est à son paroxysme : les espaces deviennent difficilement identifiables et l’image se rapproche d’une abstraction.

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Fig. 1 : Aveuglement et entrelacs 1, série « Proche-lointain »,2010.
Tirage couleur numérique monté sur carton, dessin au pastel sec, 55 x 41 cm
© Anne Dietrich

6Ainsi, la vitre augmente les capacités de notre œil en nous permettant de voir simultanément plusieurs espaces grâce aux reflets. Au transport physique (une circulation de gare en gare) s’ajoute un transport métaphorique : les reflets nous mènent ailleurs. Mais l’« ailleurs » dont il est question ici ne désigne pas une exclusion du lieu où l’on se trouve, car la transparence de la vitre nous permet encore de le voir. L’ailleurs serait ici plus à considérer comme un espace différent, un espace hétérogène. Afin de mieux comprendre cette hétérogénéité, tentons de définir l’image obtenue par rapport aux catégories de signes mises en place par Charles Sanders Peirce.

7Le reflet entretient une relation causale avec son référent. Comme la fumée indique le feu, le reflet indique la présence de l’objet reflété. Selon les catégories peirciennes12, le reflet est donc un indice. L’indice se situe (ou s’est situé, pour une empreinte par exemple) dans le même espace que son référent, suggérant une cohérence spatiale entre référent et indice. Or, dans mes images, la transparence de la vitre ajoute au reflet un autre espace correspondant à la vue à travers la vitre. Dès lors, la désignation d’indice est-elle opérante pour caractériser cette image hétérogène ? L’œuvre Il Presente - Autoritratto in camicia (« Le Présent - Autoportrait en chemise ») (1961) de Michelangelo Pistoletto rend visible une condition essentielle du reflet : le modèle ou référent doit être là pour que l’image puisse se former. En peignant son autoportrait sur une surface réfléchissante, l’artiste se saisit directement de l’indice, pour former ce que Peirce nomme l’icône, c’est-à-dire un signe entretenant une relation d’analogie avec son référent. Pistoletto nomme son œuvre « le présent. » C’est ainsi que l’icône, dans un moment différé, présente l’indice qui a été présent et que le spectateur peut refaire apparaître en se reflétant dans la surface noire brillante. Deux temps entrent alors en jeu : celui du reflet et celui de la peinture. Ils rejoignent les deux temps qui coïncident dans mes images : celui de la photographie (« ça a été13 » de Roland Barthes) et celui du reflet (c’est là). Dans les photographies de reflets, les deux temps se confondent : le reflet photographié rend compte d’un « être là », qui « a été ». L’objet reflété et le reflet étant souvent fortement ressemblants, l’indice semble nous mettre en présence du référent et ainsi constamment tendre vers l’icône. Aux photographies faisant intervenir des personnages du passé, un « avait été » s’ajoute. Les portraits apparaissant grâce à des photomontages ou des dessins montrant des visages de personnes qui ont vécu à une époque désormais lointaine14 sur les lieux photographiés. Dans le diptyque Grévistes, Asnières-sur-Seine (2011) par exemple, ce sont des cheminots grévistes de Bois-Colombes qui surgissent sur le quai actuel de la ville.

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Fig. 2 : Grévistes, Asnières-sur-Seine, série « Proche-lointain », 2011.
Tirage couleur numérique monté sur carton, dessin au pastel sec, fusain, diptyque, 77 x 105 cm pour chacun
© Anne Dietrich

8Dans Auguste Bain (inventeur), Bois-Colombes (2011), le buste d’un inventeur de Bois-Colombes, Auguste Bain, apparaît.

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Fig. 3 : Auguste Bain (inventeur), Bois-Colombes, série « Proche-lointain »,2011.
Tirage couleur numérique monté sur carton, dessin au pastel sec, 77 x 105 cm pour chacun
© Anne Dietrich

9Dans le triptyque Juste Lisch (architecte), Asnières-sur-Seine (2011), c’est l’architecte de la gare qui transparait dans les reflets sur les vitres d’un train arrêté à Asnières. Le reflet, en tant qu’indice et icône, occupe donc une situation d'intermédiaire le référent reflété et moi. C’est un embrayeur, qui m’indique ce qui est présent autour de moi en en formant une image relativement fidèle.

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Fig. 4 : Juste Lisch (architecte), Asnières-sur-Seine, série « Proche-lointain »,2011.
Tirage couleur numérique monté sur carton, dessin au pastel sec, 54 x 81 cm pour chacun
© Anne Dietrich

10Véronique Mauron compare l’indice à l’admoniteur (admonitor en italien) d’une peinture de la Renaissance : « À la manière de l’adocator ou de l’admonitor des peintures de la Renaissance — personnage indiquant au spectateur la scène principale, ce qu’il doit regarder en premier lieu — l’indice occupe une position d’articulation15

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Fig. 5 : Commerçantes, Bois-Colombes, série « Proche-lointain », 2011.
Tirage couleur numérique monté sur carton, dessin au pastel sec, 48,5 x 72,5 cm
© Anne Dietrich

11Dans Grévistes, Asnières-sur-Seine ; Auguste Bain (inventeur), Bois-Colombes ; Commerçantes, Bois-Colombes (2011), ou encore Georges Seurat, Asnières-sur-Seine (2011), un personnage est photographié en train de regarder fixement un endroit précis de l’image.

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Fig. 6 : Georges Seurat, Asnières-sur-Seine, série « Proche-lointain »,2011.
Tirage couleur numérique monté sur carton, dessin au pastel sec, diptyque, 76 x 104 cm pour chacun
© Anne Dietrich

12Dans Auguste Bain (inventeur), Bois-Colombes, la femme semble se regarder elle-même en train de fixer l’apparition. Ce développement complexifie encore le rapport des signes en présence. Contrairement aux peintures de la Renaissance où l’admoniteur est le plus souvent tourné vers le spectateur — il lui montre parfois du doigt la chose à voir —, dans mes photographies, aucun geste particulier n’apparaît. C’est l’insistance du regard du personnage qui nous interpelle. Un personnage photographié (ça a été) regarde et nous invite à voir une apparition (ça avait été) qui surgit à la manière d’un reflet (c’est là). Ainsi, comme un kaléidoscope, ces images décomposent la typologie peircienne des signes et amènent à penser, avec l’hétérogénéité d’espaces, une hétérogénéité de temps dans l’image.

II. Spectres et rencontres spatio-temporelles

13Le reflet est une image lumineuse qui n’a pas de matérialité propre et, par conséquent, pas de réelle présence. Véronique Mauron précise que « [l]e reflet est une présence qui n’a pas (de) lieu. Il est de l’ordre du mirage, présent et effacé, vif car simulant la vie, mort car toujours en train de disparaître16. » Le reflet est donc cette image fragile, évanescente, qui oscille entre apparition et disparition. Dans mes photographies, le reflet instable et transparent naît sur une surface elle-même transparente, qui n’est pas facilement visible. Tout se passe donc comme si le reflet naissait de manière magique dans les airs, évoquant des esprits flottants. Les spectres du passé apparaissant dans les vues de trains convoquent, en effet, cet imaginaire du fantomatique et du revenant. Il a été beaucoup exploité aux débuts de la photographie et semble avoir pour origine des accidents techniques. La réutilisation de daguerréotypes17 mal nettoyés donnait parfois lieu à des images fantômes sur les plaques, constituant les premières surimpressions, nées d’accidents techniques. La longueur du temps de pose nécessaire à l’époque pouvait également générer des imperfections dans les images. Une photographie d’Eugène Atget intitulée « Au petit Dunkerque », 3 quai Coti, Paris (1900) par exemple, réalisée au moment où le photographe s’intéresse aux façades des boutiques du vieux Paris, laisse apparaître le buste d’un personnage qui passait justement par le porche photographié. La longueur du temps de pose le rend évanescent. De ces différentes erreurs sont nées les photographies spirites, photographies des esprits, pratiquées dans le cadre de groupes prétendant communiquer avec les défunts. édouard Isidore Bughet est l’un des photographes spirites français les plus importants. À travers une mise en scène de l’acte photographique élaborée, il parvint à convaincre (jusqu’à son procès pour escroquerie devant la 7e chambre du tribunal correctionnel de la Seine les 16 et 17 juin 1875) qu’aux côtés des portraiturés apparaissaient des spectres du passé. La photographie n’était alors pas pratiquée de tous et la fascination qu’elle avait exercée aux premiers jours était encore palpable. Cette magie de la photographie est encore efficiente pour qui pratique son développement. Nadar s’émerveillait face à cette possibilité qu’avait désormais l’homme de miraculeusement capter une image fugitive grâce à la photographie : elle « semble donner enfin à l’homme le pouvoir de créer, lui aussi, à son tour, en matérialisant le spectre impalpable qui s’évanouit aussitôt aperçu sans laisser une ombre au cristal du miroir, un frisson à l’eau du bassin18. » L’emploi du terme « spectre » par Nadar pour évoquer l’éclat lumineux est ici révélateur de cette similitude : la lumière, comme les spectres, est immatérielle. Dans mes photographies, ces deux éléments immatériels sont mêlés lorsque les images de lumière (reflets) et les images de revenants se rencontrent. La photographie va ainsi pouvoir donner une image de l’immatérialité. Aussi pouvons-nous compléter notre définition du diaphane, que nous avons caractérisé comme étant le (non-)lieu du reflet. Le reflet et l’image du revenant possédant les mêmes caractéristiques, nous pouvons ajouter que, à la manière des reflets, les images des revenants semblent surgir au sein du milieu diaphane, dont la présence paraît conditionner leur visibilité. Faisant irruption dans le visible, ces images transparentes entrent en relation avec le paysage vu à travers la vitre. Quels rapports spatiaux et temporels développent-elles ?

14Dans mes photographies, les reflets amènent à penser une image qui se formerait par empilements successifs. Comme des calques se superposant les uns sur les autres, différents pans forment une image semblable à un palimpseste, où les choses se montrent et se cachent en même temps. La construction des images par couches rappelle la théorie des spectres que Balzac développe à propos de la photographie et qui nous est rapportée par Nadar :

Donc, selon Balzac, chaque corps de la nature se trouve composé de séries de spectres, en couches superposées à l’infini, foliacées en pellicules infinitésimales dans tous les sens où l’optique perçoit ce corps. L’homme à jamais ne pouvant créer, — c’est-à-dire d’une apparition, de l’impalpable, constituer une chose solide, ou de rien faire une chose —, chaque opération daguerrienne venait donc surprendre, détachait et retenait en se l’appliquant une des couches du corps objecté. De là pour ledit corps, et à chaque opération renouvelée, perte évidente d’un spectre, c’est-à-dire d’une part de son essence constitutive19.

15L’image photographique venant retirer une strate au réel pour se former n’est pas sans rappeler l’objet feuilleté dont parle Roland Barthes : le référent « adhère20 » à la photographie, ils sont pour l’auteur comme deux feuillets inséparables21. Pour Balzac, la photographie se compose ainsi d’une très fine couche du réel et sa transparence la rend semblable à un spectre. La photographie d’Atget précédemment citée rappelle cette théorie : une fine couche du corps de l’homme photographié semble avoir été déposée sur la pellicule, si mince qu’elle est transparente et ne renseigne que de manière lacunaire sur ce dernier. La silhouette semble en déplacement ; elle a été saisie dans son mouvement par la photographie qui en est l’étape ultime. Dans mes photographies, nous pourrions voir une succession de ces spectres transparents dont parle Balzac. L’appréhension de l’image se ferait ainsi dans le passage d’un spectre à l’autre, d’un reflet à l’autre. Les images créées, empreintes de réel, montrent des personnages fantasmés semblant naître de mon imaginaire. L’image se situe ainsi dans un espace-temps indéfini et prismatique. Le mouvement du train entraine, pour cet espace hétérogène, une relation plurielle à l’espace.

16Tout moyen de transport implique un paradoxe fondamental dans le rapport entre fixité et déplacement. Si nous prenons comme référentiel du mouvement le voyageur et comme espace de déplacement le wagon, le voyageur, généralement assis sur son siège, est fixe. Mais un changement de référentiel peut bousculer cette analyse. En effet, en considérant le référentiel wagon et le territoire en tant qu’espace de déplacement, celui-ci est mouvant et le voyageur se trouvant dans le wagon l’est par conséquent également. Cette ambivalence engage une double appréhension de l’espace pour le voyageur. Alors que le train est en mouvement, l’intérieur du wagon, reflété sur les vitres, est relativement fixe — tout au plus quelques déplacements de passagers peuvent se produire. Dans un même temps, deux perceptions spatiales divergent ainsi par le rapport au temps qu’elles engagent. Aussi, alors que l’une est plus contrôlable — nous pouvons choisir à quel moment nous détournons le regard de tel voyageur —, l’autre est prise dans le défilement inéluctable du paysage. C’est alors le mouvement du train qui contraint notre vision. Plusieurs espaces s’enchevêtrent et différentes vitesses se rencontrent dans une même image lorsque l’intérieur fixe du train et l'extérieur en mouvement se côtoient sur une même surface. Seul l’arrêt du train en gare fait coïncider les modalités temporelles d’appréhension de l’espace. Perception directe et indirecte (le reflet) sont sur (ou dans) un même espace.

17L’intrusion d’un espace dans l’autre nous amène à penser au procédé cinématographique du montage à l’intérieur de l’image. László Moholy-Nagy cite, dans Peinture, Photographie, Film, des films expérimentaux comme exemples de « projections » (à entendre comme films) « productrices22 » qui inventent un nouveau type de montage, interne à l’image. Dans Napoléon (1927) d’Abel Gance, trois bobines de films correspondant à trois espaces aux temporalités diverses sont par moments juxtaposées. Cependant, dans mes photographies, il s’agit moins de juxtapositions que de superpositions d’espaces. Nous sommes alors plus proches des recherches de surimpressions menées au même moment par Dziga Vertov dans L’homme à la caméra (1929)23. Dans mes photographies, le montage dans l’image intervient à plusieurs moments (par le reflet, le montage, puis le dessin). L’extérieur de l’image entre ainsi à l’intérieur : l’espace périphérique s'immisce dans l’espace central de l’image et une époque en rencontre une autre, dans l’épaisseur du diaphane. Cet espace paradoxal du diaphane est également celui de la perception. Comment l’image s’en empare-t-elle et que traduit-elle d’une relation au monde ?

III. La transparence, lieu de passages réciproques

18Les photographies de la série « Proche-lointain » interrogent le rapport de mon corps au monde au sein de l’expérience perceptive. Mon attention s’attarde sur les reflets et j’entre dans une impression de suspension, de glissement, pouvant rappeler l’expérience immersive telle qu’elle est analysée par Jean-Marie Schaeffer24. Mais l’image elle-même relate un mouvement plus complet, où la relation est perpétuelle entre moi et le monde. Elle est à penser comme réciprocité. Nous sommes alors assez proches d’une expérience phénoménologique, telle que Merleau-Ponty la décrit dans L’œil et l’esprit, où je vis le monde et le monde se vit en moi. Il se crée un croisement de relations entre le monde et mon propre corps : « Entre ma chair et la chair du monde, nulle inégalité, mais une sorte de circulation — je pénètre dans la chair du monde qui réciproquement me pénètre et c’est le croisement l’un sur l’autre de ces deux mouvements inverses qui constitue le ‘‘chiasme’’25. » À travers ce chiasme, qui dans le croisement corps/monde souligne l’union de ces deux termes, nous nous trouvons dans ce que Merleau-Ponty nomme l’« espace anthropologique », qui est à comprendre comme « espace ‘‘existentiel’’, lieu d’une expérience de relation au monde d’un être essentiellement situé ‘‘en rapport avec un milieu’’26. » Mes images paraissent correspondre à cet espace d’échanges et de passages réciproques. Les termes de ces rencontres ne sont pas toujours visibles ni compréhensibles ; ils apparaissent et disparaissent, ne se dévoilant pas immédiatement. Leur manifestation se fait dans le temps, à la manière d’une révélation photographique.

19Le passage de l’image photographique d’un état latent à un état révélé est intéressant à analyser pour comprendre les surgissements qui s’opèrent dans mes images. Lors d’un développement argentique, il y a création d’une image latente, contenue virtuellement dans les couches photosensibles du support bidimensionnel. Le passage de l’état latent à l’état manifeste s’effectue par la révélation. Les spectres apparaissant dans la série de photographies peuvent être considérés comme des images latentes à l’intérieur de la photographie, qui sont révélées, mises au jour par le passage du dessin. La conception qu’a Jean-Luc Nancy du dessin comme un acte de révélation également est particulièrement intéressante pour nous : « la belle forme — le dessin [...] — opère une révélation27. » Mais pour lui, cette révélation ne doit pas être entendue comme l’expression d’un virtuel actualisé : « La révélation est tout autre chose que la manifestation de quelque chose de caché. Elle est plutôt la manifestation de ce qui n’était pas caché, n’ayant jamais été donné28. » Ainsi la révélation du dessin est-elle surgissement, émergence qui ne peut pas être prévue. Il précise :

Dans l’idée du « dessin », il y a la singularité de l’ouverture — de la formation, de l’élan ou du geste d’une forme. C’est-à-dire très exactement cela en quoi la forme, pour se former, ne doit pas avoir été déjà donnée. Le dessin, c’est la forme non donnée, non disponible, non formée. C’est au contraire le don, l’invention, le surgissement ou la naissance de la forme29.

20Nous pouvons remarquer que le surgissement du dessin rejoint celui du revenant, dans le sens où il est inattendu. Cependant, dans mes photographies, les silhouettes qui apparaissent au milieu de ce dessin, ou par le dessin, sont des personnages qui ont vécu sur les lieux. Seul le moment de leur émergence ainsi que l’identité exacte des figures apparaissant ne peuvent être connus d’avance. Leur avènement reste donc imprévisible, tout comme le geste graphique sur la feuille, qui est réalisé de manière intuitive, lorsque la main parcourt une zone de la feuille de papier comme pour y chercher les choses à voir, à la manière d’un aveugle qui déchiffre de la main.

21Pour Antonio Saura, le dessin est à considérer comme un surgissement lié à l’aveuglement : « L’œuvre graphique — celle où surgit le mieux le parcours rapide de la pensée et l’aveuglement unifiés30. » L’émergence se fait alors dans l’aveuglement. Il apparaît paradoxal qu’une chose puisse apparaître dans l’absence de faculté de voir. Peut-être faut-il ainsi penser l’aveuglement comme le moment de révélation, dans le sens d’une vision rappelant des épisodes bibliques comme le buisson ardent31, ou encore la révélation à Saül (dit aussi Saul)32 pour qui la manifestation se déroule lors d’un aveuglement qui persiste pendant plusieurs jours. Ainsi, nous pouvons rapprocher la manifestation de la forme dessinée de ce type de révélation. Bien que celle-ci ne s’effectue pas dans un aveuglement réel, le geste rappelle celui de l’aveugle qui cherche son chemin et une apparition advient grâce à la trace laissée par ce geste. L’aveuglement n’est ainsi plus un frein à l’apparition, mais il l’accompagne. Dans mes réalisations, nous pouvons remarquer que, à plusieurs reprises, une partie de l’image est irradiée par la lumière qui s’y engouffre.

Image7

Fig. 7 : Aveuglement et entrelacs 2 (fenêtre), série « Proche-lointain ».
Tirage couleur numérique monté sur carton, 55 x 39 cm, 2011
© Anne Dietrich

Image8

Fig. 1 : Aveuglement et entrelacs 1, série « Proche-lointain »,2010.
Tirage couleur numérique monté sur carton, dessin au pastel sec, 55 x 41 cm
© Anne Dietrich

22Dans Aveuglement et entrelacs 2 (fenêtre) (2010) et Aveuglement et entrelacs 1, l’image disparait dans le trou de lumière. L’image est ainsi comme déchirée en son centre.

Image9

Fig. 8 : Apparition photographique 1, série « Proche-lointain », 2011.
Tirage couleur numérique monté sur carton, 42,5 x 64 cm
© Anne Dietrich

Image10

Fig. 9 : Apparition photographique 2 (échelle), série « Proche-lointain », 2011.
Tirage couleur numérique monté sur carton, 42,5 x 64 cm
© Anne Dietrich

23Apparition photographique 1 (2011) et Apparition photographique 2 (échelle) (2011) synthétisent les rapports de révélations graphiques et photographiques de l’ensemble de mes travaux. L’image est formée de la même façon que les dessins dans d’autres réalisations. En effet, son contour s’efface progressivement, évoquant une photographie en train de se révéler en laboratoire, mais aussi la poudre du pastel qui clôt de manière non linéaire la zone dessinée. Le passage de la révélation photographique à la révélation graphique est à double sens. D’un côté, les caractéristiques de la transformation qui a lieu lors de la révélation photographique peuvent être retrouvées dans le dessin qui émerge dans d’autres images. Cette émergence du dessin étant également liée comme nous avons pu le voir au toucher et à l’aveuglement. Ainsi, d’un autre côté, les zones d’éblouissement présentes dans les images Apparition photographique 1 et Apparition photographique 2 (échelle) rappellent l’aveuglement dont parle Saura par rapport au dessin. Une image latente se manifeste par la révélation (et/ou l’aveuglement). Saura, dans sa courte définition de l'œuvre graphique, lie l’aveuglement à la pensée. Aussi la révélation est-elle également à comprendre du point de vue d’une image mentale refaisant surface.

24Dans L’interprétation du rêve33, Freud décrit le principe de construction des images du rêve : elles résultent de montages de plusieurs espaces ou de plusieurs images. Les opérations de ce montage sont réparties en deux catégories, correspondant à deux types de travail de l’image par l’inconscient, qui souvent cohabitent dans un même rêve : le déplacement et la condensation. Alors que le déplacement fait voir une image à la place d’une autre, la condensation crée une image composite avec plusieurs éléments disjoints possédant une analogie, parfois inconsciente. L’image complexe du rêve résultant de ces montages est hétérogène. Elle rejoint la construction du souvenir des espaces, conçue par Marc Augé comme une accumulation désordonnée de bribes de paysages :

L’espace comme pratique des lieux et non du lieu procède [...] d’un double déplacement : du voyageur, bien sûr, mais aussi, parallèlement, des paysages dont il ne prend jamais que des vues partielles, des « instantanés », additionnés pêle-mêle dans sa mémoire et, littéralement, recomposés dans le récit qu’il en fait ou dans l’enchaînement des diapositives dont il impose, au retour, le commentaire à son entourage34.

25Si l’on considère cet assemblage au sein même d’une image, c’est une image construite par trames successives qui est à envisager. Or les photographies analysées ne rendent-elles pas compte de cette rencontre de strates photographiques et dessinées qui, pénétrant les unes dans les autres, forment une image d’entrelacs ?

Image11

Fig. 10 : Commerçante, Gare de Lyon, Paris, série « Proche-lointain », 2011.
Tirage couleur numérique monté sur carton, dessin au pastel sec, 48,5 x 72,5 cm
© Anne Dietrich

26Commerçante, Gare de Lyon, Paris (2011) décompose en partie le corps de l’image. Plusieurs groupes de figures sont différenciés, les personnages étant représentés par différents moyens selon leurs caractéristiques et le plan sur lequel ils apparaissent. C’est ainsi que les silhouettes de voyageurs à quai sont évidées — tous semblables et anonymes, ils font écho à l’absence d’identité des non-lieux qui sont, selon Marc Augé, par opposition aux lieux, des espaces similaires et sans réelle identité35 —, alors que dans le reflet apparaissent les visages de plusieurs personnes. La perception de leur corps est incomplète. Par ailleurs, au premier plan, la figure d’une femme parée à la façon des bourgeoises du siècle dernier apparaît grâce au dessin. Celui-ci est transparent et laisse encore voir le reste de l’image. Prenant place sur le corps de la photographie, la femme nous regarde. Les figures plus ou moins lacunaires de cette image peuvent ainsi correspondre à un assemblage hétéroclite de plusieurs vues, tel que le décrit Marc Augé, s’assimilant alors à une image de mémoire, construite par strates successives.

27Semblables à un palimpseste, mes images se construisent dans la profondeur. Formées par couches d’espaces et de temps (grâce aux reflets et aux apparitions qui y prennent corps), mes images sont en quelque sorte un « singulier entrelacs d’espace et de temps36 ». Mais le déplacement d’espaces et de temps par les reflets et les apparitions amène à penser un déplacement plus profond, en lien avec mon expérience personnelle. Les corps apparaissant sont eux-mêmes des reflets de mon intérieur, nourri de corps revenants qui troublent mon quotidien et me font créer. Mes images résultent ainsi de déplacements de faits personnels et de leur condensation. La figuration de Juste Lisch, d’Auguste Bain et d’autres personnages est, en effet, un moyen de réagir face au manque causé par une disparition. Alain Bergala analyse dans le travail de Raymond Depardon à New York en 198137 l’expression d’un manque de l’absent à travers les photographies. Depardon révèle en effet, dans ses prises de vues, le manque du pays qu’il ressent et le décrit textuellement dans les annotations de ses photographies. Dans une telle situation d’exil, « l’acte photographique devient un acte heureux, une célébration de cette plénitude, de cette présence du tout dans le détail et conjure à merveille l’angoisse du manque ou de l’absence38 ». Photographier serait donc un moyen de faire face à l’absence, celle d’un espace familier ou celle de proches disparus qui tentent encore de hanter l’image à travers des personnages et une histoire du lieu eux aussi disparus. Pour Alain Bergala, l’expérience singulière et subjective hante les images. Il en vient à proposer une théorie de l’image photographique comme surimpression d’une image mentale à l’image de la réalité : « une image absente hante l’image39. » L’image photographique est donc intimement liée à l’image mentale. Par ailleurs, Alain Mons explique que la pratique de la photographie dans la ville est particulièrement favorable à l’avènement d’une image mentale dans l’image photographiée, si bien que

pensant à une ville on pensera à un visage, prenant un corps on pensera à un lieu. Si la photo met en évidence la possibilité d’un dédoublement de l’image, elle met aussi l’accent sur une métamorphose curieuse de la cité où imaginaire, fantasme et réalité spatiale se métissent jusqu’à l’indistinction des figures, du réel et du rêve40.

28Peut-être la présence de silhouettes spectrales me permet-elle de me raccrocher à mon histoire.

29Ainsi l’image se situe-t-elle entre mon corps et le monde, dans le chiasme de la vision. Elle témoigne d’une circulation entre moi et le monde, entre mon histoire et celle des lieux traversés. Au sein de ce mouvement, des éléments se révèlent et apparaissent dans la transparence du diaphane. L’image est une mémoire de cette relation d’échanges entre le monde et moi. Ces relations construisent un réseau qui irrigue le corps de l’image. Ce dernier doit être touché et recouvert par le dessin, pour mieux dévoiler ses rouages. Il semble posséder une mémoire propre d’où les spectres surgissent et refont surface. Cependant, ceux-ci, évoquant une mémoire du lieu, ne sont que les reflets d’une mémoire personnelle qui émerge par échos, dans le trouble de l’image transparente instable. L’image est donc l’espace de cristallisations de révélations du passé dialoguant avec le présent. Les multiples espaces et les temps convoqués forment, alors, une trame complexe au sein du diaphane où se tissent les mémoires.

Bibliographie

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Notes

1  Leon Battista Alberti, De pictura, Paris, Allia, 2010.

2  Ibid., p. 45.

3  Pour Roland Barthes, la vitre et le paysage sont indissociables et le paysage naît de la présence de la vitre. Il dit à ce propos : « La Photographie appartient à cette classe d’objets feuilletés dont on ne peut séparer les deux feuillets sans les détruire : la vitre et le paysage. » Roland Barthes, La chambre claire, Notes sur la photographie, Paris, Gallimard/Seuil, 1980, p.17.

4  Le personnage se trouve à quai et observe un train passer, sa position est donc symétrique à celle du voyageur. Le passage mérite cependant d’être cité car le même rapport de la perception au mouvement est en jeu.

5  émile Zola, La Bête humaine, in Marc Desportes, Paysages en mouvement, Transports et perception de l’espace XVIIIe-XXe siècle, Paris, Gallimard, 2005, p. 148.

6  Florence de Mèredieu, Histoire matérielle et immatérielle de l’art moderne et contemporain, Paris, Larousse, 2008, p.140.

7  Il dut cependant renoncer à ce dispositif car il engageait des problèmes techniques complexes.

8  Aristote, De l’âme, Paris, Vrin, 1988.

9  Ibid., p. 107.

10  La pellicule et le papier photographiques contiennent une émulsion composée de particules de bromure d’argent qui noircissent lorsqu’elles sont exposées à la lumière (d’où la nécessité de passer par le négatif dans la photographie argentique pour retrouver la clarté de la lumière sur le papier).

11  Catherine Perret, Les porteurs d’ombre - Mimésis et modernité,Paris, Belin, 2001, p. 61.

12  Charles Sanders Peirce, Écrits sur le signe,Paris, Seuil, 1978.

13  Roland Barthes, dans La Chambre claire,développe cette caractéristique de la photographie : elle rend compte d’un « ça a été » dans le sens où ce qui est photographié a vraiment été là, devant l’objectif, p. 120.

14  Les silhouettes anciennes présentes dans mes photographies sont extraites de cartes postales de la collection du Musée d’Art et d’Histoire de la ville de Colombes, qui a été fouillée et écumée.

15  Véronique Mauron, Le signe incarné, ombres et reflets dans l’art contemporain, Paris, Hazan, 2001, p. 22.

16  Ibid., p.169.

17  Avant la découverte du calotype par Henry Fox Talbot en 1839-1840, Daguerre invente une technique de création d’images sur plaques de verre : le daguerréotype. Il s’agit d’« une plaque de cuivre soigneusement polie, puis recouverte d’une couche d’argent, plongée dans l’iode ; la sensibilité de l’iodure d’argent aux rayons de la lumière permettait, lorsque la chambre était placée dans la chambre obscure, la formation d’une image latente sur le métal. Les vapeurs de mercure, chauffé, révélaient et fixaient cette image, à la fois positive et négative. [...] [C’est ainsi que Jules Janin dans L’Artiste en 1839 qualifie le daguerréotype de] miroir qui garde toutes les empreintes », Dominique de Font-Réaulx, « Le Daguerréotype », in Françoise Heilbrun (dir.), La photographie au musée d’Orsay, Paris, Skira Flammarion, 2008, p. 16. Dès les années 1850, de nouvelles plaques au collodion humide furent utilisées.

18  Rosalind Krauss, Le Photographique, Paris, Macula, 1990, p.19.

19 Ibid., p.21.

20  Roland Barthes, op. cit., p.18.

21  Ibid., p.17.

22  « La production (la création productrice) servant au premier chef la construction humaine, nous devons tenter d’exploiter à des fins productrices les appareils (moyens) qui jusqu’alors n’avaient été utilisés qu’à des fins reproductrices », László Moholy-Nagy, Peinture Photographie Film et autre écrits sur la photographie, Paris, Jacqueline Chambon, 1993, p. 106.

23  Chez Vertov, les images sont choisies pour le sens qu’engendre leur collision (Eisenstein s’intéressera différemment à ce choc de la juxtaposition des images porteur de sens, notamment dans un but de propagande).

24  L’immersion peut être physique ou mentale. Par comparaison à l’immersion physique qui est un enfoncement corporel dans un médium extérieur, l’immersion mentale serait à penser comme une pénétration psychique dans un environnement ou une œuvre. Dans sa définition de l’immersion, Jean-Marie Schaeffer lie d’emblée les termes d’immersion et de fiction. La fiction serait à comprendre comme ce qui est construit par l’auteur, l’artiste, etc. L’auteur d’un livre par exemple établit un univers fictionnel. Ainsi l’immersion fictionnelle est l’immersion mentale dans l’univers créé. Schaeffer définit l’immersion fictionnelle comme se caractérisant par « une inversion des relations hiérarchiques entre perception (et plus généralement attention) intramondaine et activité imaginative », Jean-Marie Schaeffer, Pourquoi la fiction ?, Paris, Seuil, 1999, p. 180.

25  Alain Flajoliet, « La récession à la chair et les difficultés de constitution de l’ontologie », in Renaud Barbaras, Etienne Bimbenet et Marie Cariou (dir.), Merleau-Ponty aux frontières de l’invisible, Paris, Vrin, 2003, p.145.

26  Maurice Merleau-Ponty, Phénoménologie de la perception, in Marc Augé, Non-lieux, Introduction à une anthropologie de la surmodernité, Paris, Seuil, 1992, p. 103.

27  Jean-Luc Nancy, Le plaisir au dessin, Carte blanche à Jean-Luc Nancy, publié dans le cadre de l’exposition au Musée des Beaux-Arts de Lyon, Paris, Hazan, 2007, p.43.

28  Ibidem.

29  Ibid., p.13.

30  Antonio Saura, in Jean-Luc Nancy, op. cit., p.14.

31  La Bible, Trad. École Biblique de Jérusalem, Paris, Desclée de Brouwer, 1975, p. 92 : l’apparition de la figure divine se fait dans un buisson en feu, si bien que Moïse se cache le visage (Exode 3 versets 1 à 6).

32  Ibid., p.1907 (Actes 9 versets 1 à 9).

33  Sigmund Freud, L'interprétation du rêve, in Œuvres complètes, Tome IV, Paris, PUF, 2003.

34  Marc Augé, op. cit., p.109.

35  Les espaces urbains de banlieue s’apparentent aux « non-lieux » tels que les définit Marc Augé : « Si un lieu peut se définir comme identitaire, relationnel et historique, un espace qui ne peut se définir ni comme identitaire, ni comme relationnel, ni comme historique définira un non-lieu », Marc Augé, op. cit., p. 100. Sont considérés comme non-lieux : transports en commun, autoroutes, aéroports, ou supermarchés. Tous ces espaces sont des lieux de passage, de transit.

36  Walter Benjamin, « Petite histoire de la photographie », in Études photographiques, n°1, Société française de la photographie, Paris, novembre 1996, p. 20.

37  Durant l’année 1981, Raymond Depardon passe l’été à New York et se fixe l’objectif d'envoyer chaque jour une photographie accompagnée d’un court texte au journal Libération.

38  Alain Bergala, Les absences du photographe (avec Raymond Depardon, Correspondance New-Yorkaise), Libération, Paris, L’étoile, 1981, p.48.

39  Ibid., p.52.

40  Alain Mons, L’ombre de la ville, Essai sur la photographie contemporaine, Paris, Éditions de la Villette, 1994, p. 69.

Pour citer ce document

Par Anne Dietrich, «Apparitions diaphanes. À partir d’une série photographique», Shakespeare en devenir [En ligne], Shakespeare en devenir, N°7 — 2013, Varia, mis à jour le : 22/10/2013, URL : https://shakespeare.edel.univ-poitiers.fr:443/shakespeare/index.php?id=670.

Quelques mots à propos de :  Anne Dietrich

Agrégée en Arts Plastiques, Anne Dietrich est actuellement Doctorante contractuelle et monitrice en Arts Plastiques à l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne. Elle mène une thèse intitulée « Art-mnésique, Refaire surface » sous la direction de Miguel Egaña, à partir d’une pratique plastique mixte (dessins, installations mixed-media, photographies). Ses recherches questionnent l’organisation des strates de mémoire dans l’image. Par ailleurs, elle est titulaire d’un Master 2 d’Etudes Cinématographi ...