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De Falstfaff à F for Fake, de Shakespeare à Welles : les puissances du faux et la mort de l’auteur en question
Par Karine Chevalier
Publication en ligne le 17 février 2022
Résumé
Orson Welles has always been associated with Shakespeare, from early stage when acting to his cinematic adaptations. Falstaff is seen as his double. With his latest film, F for Fake (1975), the Shakespearian dialogue is not so obvious. The aim of this article is to analyse this dialogue within the dialectic between truth and fake, the original and the copy. Can we read in F for Fake a homage to Falstaff, to forgers and illusionists and finally a mirror for Welles? From F for Fake to F for Falstaff, this essay film is questioning the death of the author and the power of the false. It is an artistic will to play with the differentiation between men and myths, truths and lies.
Orson Welles a toujours été associé à Shakespeare, dès ses premiers pas sur scène jusqu’à ses adaptations cinématographiques. Le personnage de Falstaff est notamment appréhendé comme son double. Avec son dernier film F for Fake (1975), l’intertextualité shakespearienne semble moins évidente. Nous nous proposons pourtant d’analyser ce dialogue et la dialectique du vrai et du faux, de l’original et de la copie. Ne pourrait-on lire dans F for Fake un hommage à Falstaff, aux faussaires et autres illusionnistes, et finalement un miroir de Welles ? De F for Fake à F for Falstaff, ce film-essai questionne la mort de l’auteur et les puissances du faux. Ce testament artistique s’amuse de la différenciation entre les hommes et les mythes, les vérités et les mensonges.
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Table des matières
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De Falstfaff à F for Fake, de Shakespeare à Welles : les puissances du faux et la mort de l’auteur en question (version PDF) (application/pdf – 637k)
Texte intégral
1Beaucoup a été dit sur le lien entre William Shakespeare et Orson Welles (nul n’est besoin de rappeler la longue liste de rôles joués par Welles, ni les adaptations théâtrales ou filmiques). Cette admiration sans borne et affirmée dans ses écrits, ses entretiens, sa démarche artistique, retient autant l’aspect transgressif de la langue shakespearienne que l’univers théâtral de l’époque élisabéthaine. Mais si de Shakespeare à Welles les raccourcis sont vite établis, les nuances restent nécessaires entre ces deux monstres, l’un résumant le théâtre tout entier et l’autre le cinéma. Fidélité ou réinterprétation transgressive du texte ou de la mise en scène élisabéthaine, la voie reste ouverte aux différentes voix critiques qui ne cessent de nuancer leur dialogue. Peut-on d’ailleurs parler de dialogue alors que plus de deux siècles les séparent et que Welles a très tôt revendiqué une fidélité au texte avec une modernisation nécessaire au contexte1. « Je ne peux vivre longtemps sans me mêler à Shakespeare2 », affirme Welles, qui n’a eu de cesse de vouloir « expérimenter3 » « remodeler, reconstruire, bouleverser, créer une œuvre nouvelle4 ». Ce paradoxe entre conservatisme et innovation est au cœur de son art et de sa vie. Alors que ses contemporains ont pu préférer un jeu d’acteur et des décors plus naturalistes, hérités de la tradition théâtrale du XIXe siècle, le cinéma va lui offrir une plateforme pour continuer ses expérimentations. Si le texte shakespearien permet de transgresser les conventions sociopolitiques et cinématographiques, comme le montre Stephen Buhler dans Shakespeare in the Cinema: Ocular Proof5, Orson Welles semble dépasser son maître, ou du moins l’égaler par ses coups de maître, rendant plus grand que nature les personnages shakespeariens auxquels il s’identifie pour devenir lui-même un monstre sacré6.
2Cet acteur, metteur en scène, réalisateur, producteur, monteur, scénariste, animateur de radio, magicien sera l’exemple type de l’expérimentateur polymorphe au style si particulier. Acclamé par André Bazin, il sert d’exemple à la politique des auteurs. C’est donc moins Shakespeare qui compte selon ce point de vue, moins la qualité des films que la vision de Welles comme auteur. Un des traits de ce « style Welles », comme le définira François Truffaut, outre son « invention perpétuelle verbale et technique », sous-entend un « dialogue shakespearien avec le ciel (le regard passant au-dessus de la tête des comparses)7 » et le célèbre recours aux contre-plongées. Mais derrière ce trait stylistique qui élève les personnages se cache également la restriction des moyens financiers, afin de cacher dans le plan ce qui ne devrait s’y trouver : à chacun d’y déceler soit un trait de génie soit un hasard. Les critiques, non seulement outre-manche mais aussi en France, fusent contre Welles : Sartre, lorsque sort Citizen Kane (1941), l’accuse d’un cinéma passéiste ; il se voit refuser la Palme d’or à Cannes pour Falstaff (1965) ; les producteurs hollywoodiens le censurent ; on parle de la chute du génie après Citizen Kane, de décadence. Ne serait-il finalement qu’un imposteur ? Pour résumer cette bataille entre pro et anti-Welles, il suffit d’opposer les pro-auteurs tels qu’André Bazin et les critiques des Cahiers du Cinéma des années 1950 et 1960 (ou Andrew Sarris aux États Unis) et les anti-auteurs telle que Pauline Kael, avec ses essais intitulés Raising Kane8, qui attribue les mérites de Citizen Kane avant tout aux autres membres de l’équipe, dont le scénariste Herman Mankiewicz. Serait-il donc un usurpateur (comme certains anti-stratfordiens9 accusent Shakespeare), un faussaire ? C’est justement ce thème du mensonge et de la vérité qui animera le dernier film de Welles F for Fake (1973) et que nous nous proposons d’analyser. Comment remet-il en question la notion d’auteur, notamment dans la dialectique du vrai et du faux, de l’original et de la copie ? Alors qu’aucune référence à Shakespeare n’est mentionnée, nous nous demanderons si ce testament artistique entretient, en filigrane, un dialogue avec Shakespeare ou contre Shakespeare ? Doit-on parler d’un combat ou d’un même combat contre les forces du faux ? Depuis Falstaff (1965), un des films et des personnages préférés de Welles, comment a-t-il fait évoluer son cinéma et ne peut-on s’amuser à lire derrière F for Fake la présence de F for Falstaff ?
I. F for Fake : Welles sans Shakespeare entre mensonges et vérités
3F for Fake (ou Vérités et Mensonges en français10) est, à bien des égards, une œuvre unique dans la carrière de Welles. Classifié comme film-essai, faux-documentaire, œuvre postmoderne, tour de magie, chef d’œuvre de l’illusion, F for Fake n’a cessé de dérouter le spectateur et la critique11. Mise en abyme de faux et de faussaires en tout genre, ce « nouveau type de film12 », comme le désigne Welles lui-même, est construit comme un labyrinthe d’images au montage très rythmé. Illustrant merveilleusement bien le propos du film, une grande partie des scènes tournées appartenaient à l’origine à un documentaire pour la BBC de François Reichenbach sur le célèbre faussaire Elmyr de Hory (constituant plus ou moins les trente premières minutes du film). Alors que Welles n’avait été appelé au départ que pour faire le commentaire du film de Reichenbach, fasciné par le potentiel de ces images, il s’en empare. Se rajouteront ensuite des séquences sur le biographe d’Elmyr, Clifford Irving, qui, avec le plus grand des hasards et de manière scandaleuse, sera également accusé pendant la production du film d’avoir écrit et publié les fausses mémoires d’Howard Hughes. Alors que les histoires de ces faussaires s’entremêlent, offrant une merveilleuse matière à travailler pour Welles, il rajoutera des fragments de films tournés antérieurement, avec l’aide de sa compagne Oja Kodar : un peuso-documentaire sur le voyeurisme de rue, tourné à la manière du cinéma-vérité de Jean Rouch, une fiction sur la rencontre fictive entre Picasso et Oja comme modèle, des mise-en scène montrant Welles en magicien sur le quai d’une gare, dans un parc ou dans une salle de montage. Quoi de mieux pour faire un faux-documentaire sur de vrais faussaires, et ainsi questionner le rôle de l’auteur entre mensonges et vérités, mais également la forme même du film ? Peut-on faire référence au terme d’auteur alors que Welles a recours a tant de collaborateurs, comme le prouve la liste variable des intervenants au cours de l’historique de sa production et des nombreux changements au générique final, comme le rappelle Jonathan Rosenbaum dans Discovering Orson Welles13 : François Reichenbach ne sera plus coréalisateur, de même qu’Oja Kodar ne sera plus associée au scénario et, de manière étrange, Welles qui passa des heures à sa table de montage ne sera crédité ni pour cela, ni en tant qu’acteur, à croire qu’il a une forte volonté de brouiller les cartes comme le ferait un magicien, ou à garder le crédit du succès comme pourraient le penser d’autres, sans oublier l’ironie du premier titre trouvé pour ce film, Question mark, mais qui en dit long. Pour Rosenbaum, « clearly a “new kind of film” creates problems of definition and description for everyone, not merely critics14 » (cela ne fait également que renforcer les arguments de Pauline Kael).
4Outre la confusion générale, ce qui semble clair, et comme l’annonce Welles dès le début du film, et que confirmera le choix du titre final F for Fake, ce qui sous-tend l’ensemble, c’est un thème commun : « this is a film about trickery and fraud, about lies ». Le style du montage, quant à lui, libre des conventions hollywoodiennes qui appellent à la transparence, se fait très visible. Welles agence les fragments et coupe les séquences afin d’illustrer son propos de manière enjouée et de lier le fond à la forme. Pour instiller le doute chez le spectateur quant à la véracité des répliques, Welles n’hésite pas faire des plans alternés sur le silence d’Elmyr ou d’Irving, ou encore des arrêts sur images, sans oublier les petites phrases comme « then is it the real voice of Irving ? ». Avec ce découpage rapide, rien de prouve non plus que les réponses sont originellement celles données aux questions posées. Le montage ne serait-il qu’un jeu de supercherie ? Comme Welles s’amuse à le rappeler dans ce film, sa carrière elle-même est née de mensonges : une fausse carrière à Broadway à l’origine de ses débuts sur scène à Dublin, un traquenard radiophonique annonçant l’arrivée de Martiens qui fera paniquer l’Amérique et le propulsera au sommet de la gloire médiatique. Le troisième élément, et le plus important, c’est sa voix de raconteur, héritée de son passage au théâtre et à la radio ; cette instance narrative, dans laquelle dominent les sons, les mots, est justement à l’origine de la modernité cinématographique qu’apporte Welles au cinéma, selon la monumentale analyse de Youssef Ishaghpour dans Orson Welles cinéaste. Une caméra visible15. Ainsi, comme le conclut Jonathan Rosenbaum, nous ne pouvons que nous faire prendre et admirer « a playful repository of public history interwined with private in-jokes as well as duplicitous meanings16 ». Entre documentaire et documenteur, autobiographie et fiction, F for Fake se fait puzzle chaotique à première vue mais, agencé par une main de maître, un montage exceptionnel d’efficacité rythmique et narrative qui densifie la trame. Cet art de la narration et du montage, qui désacralise et se réapproprie les documents sources, n’est pas chose nouvelle et peut, dans une certaine mesure, se rapprocher de son dialogue avec Shakespeare.
5Ce qui caractérise les films shakespeariens de Welles (Macbeth, 1948 ; Othello,1951 ; Falstaff, 1965), c’est le morcellement du texte des pièces sources, le changement de l’ordre des scènes, des réparties des personnages, rappelant la liberté prise par Welles avec les différents films à l’œuvre dans F for Fake. Pour François Thomas, dans Orson Welles et le remodelage du texte shakespearien :
Welles soumet à la matière brute qu’est pour lui le texte du dramaturge à toutes sortes de manipulations à l’échelle aussi bien du vers ou de la réplique que de la structure de la scène ou de la pièce […] il se livre à une chirurgie de tous les instants17.
6Ce découpage a pour but la concision et la brièveté pour garantir le dynamisme. C’est surtout dans Falstaff que les coupes sont les plus franches et que la recomposition à partir de différents textes est la plus flagrante pour accentuer l’opposition des deux personnages principaux (Henry IV et Falstaff), des lieux qui leur sont associés (château et auberge) et des styles narratifs (poésie dramatique et prose). Ce contraste dialectique se retrouve dans le montage de F for Fake, qui s’amuse avec des plans alternés d’Elmyr et de Clifford dans des lieux différents, mais dont les répliques se répondent. Ce chevauchement narratif caractérise également Falstaff, accélérant les dialogues de ses répliques démembrées. Outre le faux dialogue entre Irving et Clifford, il ne faut pas oublier la voix de Welles, dans un troisième lieu, le montage s’amusant à nous faire croire qu’il souffle des mots à Elmyr. Ce style wellesien démontre une constance entre ses œuvres, mais pas forcément un respect envers le texte ou le matériel audio-visuel source. Pour François Thomas, pourtant, c’est avec Shakespeare qu’il a fait le moins de transformations (en comparaison, par exemple, aux nombreuses transformations de Joseph Conrad18) :
Outre l’immersion de toute une vie dans l’œuvre de Shakespeare, c’est la versification qui interdit au cinéaste d’opérer des altérations aussi radicales que celles auxquelles il est accoutumé. Les mots qu’il a conservés sont presque sacrés, mais leur ordre, leur attribution, voire leur sens ne le sont pas le moins du monde : Shakespeare propose, Welles dispose19.
7Welles conserve les images tournées, mais se fait le chef d’orchestre, le prestidigitateur qui rassemble ces fragments et leur fait dire autre chose. Refus de la pure adaptation, il garde avant tout ces mots, ces images, mais en séparant ainsi la chose de son référent, il questionne de matière critique le langage et l’efficacité de la communication, celle de faire croire à ce que l’on dit, montre, démontre. En étant infidèle à l’œuvre de Shakespeare, en est-il le fervent représentant ? C’est en étant fidèle à lui-même qu’il continue son travail d’auteur, questionnant le fond et la manière d’appréhender la vérité et ses mensonges.
8F for Fake révèle comment Welles réfléchit et se réfléchit : cette voix de raconteur, de monteur, de menteur, donne de l’ampleur à sa réflexion sur la question de l’art et des puissances du faux. Mais ce qui se joue avec ce film, c’est un désir justement de s’éloigner du matériel, d’en jouer comme un magicien joue avec la réalité, avec les objets autour de lui. Ce film qu’il voulait anti-wellesien garde avant tout l’ironie, le sens de l’expérimentation et du paradoxe. Il s’agit surtout de rendre des comptes aux critiques qui définissent la validité de l’art. Beaucoup de temps s’est passé depuis ces adaptations shakespeariennes et beaucoup de critiques ont cherché à démontrer sa chute. Doute-il de son travail ? F for Fake serait-il une réponse aux attaques de Kael ? « I started at the top and have been working my way down ever since », entendra-t-on dans son film. Lui qui s’amuse des critiques en justifiant sa propre chute, que cache-t-il derrière cette ironie ? Ce film se fait-il l’envers tragique du théâtre comique de ce qu’est Orson Welles, le monstrueux mythe Welles ? Ce nom a-t-il une importance ? F for Fake, pourtant rempli d’autoréférences aux précédents films de Welles à qui sait les voir20, révèlerait-t-il la modestie de l’homme Orson Welles ? S’amuse-t-il ainsi de l’idée même d’auteur qu’on lui attribue comme le laisse entendre cette citation du film ?
Our works in stone, in paint, in print, are spared, some of them, for a few decades or a millennium or two, but everything must finally fall in war, or wear away into the ultimate and universal ash – the triumphs, the frauds, the treasures and the fakes. A fact of life: we're going to die. « Be of good heart », cry the dead artists out of the living past. « Our songs will all be silenced, but what of it? Go on singing. » Maybe a man's name doesn't matter all that much.
9C’est un film tout en rature, instillant le doute quant à ce qu’on voit. Fausse modestie ou réflexion sur l’authenticité des œuvres, s’il n’évoque pas Shakespeare est-ce pour volontairement montrer que le débat ne tient pas dans l’auteur de l’œuvre mais dans l’acte même d’expérimenter, de dialoguer, de monter ou de mentir ? Et si c’était plus cette question qui rapprochait de nouveau Welles à Shakespeare ?
II. De Welles à Shakespeare : les puissances du faux
10Rapprocher Shakespeare et Welles, c’est s’interroger sur leur place d’auteur dans le contexte socio-historique qui les a fait émerger. Auteurs, ils le sont, dans le sens où ils ont créé un univers compact, dense, qui interroge la notion de vrai. Comme l’a montré Hélène Garello, le théâtre de Shakespeare, en écho à la pensée de Francis Bacon et à la suite de la crise sceptique humaniste, révèle une conception moderne de la vérité. Avec sa multiplicité de points de vue opposés, la scène comme » oxymore philosophique21 » ne permet pas de trancher entre ces différentes perspectives. En refusant l’universalisme de la pensée rationnelle, en assumant la représentation des apparences, en invitant à la défiance, à la distance, l’art a pour fonction de mettre en lumière ces illusions, ces masques, ces faux. « En réalité́, l'usage que Shakespeare et ses contemporains font du théâtre, comme instrument d'interrogation sur le vrai, n'est pas gratuit, mais provient d'une crise des savoirs traditionnels, et de la possibilité́ de dire le vrai, à laquelle ils tentent de répondre22 ». Crise de la Renaissance et crise de la modernité, ces deux moments charnières imposent le doute. Les répliques de Shakespeare servent à révéler les contradictions de la pensée, les paradoxes23, les intrigues secondaires, de même qu’Orson Welles, avec sa narration montagiste, s’amuse des contradictions spatiales, temporelles, rhétoriques, comme en témoigne le passage suivant :
Ladies and gentleman, by way of introduction, this is a film about trickery and fraud, about lies. Tell it by the fireside or in a marketplace or in a movie, almost any story is almost certainly some kind of lie. But not this time. No, this is a promise. During the next hour, everything you'll hear from us is really true and based on solid facts.
11Welles continue-t-il la célèbre métaphore théâtrale « all the world's a stage », qui était déjà au cœur de la réflexion shakesprienne ? Tout film est-il un théâtre, une illusion, un tour de magie qui plutôt qu’ordonner le réel en révèle l’instabilité ? Welles s’amuse certainement de cette aporie avec un faux documentaire sur de vrais faussaires, comme le découvrira le spectateur au fur et à mesure du film. Pour mieux ébranler toute certitude acquise, la fin du film sera, au contraire, une fiction sur un faux faussaire, comme le révèle Orson Welles au public :
At the very beginning, I – of all this, I did make you a promise. Remember? I did promise that for one hour, I'd tell you only the truth. That hour, ladies and gentlemen, is over. For the past 17 minutes, I've been lying my head off. The truth, and please forgive us for it, is that we've been forging an art story...
12Picasso aurait succombé au charme d’Oja, laquelle aurait exposé les vingt-deux tableaux issus de cette rencontre à Paris sans l’autorisation du peintre. Une fois sur les lieux, ce dernier, furibond, découvrira qu’il s’agit de faux Picasso qu’aurait peint le grand-père même d’Oja, faussaire hongrois et grand admirateur du Catalan. Seul le talent de conteur de Welles peut nous faire croire à une telle histoire. Cette fausse reconstitution, filmée avec un art hors du commun, est une superbe supercherie jouée par la vraie Oja et son père, avec un subtil jeu de montage, qui fait alterner les passages de la belle et les faux-regards reconstitués de Picasso, dont la figuration du désir augmente au rythme où la représentation des yeux du Catalan passent de la photographie à la peinture abstraite, et les plans alternent de la rue à la fenêtre de chez Picasso de manière frénétique. Même la colère, illustrée par des images de tempêtes prises dans les actualités, n’empêche en rien le spectateur de se laisser piéger par cette histoire, cadencée par les « it is true » qui rythment malicieusement la narration de Welles. Ce tour d’illusion d’un maestro sert le propos du film et comme Welles le rappelle en citant Picasso : « Art is a lie that makes us realize truth », c’est-à-dire, « The artist must know the manner whereby to convince others of the truthfulness of his lies ». Et même Picasso peut peindre de faux Picasso, comme il nous le dit dans le film. Là n’est pas la question. Le but de ces imbrications d’images, d’intrigues, de leurs métamorphoses, c’est d’ébranler les certitudes pour le plaisir du public. Ces mises en abyme baroques de masques, de costumes, de maquillages, de mots, d’images qui ont marqué la vie d’Orson Welles, rendent hommage aux puissances du faux dont le cinéma est un représentant, comme l’était la radio ou le théâtre. La nécessaire distanciation n’est pas toujours possible face au désir, au plaisir et à la puissance de l’illusion.
13Ce n’est pas anodin si Gilles Deleuze, dans son incontournable livre sur le cinéma L’Image-temps24, voit en ce film le représentant du régime cristallin propre à la modernité et à sa narration falsifiante (qu’il oppose au régime organique de la narration classique) : les enchaînements sont perturbés, les images-cristal rendent indiscernables le réel et l’imaginaire, le vrai du faux, l’objectif du subjectif, le limpide de l’opaque. La véracité de ce que l’on voit est faussée. Alors que l’acteur et le magicien sont d’un commun accord tacitement faussaires de l’illusion, le danger de l’image photographique est justement de se poser comme preuve du réel, d’où la nécessité pour Welles, à l’époque moderne des médias, d’ébranler cette certitude : c’est donc plus la forme que le réel lui-même qui est remise en question, d’où la réhabilitation de la figure du faussaire, métaphore du cinéma. L’image n’est pas objective, elle offre des « images-pensées » pour déstabiliser la projection du spectateur. Welles est ainsi le premier grand cinéaste falsificateur. Comme Shakespeare, il s’oppose à l’idéal de vérité, à l’importance du dénouement, pour privilégier la fragmentation du discours, de la digression, de la variété. Cette falsification se fait apparente, par la scène même du théâtre (et Welles aura toujours refusé l’approche naturaliste des adaptations pour privilégier la distanciation du théâtre élisabéthain). Si la manipulation est au cœur de la réflexion moderne du cinéma, c’est pour dénoncer l’illusion du vrai. Celle-ci, au temps de Shakespeare, se fait contre l’obscurantisme religieux et la chasse aux Catholiques par les Protestants. Avec Welles, se sera, entre autres, contre Hollywood, ce que confirme Youssef Ishaghpour. Le cinéma de Welles se trouve au centre d’une crise idéologique qui ayant placé l’individu au centre de l’univers va le faire disparaître, comme Hollywood tend à renier les auteurs. » Hollywood, nous dit Youssef Ishaghpour, aura porté à son paroxysme le pouvoir des images jusqu’à devenir le pouvoir du “faux”, le règne de l’apparence et de l’image au service du pouvoir, la toute-puissance de l’illusion25 ». C’est ainsi la puissance de Faust qui domine le monde moderne depuis la Renaissance :
Il ne reste que l’incertaine réalité, le consensus des experts, le simulacre informationnel, télévisuel, publicitaire, l’emprise absolue de la négation […] mais pas de référent, ni de texte originel […]. Il n’y a plus que l’apparence, apparence de rien : d’où la figure du prestidigitateur comme nouveau maître de la vérité26.
14Welles se fait le maître du faux, comme un certain Charles Foster Kane qu’il avait incarné, conscient de l'identité du cinéma comme œuvre et valeur marchande à la fois. Le premier tour de prestidigitation qu’effectue Welles sur le quai d’une gare est justement de transformer une clé en pièce de monnaie sous le regard émerveillé d’un enfant, la clé réapparaissant ensuite dans la poche de son blouson. Appel à la vigilance, à la distanciation, tout en préservant le regard enchanté de l’enfance devant l’illusion, le regard amusé devant le jeu des comédiens, voilà ce que pourrait être le cinéma de Welles et qu’était le théâtre de Shakespeare. Cet appel n’a pas changé, Welles le lançait déjà quand il avait vingt ans :
People should not be fooled. They should know they are in the theatre, and with that knowledge they may be taken to any height of which the magic words and light is capable of taking them. This is a return to the Elizabethan and the Greek theatre. To achieve that simplicity, that wholesomeness, to force the audience into giving the play the same creative attention that a mediaeval crowd gave a juggler on a box in a market, you have to enchant27.
15C’est donc moins l’objet, le mot, l’image, la toile que le regard qui l’anime qui fait la valeur d’une œuvre. Les puissances du faux ont le pouvoir de nous duper, mais aussi, si le regard sait voir et l’oreille entendre, de nous faire penser le réel. « L’apparaître théâtral n’est pas nécessairement opposé au réel, les diverses apparences peuvent au contraire converger vers une réalité plus fondamentale28 », selon Hélène Garello. Les faussaires ont l’art de fausser les regards critiques, et cet art du mensonge vaut de l’or, au sens propre et figuré. Cet art du faux a des fins transgressives, mais au-delà de l’aspect éthique, il a ce pouvoir de nous divertir. Que ce soit avec de fausses ou de vraies excuses présentées à Picasso, les derniers mots de Welles conservent cette puissance du faux mais concluent également sur l’importance du divertissement : « I offer my apologies and wish you all, true and false, a very pleasant good evening ». Plutôt que de pactiser avec Hollywood, et pour contrecarrer Faust, Orson Welles a toujours privilégié un autre personnage, celui qui reste authentique à lui-même, un personnage shakespearien auquel il s’est reconnu tout au long de sa carrière. Ne pourrait-on lire derrière F for Fake un autre titre ? Puisque F for Fake, titre certes évocateur, n’est pas pour autant le titre original29, et comme pour mieux continuer avec Welles cette mise en abyme de F, pourrait-on s’amuser à proposer un autre dialogue qui aurait pour titre F for Falstaff ?
III. De F for Fake à F for Falstaff
16De même que Welles rapproche des images et des pensées en les contrastant, le propre de la critique est de créer un dialogue entre des idées, entre des œuvres. En conservant la légèreté wellesienne, nous nous amuserons donc à faire dialoguer la figure de Falstaff avec Welles, l’interprétation wellesienne du personnage shakespearien avec l’univers de F for Fake. Si aucune référence n’est faite à ce personnage dans ce dernier film, n’oublions pas l’importance qu’il aura eu aux yeux de Welles dans sa carrière. Celui qui a dit « Falstaff c’est moi » voyait dans ce saltimbanque enfantin, joueur, voleur, buveur, mangeur, séducteur son double, comme l’affirme Youssef Ishaghpour. Selon lui, Falstaff symbolise « l’impouvoir artiste30 » contre la puissance corruptrice de l’argent. Ce personnage haut en couleur, à la limite du grotesque, autodestructeur, possède une multiplicité de facettes paradoxales. Après avoir connu la gloire associée au jeune Hal, futur Henry V, il sera rejeté. Cette déchéance n’est pas sans rappeler la carrière de Welles, passant de la gloire hollywoodienne au rejet critique et financier. Falstaff semble avoir déteint sur Welles : non seulement parce que Welles l’a maintes fois joué et mis en scène au théâtre et au cinéma, mais parce qu’il a également pris ses caractéristiques démesurées : grivois, glouton, jouisseur de paroles. Si Welles apparaît habillé de noir, il n’a rien perdu de sa gouaille, de son goût pour l’alcool et la bonne chair, de sa corpulence. Et c’est cet aspect qu’il s’amuse à mettre en scène, comme lors de la scène du restaurant : il arrose ses convives de vin, fait renvoyer sa langouste contre un steak au poivre, et ne manque pas de faire rire son public. La métaphore filée de la nourriture se tisse même pour évoquer son point de vue sur les faussaires. Le proverbe « you can’t make an omelette without breaking eggs » devient dans sa bouche: « first steal an egg ». Ce personnage n’a eu de cesse d’inspirer Welles, même si ce dernier lui a volé certaines caractéristiques sans pour autant le préciser clairement. Falstaff est « le meilleur rôle qu’ait écrit Shakespeare. C’est un personnage aussi grand que Don Quichotte. Si Shakespeare n’avait fait que cette magnifique création, cela lui suffirait pour être immortel31 ». Et Falstaff sera à bien égards, à ses yeux et aux yeux des critiques, son meilleur film. Comme F for Fake, il est construit à partir de fragments puisés dans différentes sources32, condensant cinq pièces de Shakespeare33, sans respect de l’ordre et de la logique interne au matériel d’origine. Il fait dialoguer des vers extraits de tros pièces différentes (technique reprise dans F for Fake, comme nous l’avons déjà mentionné antérieurement). Il inclut de courts passages d’un autre texte contemporain34, mais malgré l’hétérogénéité de départ, la couture se veut fluide dans le but de faire le portrait d’un personnage, et non d’adapter une pièce. F for Fake, en ce sens, peut se lire comme le portrait de Welles, figure centrale et principale qui fait le lien entre les fragments.
17La comparaison entre ces deux films peut encore se développer. Comme Falstaff improvise dans la taverne le rôle du roi Henry IV devant le prince puis, inversant les rôles, le fils joue le père et Falstaff son propre rôle, Welles joue à être Picasso (donnant la réplique à Oja), puis celle-ci joue Picasso et Welles, lui-même. Le parallèle est certes amusant pour ceux qui cherchent des effets de miroirs (et ce ne sont pas les miroirs et les mise en abyme qui manquent dans F as Fake). De même, Falstaff recrute pour la bataille de Shrewsbury les plus mauvais bougres, et Welles fait son film avec des usurpateurs pour sa bataille contre la marchandisation de l’art. Ces deux films ont été réalisés avec une économie de moyens remarquable. Ce sont justement les restrictions qui poussent à la créativité, malgré tout et surtout pas au prix de la liberté, prouvant que les défauts et le côté artisanal improvisé deviennent des qualités, que la copie peut avoir une valeur égale à l’original. Falstaff, qui n’était qu’un personnage secondaire chez Shakespeare, qu’une figure à réhabiliter, passe sur le devant de la scène. Risible, gros et grossier, il se révèle néanmoins philosophe et touchant. De même, Welles, déguisé en magicien en décalage avec le monde qui l’entoure (il est filmé dans une gare, dans un champ, dans un magasin), réussit son tour de passe. Par leurs jeux de mots, leur gestuelle, Falstaff et Welles ridiculisent les tenants du pouvoir politique, médiatique, critique. De même qu’il désacralise la sacro-sainte guerre en en montrant l’absurdité, filmant la bataille en accéléré, loin de toute tonalité épique, Welles se moque du documentaire journalistique, avec cette fausse enquête sur Elmyr le faussaire, recourant à un montage au rythme endiablé, pour mieux en rire faute de ne pouvoir en pleurer. On peut rire de leur monstrueuse silhouette, en comparaison aux silhouettes filiformes d’Hal ou d’Oja, mais on peut aussi être touché par leur force de persuasion. Certes, ces fous du roi, ces faussaires, ces charlatans, peuvent être accusés d’immoralité, mais ce n’est rien en comparaison des autres figures du pouvoir (de Kane à Henry IV). Falstaff, plus qu’un personnage, est un symbole, comme Welles l’explique lors du célèbre entretien télévisé pour la BBC en 1989 :
Falstaff is, I think, really Merrie England. I think Shakespeare was greatly preoccupied, as I am in my humble way, with the loss of innocence, a, and I think there has always been in England and older England which was sweeter and purer, you feel a nostalgia for it in Chaucer, and you feel it all through Shakespeare, and I think that he was profoundly against the modern age, as I am; I am against my modern age and he was against his35.
18La disparition de Falstaff, c’est la fin de l’innocence (c’est ce regard qu’a voulu filmer Welles) et il persistera jusqu’à la fin de la carrière de Welles comme le confie le réalisateur dans un entretien pour les Cahiers du cinéma : « C’est un homme qui représente une vertu en train de disparaître, il mène un combat perdu d’avance. […]. Il est la bonté. C’est le personnage dans lequel je crois le plus, l’homme le plus entièrement bon de tous les drames. Ses défauts sont minimes et il en tire les plaisanteries les plus énormes36... ». Sa mort ne sera qu’évoquée (et non montrée visuellement)37, de même que celle d’Elmyr (son corps disparaissant comme par enchantement sous le pouvoir du magicien Welles), comme pour mieux préserver leur poésie, cet « enchantement » nécessaire comme l’affirme Welles aux Cahiers :
Le danger au cinéma, c’est que vous voyez tout, tout est là. Ce qu’il faut faire, c’est arriver à évoquer, à faire affleurer des choses qui en fait ne sont pas visibles, à opérer un enchantement. Je ne sais pas si j’y suis parvenu dans Falstaff. Je l’espère. Si oui, j’ai atteint ma maturité d’artiste. Sinon, je suis en décadence, croyez-moi38.
19Welles éprouvera le besoin de continuer à faire des films, de trouver d’autres formes pour continuer cette lutte de Falstaff contre les puissances du faux, contre Faust, cet autre magicien qui recherche le pouvoir et la domination. C’est par le jeu et non le je que l’œuvre doit s’accomplir. Un acteur joue, de même qu’un magicien, qu’un spectateur ou qu’un réalisateur. Il n’est que le passeur, et seuls ses gestes, ses œuvres, mêmes anonymes, peuvent enchanter afin de laisser une trace pour le futur. Mais les temps ont changé, l’argent domine, et l’illusion se fait plus trompeuse. De manière beaucoup plus modeste, même si nous parlons d’un Welles à la réputation démesurée, ne va-t-il pas chercher dans F for Fake à faire renaître de ses cendres Falstaff, à réparer la réputation d’Elmyr, comme miroir de notre monde décadent ? De F for Falstaff à F for Fake, ce miroir se fait joueur, créateur, même s’il revêt des habits plus sombres, du drame historique au film-essai, forme plus appropriée à la modernité, car selon Adorno : « L’essai est l’expérience ouverte de l’absence de certitude39 ». Ce testament artistique ne pouvait peut-être ainsi prendre qu’une seule forme, celle du film-essai.
Conclusion
20Nous avons cherché à montrer (sans prétendre démontrer qu’il était dans l’intention de Welles de l’inclure dans son film) que Shakespeare et son univers sont présents en filigrane, participant de l’évolution de la réflexion wellesienne sur les puissances du faux, et de la valeur de l’art entre mensonges et vérités. Welles est avant tout un homme de son temps, tiraillé entre un héritage et la modernité des moyens de communication. Comme le résume très bien Jean Collet, dans « Orson Welles, un cinéaste dans le labyrinthe de l’Occident » :
Welles cinéaste est d’abord un enfant du théâtre et de la radio ; écartelé entre Shakespeare et les « news », les valeurs de la renaissance et l’avènement des mass-média, la vieille Europe de Montaigne (les Essais furent, sa vie durant, son livre de chevet) et l’Amérique de Barnum. C’est au creux de cette déchirure que s’enracine le cinéma de Welles. Avec la question lancinante : comment être un grand cinéaste populaire, un faiseur de spectacles et un acteur, un peintre, un conteur, un poète ? On sait que l’œuvre de Welles s’est nourrie de cette contradiction ; elle en est morte aussi. Hollywood, après avoir offert une voie royale au petit génie, lui a peu à peu fermé ses portes40.
21À l’approche de sa mort, Welles s’est-il plus rapproché de Montaigne qui, dans ses Essais, prend le doute et la subjectivité comme point de départ de toute pensée, et replace l’individu au centre de son jugement critique ? Welles, à bien des égards, pense et fait penser la modernité. En dissociant réalité de l’image et image de la réalité, alors que le cinéma classique les conserve dans une unité illusoire, il introduit la réflexivité et la modernité au cinéma comme représentation d’un réel qui nous échappe. La caméra se fait visible, le montage repérable, les images abymes sans fond, les références aussi. De ses années nomades41, restent des œuvres fragmentées, inachevées, des essais. Derrière Welles le performeur se dessine Welles le penseur. Derrière Welles le mégalomane se cache Welles l’homme à démasquer : » Parce que j’aime me cacher. C’est un camouflage. Je n’aime pas me voir à l’écran. Quand je dirige un film, je dois voir les rushes : aussi, plus je suis maquillé, moins je me reconnais et plus je garde un jugement objectif. Je me cache de ma propre image que je n’ai aucun plaisir à voir42 ». L’auteur, le mythe qu’il a pu être aux yeux des critiques et du public, est une construction de signes culturels, idéologiques, comme l’entendait Roland Barthes dans « La mort de l’auteur43 ». Welles l’homme le sait bien, lui qui a toujours été un amateur (de magie, de théâtre, de tauromachie, de film) qui n’a appris qu’en faisant. Comme le confiait Welles à André Bazin : « Je ne suis pas en extase devant l’art. C’est l’acte qui m’intéresse, non pas le résultat, et je ne suis pris par le résultat que lorsqu’en émane l’odeur de la sueur humaine, ou une pensée44». Et c’est peut-être aussi cela qui fascine chez Shakespeare. Que son œuvre continue d’inspirer, voilà l’essentiel, et peu importe si l’auteur de Stratford, comme certains veulent le prétendre45, n’était qu’un faussaire, un prête-nom.
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Notes
1 Voir notamment Orson Welles et Roger Hill, Everybody’s Shakespeare: Three Plays Edited for Reading and Arranged for Staging, Woodstock, Todd Press, 1934.
2 Citation extraite de l’émission radiophonique de France culture Les chemins de la philosophie : « philosopher avec Orson Welles », épisode 3 » Il faut filmer Shakespeare », du 6 aout 2017. URL.
3 « I am always looking for synthesis. It’s work that fascinates me because I have to be sincere to what I am, and merely an experimenter. My sole value in my eyes is that I don’t dictate laws but am an experimenter. Experimenting is the only thing I’m enthusiastic about. I’m not interested in art works, you know, in posterity, or fame, only in the pleasure of experimentation itself », disait-il à André Bazin en 1958, citation prise dans Mark Estrin (ed.), Orson Welles: Interviews, Jackson, University Press of Mississippi, 2002, p. 12.
4 François Thomas, « Orson Welles et le remodelage du texte shakespearien », Actes des congrès de la Société française Shakespeare, 16 | 1998, p. 171-182.
5 L’adaptation cinématographique des œuvres de Shakespeare est d’ailleurs l’objet d’une compétition entre metteurs en scène (tels que Welles, Laurence Olivier et Kenneth Branagh), comme le montre Stephen Buhler dans Shakespeare in the Cinema: Ocular Proof, New York, State University of New York Press, 2001.
6 Voir Peter Conrad pour son aspect mégalomane dans Orson Welles and the Stories of His Life, London, Faber 2003.
7 Voir Cahiers du cinéma n°48, citation prise d’Antoine de Baecque, Histoire d'une revue, tome 1 : à l'assaut du cinéma (1951-1959), Paris, Cahiers du cinéma, 1991, p. 151.
8 Pauline Kael, Raising Kane I, The New Yorker, 20 février, 1971; Raising Kane II, The New Yorker, 27 février, 1971.
9 Voir Paul Prescott, « Shakespeare in Popular Culture », in Margreta Grazia and Stanley Wells (eds), The New Cambridge Companion to Shakespeare, Cambridge, Cambridge University Press, 2010, p. 269-284.
10 Nous utiliserons les titres anglais plus parlant pour notre propos.
11 À l’exemple du critique américain Jonathan Rosenbaum, fervent admirateur de Welles, qui témoigne de ses doutes et de ses premières impressions négatives, voir le chapitre « First Impressions of F FOR FAKE », p. 51-53, Discovering Orson Welles, Los Angeles, University of California Press, 2007.
12 « A documentary? », « No, not a documentary – a new find of film he replied », propos rapportés par Rosenbaum, ibid, p. 289.
13 Id.
14 Ibid., p. 290.
15 La monographie de cet essayiste franco-iranien en trois volumes est perçue, jusqu’à ce jour, comme l’ouvrage majeur consacré à Welles.
16 Jonathan Rosenbaum, op. cit., p. 293.
17 François Thomas, op. cit., p. 172.
18 Voir à ce sujet, Matthew Asprey Gear, « At Sea, In Port, Up the River: Orson Welles’s Conrad Adaptations », Bright Lights Film Journal, December 27, 2019. URL.
19 François Thomas, op. cit., p. 181.
20 Comme le suggère Jonathan Rosenbaum, op. cit., p. 295, ces références confirment l’idée d’un testament artistique.
21 Hélène Garello, « Paradigme théâtral et pensée philosophique : Shakespeare aux origines de la modernité anglaise », XVII-XVIII [En ligne], 73 | 2016, mis en ligne le 31 décembre 2016, consulté le 19 septembre 2020
22 Hélène Garello, « Le théâtre de la vérité chez Shakespeare », Université Panthéon-Sorbonne, thèse de philosophie, 2018, p. 21.
23 Dans Shakespeare and the culture of paradox, Cornwall, MPG Books, 2009, Peter G. Platt insiste ainsi sur l'importance du recours au paradoxe.
24 Voir Gilles Deleuze, Cinéma 2 : L'image-temps, Paris, Éditions de Minuit, 1985.
25 Youssef Ishaghpour, op. cit., tome I, p. 402.
26 Youssef Ishaghpour, op. cit., tome III, p. 744.
27 Selon Welles lors d’un entretien avec John K. Hutchens (The New York Post, 24 November 1937), cité dans Clara Fernández-Vara, « Orson Welle’s Intermedial Versions of Shakespeare in Theatre, radio and film », Thesis submitted to the Department of Comparative Media Studies in partial fulfilment of the requirements for the degree of « Master of Science in Comparative Media Studies at the Massachusetts Institute of Technology », September 2004.
28 Hélène Garello, « Paradigme théâtral et pensée philosophique : Shakespeare aux origines de la modernité anglaise », XVII-XVIII, 73 | 2016, p. 227-242, p. 239.
29 Voir notamment la longue liste des titres potentiels choisis : Hoax? FAKE? Questions about Fakes, Truth and Lies, URL.
30 Youssef Ishaghpour, op. cit., tome II. p. 13.
31 Alain Bergala et Jean Narboni (dir.), Orson Welles, Paris, Les Éditions de l'étoile, Cahiers du Cinéma, 1986, p. 44.
33 Dans cinq pièces historiques de William Shakespeare, Henry IV, Première partie, Henry IV, Deuxième partie, Henry V, Richard III, et dans une comédie, Les Joyeuses commères de Windsor.
34 Les Chronicles de Raphael Holinshed.
35 Citation d’Orson Welles, entretien de Leslie Megahey, With Orson Welles, Story of a life in film, BBC TV Prod., 1989, diff. 1990.
36 Alain Bergala et Jean Narboni (dir.), op. cit., p. 49.
37 Contrairement au choix de Laurence Olivier dans Henry V (1944).
38 Alain Bergala et Jean Narboni (dir.), op. cit., p. 50.
39 Theodor W. Adorno, « L'essai comme forme », in Notes sur la littérature, trad. de l'allemand par S. Muller, Paris, Flammarion, 1984, p. 5-29, p. 8.
40 Jean Collet, « Cinéma. Orson Welles, un cinéaste dans le labyrinthe de l’Occident », Études, 2002/2 (Tome 396), p. 251-256.
41 Comme le définit Youssef Ishaghpour dans le troisième volume de son étude, Les films de la période nomade.
42 Alain Bergala et Jean Narboni, op. cit., p. 56.
43 Roland Barthes, « La mort de l'auteur », in Dans Le bruissement de la langue. Essais critiques IV, Paris, Seuil, p. 63-69.
44 Cité dans Yousself Ishaghpour, op. cit., Tome II, p. 434.
45 Les très controversés anti-stratfordiens basent notamment leurs théories sur le manque de preuves de l’éducation qu’aurait pu recevoir le jeune Shakespeare, malgré les nombreuses références littéraires de ses textes, ce qui prouverait ainsi qu’il ne s’agissait que d’un prête-nom pour protéger le ou les véritables auteurs. Ces controverses entre vérités et mensonges, qui alimentent le débat sur le génie dudit Shakespeare, ne peuvent pas déplaire à Orson Welles, lui-même objet de polémiques similaires.
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