Roméo et Juliette à l’opéra en France au XIXe siècle : Gounod vs Marquis d’Ivry

Par Laurence Le Diagon-Jacquin
Publication en ligne le 19 février 2022

Résumé

The opera, Les Amants de Vérone (Verona’s Lovers) composed by Paul de Richard, Marquis d’Ivry (1829-1903), an artist from Beaune who wrote the lyrics and the music, is a lyrical drama in five acts and six tableaux « imitated from Shakspeare [sic] » and of which two versions exist, one in four acts and the other, with an additional fifth act. The first performance took place in the Théâtre Ventadour, Paris, in October 12th 1878. A printed version dates from March 1st, 1867, a little time before Gounod proposed his own version of Romeo and Juliet in the homonymous opera that was first presented in the Théâtre lyrique, Paris, in April 27th 1867. The aim of this article is to draw a parallel between these two contemporary versions so as to understand the way in which they were both fertilized by Shakespeare’s play and how they both revisited the Romantic period.

L’opéra en 5 actes Les Amants de Vérone, composé sur des paroles et une musique de l’artiste beaunois Paul Marquis de Richard d’Ivry (1829-1903), est un drame lyrique en cinq actes et six tableaux « imité de Shakspeare [sic] » dont il existe deux versions : l’une en quatre actes, l’autre, augmentée, en cinq. La première représentation a lieu à Paris le 12 octobre 1878, au Théâtre Ventadour. Une version imprimée date du 1er mars 1867, peu de temps avant que Gounod ne propose sa version de Roméo et Juliette dans un opéra homonyme dont la première a lieu au Théâtre lyrique à Paris le 27 avril 1867. L’objet de cet article est de mettre en parallèle ces deux œuvres contemporaines afin de comprendre comment elles ont toutes deux été fécondées par l’œuvre shakespearienne et comment elles la revisitent à l’époque romantique.

Mots-Clés

Texte intégral

Il avançait son travail et la moitié de l’ouvrage était déjà sur pied, lorsque le compositeur se trouvant à Rouen vers la fin de 1864, apprit de Liszt que M. Gounod était précisément en train de traiter le même sujet. Douloureusement surpris à cette nouvelle, il se remit pourtant à la besogne, mais sans se dissimuler l’obstacle qu’allait créer à l’expression de son œuvre une concurrence aussi redoutable1.

1Voici comment Arthur Pougin résume la déconvenue du Marquis d’Ivry, musicien et compositeur beaunois, au sujet de l’opéra Les Amants de Vérone qu’il était en train de composer. Ce drame lyrique en cinq actes et six tableaux « imité de Shakspeare [sic] » existe en plusieurs versions : la première en quatre actes et la seconde, augmentée, en cinq. La première représentation a lieu à Paris le 12 octobre 1878, au Théâtre Ventadour. Une version imprimée date du 1er mars 1867, donc peu de temps avant que Gounod ne propose sa version de Roméo et Juliette dans un opéra homonyme dont la première a lieu au Théâtre lyrique à Paris le 27 avril 1867. Aujourd’hui, nous nous servons de trois sources publiées : une « partition piano solo » dont la réduction est due à A. Hignard, professeur du Marquis d’Ivry ; une partition pour piano et chant gravée chez G. Flaxand (Paris) sous le pseudonyme de Richard Yrvid, Les Amants de Vérone, opéra en 4 actes et 6 tableaux, imité de Shakespeare, paroles et musique. Cette partition se trouve au château de Corabœuf. Elle contient une dédicace manuscrite à la femme du compositeur : « À ma chère Camille, cet ouvrage écrit en pensant à elle » avec la signature « M. d’Ivry » ; la deuxième version augmentée, réduite pour chant et piano, appartient à un particulier. Cette partition reliée (28 x 19 cm) pour piano a été publiée à Paris, chez Léon Langlois Éditeur, 48 rue Neuve des Petits Champs. Dans le catalogue de la bibliothèque municipale de Beaune qui en détient également un exemplaire, il est mentionné qu’elle doit dater de « ca. 1870 », d’après Devriès et Lesure et la date de la première représentation. La gravure a été effectuée par Rodier2. Il existe également une version pour piano et chant en italien publiée par l’éditeur parisien Léon Langlois situé au 48 rue Neuve des Petits Champs, Gli Amanti di Verona, dramma lirico in 5 atti e 6 quadri, imitato da Shakespeare, poesia francese e musica del marchese d’Ivry, traduzione italiana di Achille de Lauzières (gr. In-8, III-342 p.)

2L’opéra de Gounod est, lui, évidemment, beaucoup plus étudié même si déterminer une version définitive officielle est encore aujourd’hui impossible3. C’est après l’échec de Mireille et quelques essais infructueux que le compositeur se concentre sur la mise en musique d’un livret écrit par Barbier et Carré d’après Shakespeare. Pour travailler en toute sérénité, il opte pour un séjour en Provence en avril 1865, à Saint Raphaël, d’où il écrit régulièrement à son épouse. Leurs échanges épistolaires restent une source précieuse pour comprendre la genèse et la composition de Roméo et Juliette.

3L’objet de cet article est de mettre en parallèle ces deux œuvres contemporaines afin de comprendre comment l’œuvre de Shakespeare a fécondé ces deux opéras. L’appropriation de l’œuvre shakespearienne à l’époque romantique est en effet étudiée principalement grâce aux sources du château de Corabœuf ainsi que d’autres sources privées, les sources de l’opéra de Gounod étant elles, déjà largement analysées. Nous passerons donc plus rapidement sur les détails de cette œuvre bien connue dans l’ensemble.

I. Un point de départ commun : la pièce de Shakespeare

4Le livret est particulièrement soigné et en rapport avec l’œuvre shakespearienne chez Gounod comme le souligne Steven Huebner :

Il n’est […] pas étonnant que le livret de Barbier et Carré suive étroitement la pièce, qu’il s’en inspire jusque dans ses expressions individuelles : la plupart des scènes qui, dans le livret, établissent un parallèle direct avec la tragédie, contiennent de nombreuses métaphores qui en sont directement tirées (ce qui éloigne énormément leur œuvre de son ancêtre le plus éminent du XIXe siècle, I Capuleti ed i Montocchi de Bellini [1830] qui n’est que vaguement apparenté à Shakespeare)4.

5Effectivement, si certains épisodes sont évidemment omis au profit d’une dramaturgie plus opératique que proprement théâtrale, la langue utilisée prend ses racines dans l’œuvre originelle shakespearienne et ce, même s’il n’est pas évident de savoir sur quelle traduction les librettistes Barbier et Carré se sont appuyés : celle de Benjamin Laroche (1839-1840), celle de Francisque Michel (1855) ou bien celle de François-Victor Hugo (1860) ? Cependant, tous les musicologues n’adhèrent pas à cette analyse si l’on en croit celle de Joël-Marie Fauquet pour lequel ressort un côté hétérogène affirmé et un manque de consistance en matière de psychologie des protagonistes :

Disparate ce livret, parce que ces morceaux arrachés à Shakespeare sont cousus avec la ficelle de la rhétorique théâtrale de l’époque : le premier acte en fournit d’abondants exemples, tels que ce « Nargue des censeurs qui grondent » sur lequel insistent vaillamment les chœurs. Le resserrement de l’action qui est aussi réduction de l’espace, amoindrit sensiblement la caractérisation des rôles. Roméo et Juliette occupent le devant de la scène, de la fin du premier acte à la fin du cinquième et de Juliette seule la musique dégage un portrait psychologique un peu consistant5.

6Steven Huebner récuse cette vision en soulignant la richesse tant littéraire que musicale émanent de cette œuvre romantique :

Contrairement au livret qu’ils ont écrit pour Faust et pour Hamlet d’Ambroise Thomas, Barbier et Carré ne laissent, dans le cas de Roméo et Juliette, aucune adaptation populaire s’interposer entre le chef-d’œuvre littéraire et l’opéra. La pièce est elle-même particulièrement riche en numéros lyriques, pour emprunter un terme spécifique à l’opéra, notamment le récit burlesque de la reine Mab dans la bouche de Mercutio, les sermons de friar Lawrence (frère Laurent), le soliloque de Juliette avec la fiole, le sonnet des deux amants lors de leur première rencontre, puis leur poème de l’aube sur le rossignol et l’alouette. Le prologue de Shakespeare propose une expérience lyrique intéressante pour rehausser le prélude instrumental traditionnel : un résumé de l’intrigue par tous les principaux rôles, avant le véritable début de l’action. Gounod et ses librettistes ont dû comprendre d’emblée que ce passage et quelques autres se prêtaient particulièrement bien à des numéros musicaux6.

7Il est vrai que l’opéra de Gounod met en scène les amants éponymes à quatre reprises pour présenter autant de duos inspirés et romantiques, tous inspirés directement de l’œuvre shakespearienne :

Acte I, N°4 : « Madrigal à deux voix », acte I, scène 5 de la pièce de Shakespeare
Acte II, N° 9 : « Duo », acte II, scène 2 de la pièce de Shakespeare
Acte IV, N° 14 : « Duo », acte III, scène 5 de la pièce de Shakespeare
Acte V, N° 19 : « Scène et duo », acte V, scène 3 de la pièce de Shakespeare.

8L’ensemble de ces quatre duos et de ces quatre scènes mériterait une étude approfondie, d’autant que Gounod lui-même semblait fort satisfait, en particulier de celui de l’acte IV comme il l’écrit à sa femme :

Enfin, je le tiens, cet endiablé duo du quatrième acte ! Ah ! Que je voudrais savoir si c’est bien lui ! Il me semble que c’est lui. Je les vois bien tous deux, je les entends ; mais les ai-je bien vus, entendus, ces deux amants ? S’ils pouvaient me le dire eux-mêmes et me faire signe que OUI ! Je le lis, ce duo, je le relis, je l’écoute avec toute mon attention ; je tâche de le trouver mauvais ; j’ai une frayeur de le trouver bon et de me tromper ! Et pourtant il m’a brûlé, il me brûle, il est d’une naissance sincère. Enfin, j’y crois. Voix, orchestre, tout y joue son rôle ; les violons se passionnent ; les enlacements de Juliette, l’anxiété de Roméo, ses étreintes enivrées, des accents soudains de quatre ou huit mesures au milieu de toute cette lutte entre l’amour et la prudence, il me semble que tout cela s’y trouve7.

9L’œuvre du Marquis d’Ivry est également bien influencée par l’œuvre shakespearienne comme l’attestent les sources étudiées par Sonia Dollinger :

Souhaitant se lancer dans une œuvre de grande envergure, Paul d’Ivry décide de rendre hommage à William Shakespeare. Admirateur du maître anglais, sans doute inspiré par Aristide Hignard, le marquis choisit de composer sur le thème de Roméo et Juliette. Ce sujet a été traité auparavant entre autres par Hector Berlioz, mais Shakespeare est toujours à la mode en cette période postromantique.
Comme Berlioz avant lui, Richard d’Ivry écrit à la fois le livret et la musique de son opéra, ainsi qu’il en avait pris l’habitude dans ses œuvres précédentes. Voulant rester proche du texte original, il étudie la langue et la littérature anglaises, se rend en Angleterre sur les traces de Shakespeare et à Vérone sur celles des célèbres Amants. Dans la première version, le Roméo et Juliette de Paul d’Ivry compte quatre actes et, de l’aveu des critiques, est de loin l’un des plus fidèles à l’esprit de l’œuvre de Shakespeare8.

10L’intrigue suit donc de près l’œuvre de Shakespeare dans les deux ouvrages lyriques et des similitudes peuvent être relevées dans leur déroulement de même que dans leur mise en scène.

Acte I

11L’ouvrage du Marquis d’Ivry s’ouvre sur « Une salle de bal dans le palais Capulet. On danse au lever du rideau ». Les Capulets organisent en effet un bal masqué. Juliette, âgée de 15 ans, apparaît très élégamment vêtue, « parée exprès pour gagner tous les cœurs ». Pâris, son cousin, a demandé sa main. Arrivent ensuite Roméo et ses amis à la fête. Roméo est morose, et ses amis le questionnent sur son « air fatal ». Il répond en expliquant qu’il regrette de les avoir accompagnés car : « Jamais un Montaigu, depuis cent ans de guerre, / N’entra chez Capulet que le fer à la main. » On lui répond d’oublier cette histoire et d’oublier également Rosaline, la femme dont il est épris et qui ne lui rend pas son amour. Il précise qu’il a fait un songe qui le « remplit d’effroi », sans en dire plus, mais qu’il accepte son destin. Ses amis le laissent à sa mélancolie et vont danser.

12La notion de fatalité se retrouve également dans l’œuvre de Gounod, dès le début, dans « l’Ouverture-Prologue » :

[…] la forme tripartite [est] construite sur une courbe dynamique décroissante […]. Les vers liminaires de Shakespeare dégagent uniquement le caractère de fatalité qui marque la passion des deux êtres appartenant chacun à deux familles ennemies, les Capulets et les Montaigus. C’est moins, comme chez Berlioz, l’évocation des combats résultant de cet irréductible antagonisme qui s’impose d’emblée à Gounod que la fatalité qui va peser sur le sort de Roméo et Juliette9.

13Là aussi apparaît Juliette, au bras de son père après l’intervention de Tybalt à Mercutio, le fiancé de la belle, vantant ses mérites. Mercutio, lui, chante la légèreté de la Reine Mab, reine des mensonges et le bal commence. Laissée seule un moment par sa nourrice Gertrude, la jeune Capulet rencontre par hasard le beau Roméo masqué. Le coup de foudre fonctionne de manière réciproque. Même phénomène dans l’œuvre du Marquis d’Ivry où les deux protagonistes sont désemparés en apprenant l’identité de la personne chère à leur cœur. Chez Gounod, les tourtereaux sont interrompus par l’arrivée de Tybalt qui pense avoir reconnu la voix de Roméo et souhaite occire l’ennemi. Heureusement, le père de Juliette lui rappelle les lois de l’hospitalité qui empêchent de tels agissements.

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Décor de l’acte I des Amants de Vérone, M. Poisson

Crédits : BNF, Gallica

Acte II

14Dans Les Amants de Vérone, le décor nocturne est éminemment romantique comme le précisent les didascalies. La scène se passe dans : « Les jardins du palais Capulet. À gauche, la chambre de Juliette avec une fenêtre donnant sur le balcon assez élevé. À droite, les jardins. Dans le fond, Vérone éclairé par la lune10 ». L’amour est exalté par le chœur avant que Roméo ne surgisse dans le numéro suivant (n 7 : Air du balcon). Il énonce clairement son amour pour Juliette et justifie ainsi sa présence chez les Capulet. Juliette apparaît ensuite. Elle aussi est amoureuse, mais évoque d’emblée un « amour fatal11 ». Pourtant, « c’est lui l’époux que j’ai rêvé12 », s’avoue-t-elle, regrettant qu’il soit Montaigu. Ce dernier abjure son nom contre la certitude de devenir son amant. Elle craint pour sa vie et lui demande de partir. Ils s’avouent finalement leur amour et la jeune fille lui donne rendez-vous au sanctuaire de Lorenzo.

15Dans l’œuvre de Gounod, Roméo est aidé par Stephano, son page, qui lui tient une échelle tandis que Juliette sort et entame ce qu’elle croit être un monologue, en avouant son amour pour Roméo. Ce dernier se montre alors et les deux amoureux échangent des promesses amoureuses. Ils sont interrompus par Gregorio et d’autres serviteurs, qui, persuadés d’avoir vu un homme s’enfuir (Stephano), pensent qu’il reste encore au moins un intrus. Ils fouillent le jardin. En vain. La nourrice appelle Juliette qui laisse momentanément Roméo avant de lui revenir pour l’embrasser et tous deux chantent un magnifique duo d’adieu.

16L’acte ne se termine pas au même endroit de la praxis dans l’œuvre du Marquis d’Ivry. En effet, Lorenzo, le pieux franciscain entame un air qui exalte la nature. Il cueille différentes fleurs. Lors de la scène suivante, il rencontre Roméo qui lui annonce ne plus aimer Rosaline mais Juliette. Surpris, le moine s’interroge au départ sur le caractère changeant de Roméo, puis, lorsque la jeune Capulet apparaît, consent à leur union, tout en les mettant en garde contre le sort « changeant ».

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Décor de l’acte II des Amants de Vérone, M. Capelli

Crédits : BNF, Gallica

Acte III

17Si l’œuvre du Marquis d’Ivry termine son acte II avec le mariage de Roméo et Juliette, celle de Gounod commence la première scène de son acte III par ce même épisode, avec l’espoir d’une réconciliation entre les deux familles rivales par le frère Laurent.

18Dans Les Amants de Vérone, La cellule de Lorenzo succède à la place des Seigneurs de Vérone qui est célébrée par un chœur joyeux et festif :

« Vérone rayonne, Le jour est pur, Le gai printemps qui la couronne
Dans le ciel étant son manteau d’azur
Le gai printemps luit sur Vérone […]13 »

19Les Montaigu s’inquiètent du sort de Roméo (« Triste sort ! Est-il mort ? ») Le chœur entonne ensuite une chanson qui exalte le combat entre les Montaigu et les Capulet : « Echarpez-vous, peut-être après / Pourra-t-on boire enfin tranquille14 ». Le héraut ducal prie les membres des deux familles de regagner leur demeure. Roméo commence ensuite un chant qui montre son impatience à retrouver Juliette. Au numéro suivant, les Montaigu retrouvent Roméo qu’ils questionnent sans succès. Arrive la nourrice avec un message pour le jeune homme : à minuit, il retrouvera sa bien-aimée à l’église Saint-Paul. Elle veillera sur les amants. Puis elle repart, sous les remarques ironiques des Montaigu.

20Cet épisode est absent de l’œuvre de Gounod, tandis que la situation s’intensifie dans les deux opéras par la même reprise – même si la forme et les personnages secondaires diffèrent un peu – de l’épisode shakespearien. Ainsi, dans le final (n°15) des Amants de Vérone, les Capulet sous la conduite de Tybalt provoquent les Montaigu. Roméo refuse le combat. Mercutio se bat contre Tybalt qui le tue. Roméo provoque le Capulet en duel et le tue à son tour. Bien que peinée de la mort de son cousin et furieuse à l’encontre de Roméo, Juliette finit par lui pardonner et regrette amèrement le châtiment qu’il va devoir subir : le bannissement. Dans Roméo et Juliette, l’action est introduite par Stephano recherchant son maître. Il entame une chanson provocatrice qui ne manque pas d’attiser la colère des Capulet. Gregorio le provoque tandis que Mercutio prend sa défense. Le combat suivant est celui de Tybalt contre Mercutio et l’acte se termine comme celui du Marquis d’Ivry, avec la double mort des opposants et le bannissement de Roméo.

21Un effet de mise en scène est à relever dans l’œuvre du Marquis d’Ivry lors de la création : Roméo-Capoul est remarquable non seulement par son chant, mais également dans le duel qui l’oppose à Tybalt et qui est bissé lors du spectacle, événement rarissime :

C’est que c’est aussi la première fois que le public crie bis ! À un simple détail de mise en scène.
Pendant plusieurs minutes, la salle tout entière a redemandé que les deux adversaires : Roméo et Tybalt, missent à nouveau l’épée à la main pour recommencer un combat qui avait électrisé tout le monde.
On ne si imagine pas l’effet produit par cette passe d’armes : il a été colossal. […]
Alors que la salle s’est levée pour crier bis, un de nos confrères a dit, d’un air réellement douloureux :
Ah ! Mais non, si maintenant l’on bisse les duels, je vais être forcé de retourner sur le terrain, et je n’ai pas la moindre blessure sur moi15 !

22L’intensité d’un tel combat n’était pas présente chez Gounod. En effet, c’est plutôt la suite de l’évènement qui retient l’attention des critiques si l’on en croit Gérome dans L’Univers illustré :

À la vue de son ami expirant [Mercutio], Roméo, qui avait refusé de croiser le fer avec le parent de Juliette, n’écoute plus que la vengeance. Il se jette sur Tybalt et le perce de son épée. Les deux partis s’attaquent avec furie. Ce n’est plus un duel, c’est une bataille, où les cris de rage se confondent avec les cliquetis de l’acier. […] Tout ce final est magnifique. […] Jamais, dans ses œuvres précédentes, il n’avait eu ce mouvement, cette ampleur et cette puissance dramatique16.

23Cependant, pas de bis pour Gounod quand ses chanteurs croisent le fer…

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Décor de l’acte III des Amants de Vérone, M. Poisson

Crédits : BNF, Gallica

Acte IV

24L’ensemble de cet acte se déroule quasiment de la même façon dans l’œuvre de Gounod et dans Les Amants de Vérone, où les didascalies situent clairement la scène : » La chambre de Juliette. À gauche, une grande fenêtre. Cette fenêtre une fois ouverte laisse voir le balcon par où s’en ira Roméo, et auquel l’échelle de soie est suspendue. Au lever de la toile, il fait nuit encore et l’on entend chanter le rossignol. Une lampe éclaire la scène17. » Juliette apparaît et chante son amour à Roméo qui s’enflamme à son tour avant que la belle ne le rejoigne dans un duo (de l’alouette) enflammé : « O doux moment, O nuit obscure, Serments d’amour qui vont brûlant de la lèvre qui les murmure / À l’oreille qui les entend18. » Ensuite, Roméo s’interroge sur la présence de l’alouette. Juliette soutient qu’il s’agit d’un rossignol. Mais il faut se rendre à l’évidence, Roméo doit partir. La nourrice arrive ensuite, annonce à Juliette l’arrivée de son père. Capulet souhaite que sa fille épouse son cousin Pâris. Elle se montre réticente, ce qui oblige son père à se fâcher, à la menacer de sa malédiction.

25Chez Gounod, la vérité reste cachée et le père ne peut se douter de ce qui se passe réellement. Dans les deux œuvres, lorsque Lorenzo arrive, il semble prendre le parti du père. C’est ce que croit en effet ce dernier dans l’opéra de Gounod. En fait, il n’en est rien. L’homme d’église propose à Juliette de boire une potion qui lui donnera l’apparence d’une morte pendant deux jours. Dans la scène suivante, absente dans Roméo et Juliette, la nourrice critique ouvertement Roméo au profit de Pâris, ce qui fâche Juliette. Lorsque le chœur nuptial retentit, Juliette, après un moment de doute, finit par boire la potion de frère Lorenzo à la santé de Roméo. Chez Gounod, c’est lorsque Pâris tente d’enfiler l’anneau au doigt de Juliette que cette dernière s’écroule, laissant croire à sa mort.

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Décor de l’acte IV des Amants de Vérone, M. Capelli

Crédits : BNF, Gallica

Acte V

26Dans le premier tableau de Gounod, un second homme religieux, Frère Jean, intervient auprès de Frère Laurent afin de lui annoncer que le page de Roméo, attaqué par les Capulet, n’a pas été en mesure de transmettre le message au jeune homme. Ce dernier apparaît au début du tableau suivant, pénétrant dans le tombeau où repose Juliette afin de l’embrasser une dernière fois. Il se donne ensuite la mort, mais Juliette se réveille. L’étreinte entre les deux amants est interrompue par l’effet du poison qui empêche Roméo de poursuivre sa route auprès de son épouse. Celle-ci, voyant le flacon vide, se plante alors un poignard dans le cœur, heureuse de suivre le chemin de celui qu’elle aime.

27Pas de Frère Jean ni de frère Laurent pour le Marquis d’Ivry qui ouvre son ultime acte par un décor romantique à souhait comme l’indiquent les didascalies :

Une partie du Campo Santo. Au milieu et presque sur le devant du théâtre une chapelle funéraire éclairée par une lampe dont la grille à jour laisse voir Juliette étendue sur un lit de parade. Au lever du rideau la lune tombante éclaire vaguement le fond du théâtre et les cyprès qui entourent la chapelle. À mesure qu’approche le dénouement, la clarté baisse puis disparaît19.

28Le scenario est exactement le même que celui de Gounod, emprunté au théâtre de Shakespeare : Roméo arrive au tombeau de Juliette. Pensant qu’elle est morte, il absorbe du poison. Mais Juliette se réveille. Roméo croit à un miracle car il n’a pas reçu le message de frère Lorenzo. Les amants entonnent un duo d’amour. Puis Roméo faiblit et meurt. Juliette, pour le rejoindre, se poignarde et tombe. C’est l’acte le plus court. Hormis le page à qui Roméo donne très rapidement congé, seuls les amants sont mis en scène.

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Décor de l’acte V des Amants de Vérone, M. Capelli

Crédits : BNF, Gallica

29D’un point de vue qualitatif, il ressort que le texte signé par le Marquis d’Ivry semble être de meilleure tenue que le livret de Gounod ainsi que le souligne Georges :

Un mot du poème seulement. Peut-être est-ce le meilleur qui ait été composé sur la donnée, parce que c’est le plus simple, le plus dégagé d’incidents parasites et le plus fidèle au texte anglais. Les scènes les plus diverses s’équilibrent à merveille ; l’action marche droit au but, légère et franche. Je n’ai qu’un seul regret : c’est qu’il y ait abus de couplets [qui] font presque toujours longueur20.

II. Une création, des costumes et des décors historiquement très proches

30La première représentation de Roméo et Juliette de Gounod a lieu le 27 avril 1867 au Théâtre lyrique impérial à Paris, bénéficiant de l’attraction due à l’Exposition universelle. Le succès est considérable et les représentations se succèdent à quatre-vingt-dix reprises avec des critiques principalement favorables et bienveillantes, même si certaines restent sévères voire injustes. On pense ainsi par exemple aux réflexions assassines tant sur la musique que sur le livret de Henry Blaze de Bury21. En revanche, Moréno, particulièrement enthousiaste, souligne que « Les Roméo de Bellini et Vaccaj n’existent plus et rentrent à jamais dans l’ombre. De même qu’il n’y a plus qu’un Faust, il n’y a plus qu’un Roméo22 ». La carrière internationale de l’œuvre débute l’année même avec en particulier une version de référence en Italie avec Mario et Adelina Patti dans les rôles titres.

31Gounod souhaitait initialement Victor Capoul comme Roméo, mais le coût entraîné par la notoriété de ce dernier est un frein à ce recrutement de qualité. Gounod choisit donc Pierre-Jules Michot.

32Voici les personnages avec le nom des interprètes lors de cette création23 :

Personnages

Voix

Artistes

Juliette

soprano lyrique léger

Caroline Miolan Carvahlo

Roméo

ténor lyrique léger

Pierre-Jules Michot

Frère Laurent

basse

Jean Cazaux

Gertrude (*)

mezzo-soprano

Éléonore Ragaine Duclos

Mercutio (*)

baryton

Auguste Armand Barré

Le Comte Capulet (*)

basse

Étienne Troy

Tybalt (*)

ténor

Jules-Henri Puget

Benvolio (**)

ténor (vs 2e basse)

Pierre-Marie Laurent

Stéphano (**)

soprano

Joséphine Daram

Pâris (**)

baryton

Laveissière

Le Duc de Vérone (**)

basse

Émile Wartel

Frère Jean

basse

Neveu

Grégorio

baryton

Étienne Troy

33Les huit décors sont confiés à Cambon et Despléchin et empruntés, comme les costumes, à la Renaissance. Dans un dessin de M. Riou correspondant à l’acte III, les fondations architecturales sont nettement empreintes de références italiennes et les combattants habillés comme les gentilshommes d’une époque passée.

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Édouard Riou, dessin de l’acte III, scène 2 de Roméo et Juliette de Gounod, 1967, au Théâtre lyrique

Crédits : BNF, Gallica

34S’il n’est pas toujours en accord avec la musique de Gounod et le choix de ses librettistes, le critique du Watson Art’s Journal écrit au lendemain de la création : « L’idéal du drame du futur est la subordination de la musique et des autres arts à la poésie, une doctrine habilement illustrée dans les second et cinquième actes du dernier opéra de M. Gounod24. »

35La « subordination de la musique et des autres arts à la poésie » se retrouve également, quoique partiellement, dans l’œuvre du Marquis d’Ivry.

36La première représentation des Amants de Vérone a lieu à Paris le 12 octobre 1878, au Théâtre Ventadour, dont le directeur, M. Capoul, est remercié par Richard d’Ivry dans sa partition pour sa « confiance courageuse » et la façon dont il a « brillamment créé le rôle de Roméo » sous la direction orchestrale de Luigini, avec Steenman comme chef de chœur et Étienne Rey pour chef de chant. Le critique Spoli note avec humour dans Le Voltaire : « Malgré la fatigue d’un jour de première, Capoul a été forcé de satisfaire toutes les dames. Cela nous a valu un véritable parterre de fleurs. Je n’ai jamais eu aussi envie de me faire herboriste25. »

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Roméo (Victor Capoul)

Crédits : Ad. Braun, archives de Corabœuf

37Ce même critique écrit également au sujet de Marie Heilbronn (1851-1886), la mezzo-soprano qui incarne Juliette :

Melle Heilbron [sic] a été unanimement applaudie. J’ai pu critiquer ici les légèretés de Melle Heilbron [sic] et les négligences de son style épistolaire, mais il ne me coûte aucunement de constater qu’elle a chanté d’une façon merveilleuse et qu’elle s’est montrée ravissante dans le rôle de Juliette26.

38Cette talentueuse cantatrice avait embrassé très tôt une carrière lyrique en créant à l’âge de seize ans Alice de Kerdrel dans La Grand’ Tante de Jules Massenet. Après divers rôles et des voyages à travers l’Europe, elle crée l’héroïne shakespearienne du Marquis d’Ivry dans les Amants de Vérone, se marie en 1881 mais continue cependant de monter sur les planches. Elle incarne la première Manon de Massenet en 1884 puis l’héroïne éponyme de Cléopâtre, opéra de Massé l’année suivante. Le musicologue et musicien Arthur Pougin salue à son tour « l’excellence de l’interprétation » en rendant également hommage aux interprètes de Roméo et Juliette27. Ce que ne manqueront pas de faire également les différents autres comptes rendus, même si certains critiques restent dubitatifs sur les qualités intrinsèques de l’œuvre comme « Un Parisien… de Blagnac » dans le Midi artistique : « Les Amants de Vérone ont dû leur succès apparent à trois causes : 1° à Capou ; 2° au sujet de la pièce ; 3° aux pièces… de cents sous du noble Marquis d’Ivry, auteur de la musique, des paroles… Et surtout de la réclame faite à son ouvrage28. »

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Juliette (Marie Heilbronn)

Crédits : Ad. Braun, archives de Corabœuf

Personnages

Voix

Artistes

Juliette

mezzo-soprano

Mme Heilbronn

La Nourrice

contralto ou Dugazon

Mme Lhéritier

Roméo

1er ténor de grand opéra

M. Capoul

Mercutio

1er ténor d’opéra comique

M. Fromant

Capulet

1er baryton de grand opéra

M. Dufriche

Lorenzo

1ère basse de grand opéra

M. Taskin

Tybalt

1er baryton d’opéra comique

M. Christoph

Benvolio

2e basse

M. Labarre

Le Héraut ducal

2e ténor

M. Dardignac

Deuxième Capulet

2e basse

M. Barielle

39Les décors ont été confiés à deux personnes : M. Poisson (Acte I, le bal chez les Capulet et Acte III, la place publique) et M. Capelli (Acte II, 1er tableau, le jardin et 2e tableau, la cellule du Frère Laurent ; acte IV, la chambre de Juliette et acte V, le tombeau des Capulet). Outre des reproductions graphiques, Frimousse (de son vrai nom Spoli), du Gaulois littéraire, renseigne très précisément sur l’ensemble de ces décors. Concernant les actes I et III réalisés sous la direction de M. Poisson, il note :

La fête chez les Capulets nous transporte dans une de ces vastes salles des palais du quatorzième siècle, avec ses voûtes gothiques supportées par des piliers garnis, jusqu’à une certaine hauteur, avec des tapisseries à personnages à grandeur naturelles.
Partout des statues de guerriers ou des écussons, enfin, s’accrochant aux voûtes ; des lustres du temps, garnis de bougies roses, et des guirlandes de fleurs épanouies29

40L’influence de la Renaissance imprègne l’ensemble du décor et M. Poisson a été attentif aux détails dans ce sens. Il en est de même pour l’acte III, avec la place publique :

La place de Vérone a été copiée sur nature.
À gauche et à droite, au premier plan, les demeures seigneuriales des Capulet et des Montaigu, avec leurs tours à créneaux et leurs portes massives, comme tout bon château où l’on n’était pas toujours certains de ne pas soutenir un assaut entre un bal et un mariage.
Au fond, sous le ciel bleu, dorées par les rayons d’un soleil ardent, des maisons aux tons clairs, avec leurs fenêtres garnies de stores de couleur claire, leurs étages supérieurs surplombant toute la construction et, à l’usage des dames, des balcons transformés en logettes dans lesquelles, protégé par d’épaisses jalousies, on pouvait voir sans être vu.
Au dernier plan, un paysage de montagnes, aux pieds desquelles coule une rivière aux eaux limpides30

41Rappelons que la place en question est la piazza del Erbe, construite sur les ruines de l’ancien forum romain. S’ajoutent aux décors, les costumes, qui ont également contribué à la réussite du spectacle. Ils étaient confiés à M. Jules Marie qui a « reproduit avec un goût exquis cette délicieuse époque31 ». Comme en atteste Parisine le lendemain de la première, ces décors sont remarquables :

Les costumes, dessinés par M. Jules Marre et exécutés par M. Marage, Melles Delphine Baron et Muzio, sont dignes de tout le reste. […]
Ces [ceux de Marie Heilbron] costumes, comme ceux de Roméo, sont admirables.
Le costume du premier acte se compose d’une jupe de satin bleu-ciel avec manches pareilles à crevés de mousseline blanche, avec tunique de brocart blanc, le tout garni de gallons d’or.
Comme coiffure, une toque ronde bleu et or, qu’un fil de diamants vient de l’attacher sur le front.
Ce mince filet de pierres étincelantes illumine les cheveux d’un noir d’ébène de Melle Marie Heilbron que l’on s’est accordé à trouver plus jolie que jamais.
Le second costume est vert clair, violet et argent.
Le corsage plat, en forme de cuirasse, découvre les épaules. Une garniture de plaques de velours violet, posées les unes à côté des autres, et formant comme un collier, dessine le cou.
D’autres plaques semblables, bordées d’argent, forment ceinture au bas du corsage-cuirasse, tout comme les ceinturons des anciens preux. La troisième toilette est entièrement blanche ; c’est celle qu’elle porte dans son tombeau32.

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Costumes des Amants de Vérone

Crédits : Ad. Braun, archives municipales de Beaune, 29 Z 233

42Le champ lexical des vêtements renvoie ici à la période de la Renaissance, avec en particulier la grande nouveauté du XIXe siècle : les crevés. La présence de richesses (« pierres étincelantes », « bordées d’argent ») renforce encore cette idée, les relations avec l’Orient ayant permis des échanges de plus beaux tissus et de pierreries. Ces caractéristiques se retrouvent également dans la description des costumes masculins : « Signalons encore le merveilleux costume de Monsieur Dufriche–Capulet, avec sa robe de draps d’or, serrée à la taille par une large ceinture noire et recouverte d’une vaste dalmatique de velours grenat, bordée d’or33. »

43Il en est de même pour les costumes confectionnés pour Victor Capoul, le héros tragique éponyme : « Très élégants, les costumes de Capoul, et plus élégant encore celui qui les porte. Le costume de pèlerin est gris et marron rougeâtre. Le second, bleu clair, gris perle et or, avec les armes brodées sur la cuisse du maillot, et le grand manteau vénitien sur l’épaule34. » L’ensemble des costumes, de même que les décors renaissants alliés à une musique de bonne inspiration, ont largement contribué au succès de l’œuvre.

Conclusion

44Les librettistes de Gounod, comme le Marquis d’Ivry, ont avant tout retenu de Shakespeare l’histoire d’amour tragique. Le choix des scènes et des personnages – très proche dans les deux versions – reste à cet égard éloquent. Dans les deux cas, Roméo et Juliette demeurent évidemment le point de focalisation. L’adaptation littéraire souligne davantage les préoccupations romantiques de l’époque. Le public s’est bien retrouvé dans les mises en scène aux décors et aux costumes faisant référence à la Renaissance italienne, époque et pays qui ne cesseront d’inspirer les Romantiques. Aussi, c’est principalement cet aspect exalté, perceptible dans l’œuvre shakespearienne, qui ressort de ces deux adaptations, avec l’emploi d’une musique très empreinte des codes de l’époque.

45Mentionnons enfin Gasperini, car sa critique souligne la valeur de l’œuvre du Marquis d’Ivry, bien avant la première représentation : « Partout dans les Amants de Vérone éclate l’horreur du faux et du banal […]. M. d’Ivry a voulu surtout être vrai et il a mis au service de ce grand amour de la vérité une science généreuse et solide. Sa partition est écrite d’un style ferme, qui n’est nullement celui d’un écolier35. »

46Témoignages touchants d’une réécriture littéraire et d’une mise en musique romantiques, Roméo et Juliette ainsi que les Amants de Vérone illustrent bien la « romantisation » de Shakespeare au XIXe siècle, même si le devenir des œuvres et la notoriété des compositeurs diffèrent dans les deux cas.

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Spoli, qui signe Frimousse, « les Amants de Vérone », in Le Voltaire, 14 octobre 1878, archives de Beaune, sans pagination.

Notes

1 Arthur Pougin, « Les Amants de Vérone, opéra en 5 actes de M. le Marquis d’Ivry », Journal officiel, 29 octobre 1878, p. 10022.

2 Pour plus de précisions sur les sources, voir notre article « Juliette, personnage tragique dans Les Amants de Vérone du Marquis d’Ivry », Le Paon d’Héra, gazette thématique interdisciplinaire internationale, n°3, « Roméo et Juliette », Neuilly-les-Dijon, éd. du Murmure, 2008, p. 111-126.

3 Voir au sujet des différentes sources des éditions, Gérard Condé, Charles Gounod, Paris, Fayard, 2009, p. 421-422.

4 Steven Huebner, Les opéras de Charles Gounod, trad. Alain et Marie-Stella Pâris, Paris, Actes Sud, 1994, p. 174.

5 Joël-Marie Fauquet, « Introduction à Roméo et Juliette », in L’Avant-scène, mai-juin 1982, n°41, p. 24-25.

6 Steven Huebner, op. cit., p. 173.

7 Charles Gounod, « lettre du 2 mai 1865 », citée par Camille Bellaigue, Gounod, Paris, F. Alcan, coll. « Les Maîtres de musique », 1919, p. 41.

8 Sonia Dollinger, « Les Amants de Vérone : le difficile combat du Marquis d’Ivry », Le Paon d’Héra, gazette thématique interdisciplinaire internationale, n°3, « Roméo et Juliette », Neuilly-les-Dijon, éd. du Murmure, 2008, p. 103.

9 Joël Marie Fauquet, « Roméo et Juliette, Commentaire littéraire et musical », Avant-Scène Opéra n°41, Roméo et Juliette, Paris, Mai-Juin 1982, p. 26.

10 Marquis d’Ivry, Les Amants de Vérone « en cinq actes et six tableaux imité de Shakspeare [sic] », Paris, Léon Langlois, ca. 1870, p. 97.

11 Ibid., p. 105.

12 Ibid., p. 106.

13 Marquis d’Ivry, Les Amants de Vérone, op. cit., p. 147.

14 Ibid., p. 148.

15 Parisine ajoute : « J’ai vu nombre de duels, réglés comme celui des Amants de Vérone, par Monsieur Desbarolles, le maître en la matière mais je n’en ai jamais vu produire un effet semblable. M. Capoul et M. Max Christophe, qui sont tous deux de première force en escrime, ont si bien profité des indications que leur a données M. Desbarolles, qu’ils ont l’air d’y aller bon jeu et bon argent et que le public assiste à un combat réel avec toutes ces péripéties. C’est ce qui fait que les spectateurs ont été si carrément empoignés, quand, à la dernière reprise, Monsieur Capoul-Roméo envoie un furieux coup droit à Monsieur Christophe Tybalt, et que celui-ci tombe comme foudroyé, c’est à jurer que le coup a porté en pleine poitrine », in Parisine, « Les Grandes Premières Les Amants de Vérone », Le Gaulois, 14 octobre 1878, n. p.

16 Gerome, « Chronique », L’Univers illustré, samedi mai 1867, p. 252.

17 Marquis d’Ivry, Les Amants de Vérone, op. cit., p. 246.

18 Ibid., p. 250.

19 Marquis d’Ivry, Les Amants de Vérone, op. cit., p. 311.

20 Georges, « La partition de Les Amants de Vérone », Le Gaulois, 15 octobre 1878, n. p.

21 Henri Blaze de Bury, « Shakspeare [sic] et ses musiciens Roméo et Juliette de M. Gounod au Théâtre lyrique », Revue des deux mondes, mai-juin 1867, p. 438-461.

22 Moréno (éditeur Heugel), Le Ménestrel du 4 mai 1867, cité par Gérard Condé, Charles Gounod, op. cit., sans référence, p. 428. Pour la réception de la presse, se référer à ce dernier ouvrage.

23 Les personnages dont le registre de voix diffère de celui des Amants de Vérone se voient attribués le signe (*) tandis que (**) renvoie aux personnages présents chez Gounod et absents dans l’œuvre du Marquis d’Ivry.

24 Anonyme, « The ideal of the drama of the future is the subordination of music and the other arts to poetry, a doctrine ably illustrated in the second and fifth acts of M. Gounod's last opera », in « Gounod », Watson Art’s Journal, vol. 8, n°4, nov. 16, 1867, p. 54 (c’est nous qui traduisons).

25 Spoli, qui signe Frimousse, « Les Amants de Vérone », in Le Voltaire, 14 octobre 1878. La majorité des articles cités sont en fait des réécritures manuscrites conservées aux archives de Beaune, ce qui explique l’absence de pagination.

26 Id.

27 Cf. Arthur Pougin, « Les Amants de Vérone, opéra en 5 actes de M. le Marquis d’Ivry », Journal officiel, 29 octobre 1878, p. 10022.

28 « Un Parisien… de Blagnac », in le Midi artistique, 2-9 février 1879.

29 Spoli, qui signe Frimousse, « les Amants de Vérone », op. cit. n. p. 

30 Id.

31 Id.

32 Parisine, « Les Grandes Premières Les Amants de Vérone », Le Gaulois, 14 octobre 1878, n. p.

33 La description se poursuit : » Tous les costumes du seigneur sont à l’avenant avec des profusions de velours, de satin, de soie et d’or. Tous les maillots des amis des Capulets et des Montaigu sont en soie, et représentent à eux-seuls une jolie somme », id.

34 « Le troisième se compose d’un maillot violet avec pourpoint de velours frappé, marron ton sur ton point, l’immense se trouve plus clair que le reste du corps. Le quatrième est entièrement noir et d’un grand caractère », id.

35 Auguste de Gasperini, « Le monde musical », in La Liberté du 17 mai 1867.

Pour citer ce document

Par Laurence Le Diagon-Jacquin, «Roméo et Juliette à l’opéra en France au XIXe siècle : Gounod vs Marquis d’Ivry», Shakespeare en devenir [En ligne], III. Adaptations musicales, N°14 - 2019, Shakespeare en devenir, mis à jour le : 19/02/2022, URL : https://shakespeare.edel.univ-poitiers.fr:443/shakespeare/index.php?id=1742.

Quelques mots à propos de :  Laurence Le Diagon-Jacquin

Laurence Le Diagon-Jacquin est Maître de Conférences HDR et agrégée de musicologie à l’Université de Franche-Comté. Outre de nombreux articles, elle a publié plusieurs monographies sur Liszt dont La Musique de Liszt et les arts visuels, Essai d’analyse comparée d’après Panofsky illustrée d’exemples Sposalizio, Totentanz, Von der Wiege bis zum Grabe (Paris, Hermann Editeurs, Coll. Points d’Orgue, 2009), Liszt en Bourgogne, (Dijon, EUD, 2011) auxquels s’ajoute un essai : Au Miroir du Lac des Cygne ...

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