«Thus much show of fire» : tempête et spectacle lors de l’inauguration du théâtre du Globe

Par Gwylim Jones
Publication en ligne le 28 janvier 2010

Résumé

Shakespeare’s first use of extended storm effects on the stage occurred in Julius Caesar. Although often dismissed in editorial footnotes as a slight, anticlimactic noise (usually with a citation of Jonson’s dismissive recollection of the “roul’d bullet heard”) the special effects of the storm in the playhouses would have been nothing short of spectacular. Julius Caesar was almost certainly the first play produced at the Globe theatre. This paper will argue that the storm in the play is a grand gesture to show off the capabilities of the new playhouse. With a close reading of the text in its chronological context, it will be seen that this tragedy marks a change of emphasis in Shakespeare’s work. An exploration of the drums, cannon and fireworks used to recreate the storm will inform a reading of the text which highlights its propensity towards the spectacular. It will also be seen through an examination of the trumpet calls that the play is a promotional tool to advertise the amphitheatre itself and not simply the playwright or acting company. Only after this exhausting and exhaustive showcase, and the audience it attracts, can the subtle poetry of the storm reach the nuanced symbolism it finds in the later, xmature plays King Lear, The Winter’s Tale and The Tempest. Weather interpretation of the Elizabethan era will also be considered, showing that the effects in the play are neatly contemporary as well as spectacular.

Texte intégral

Traduction d’Angélique LECOUFFE

1Si l’on veut s’intéresser au spectaculaire dans l’œuvre de Shakespeare,on ne peut que prendre en compte Julius Caesar:on y trouve la première tempête que le dramaturge a porté à la scène1. C’est, à de nombreux égards, un événement de première importance dans la carrière de Shakespeare. Entre les éclairs maladroits qui déchirent les trois parties d’Henry VI, la tempête en mer narrée dans A Comedy of Errors et la tragédie romaine, Shakespeare a développé une approche beaucoup plus subtile, beaucoup plus nuancée de la tempête. C’est dans Julius Caesar que nous trouvons le fondement même des tempêtes à venir dans Macbeth et dans The Winter’s Tale, sans parler de celles qui tonitruent dans King Lear et dans The Tempest. La tragédie romaine est pourtant bien plus qu’un simple travail préparatoire car, semblable en cela à toutes les pièces shakespeariennes qui font entendre des éléments déchaînés, Julius Caesar se distingue par son caractère orageux.

2Pour se pencher sur la tempête et le spectaculaire dans Julius Caesar, il faut avoir à l’esprit que Julius Caesar fut très certainement la première pièce mise en scène au théâtre du Globe, lors de l’inauguration de ce dernier, au début de l’été 15992. Nous pouvons, bien entendu, nous fier au témoignage écrit de Thomas Platter, ce touriste suisse qui assista à la représentation de la pièce en septembre de la même année, mais l’hypothèse selon laquelle cette Julius Caesar fut le point d’orgue de l’inauguration est renforcée par les approches critiques qui s’attachent à la dimension poétique du texte. Steve Sohmer, dans Shakespeare’s Mystery Play: The Opening of the Globe Theatre, 1599, met soigneusement en regard des images et des expressions tirées de Julius Caesar avec les sections appropriées de la liturgie – le calendrier liturgique avait naturellement attribué à ces sections une date précise pour le public. L’argumentation de Sohmer compte de nombreux autres détails – il se réfère, par exemple, à certaines dates extrêmement propices en astrologie. Je souhaiterais m’inscrire dans cette ligne et poursuivre l’enquête en avançant que Julius Caesar est un exemple primordial de témérité théâtrale: cette pièce est l’œuvre d’un dramaturge détenant les clés d’un théâtre neuf, l’œuvre d’un dramaturge qui a devant lui un public nouveau et enthousiaste, l’œuvre d’un dramaturge qui, comme nous allons le voir, est investi dans le spectacle et en dépend.

3Il est assez clair qu’il fallait pour l’inauguration du Globe un spectacle à couper le souffle. En effet, le Globe allait devenir le troisième théâtre de toute la rive sud de la Tamise, un endroit qui accueillait déjà d’autres divertissements publics tels que le «bear-baiting» (des combats d’ours et de chiens). Et bien que le théâtre du Swan n’ait plus l’autorisation d’avoir de troupe attitrée depuis 1597, il accueillait très certainement des troupes itinérantes; des pièces continuaient d’y être jouées. Plus proche du Globe encore, on trouvait les quartiers de la troupe des «Admiral’s Men» : le «Rose theatre». En fait, ces deux théâtres, le Globe et le Rose, se trouvaient à moins d’une cinquantaine de mètres l’un de l’autre. En outre, nombreux étaient les théâtres qui commençaient fleurir autour de la ville et dans son enceinte, qu’il s’agisse de simples cours d’auberges ou de théâtres à part entière. Qui plus est, comme le souligne James Shapiro : «troubling still was word that, after a decade’s hiatus, the boys of St. Paul’s would shortly resume playing for public audiences at the Cathedral3». Le théâtre couvert des Blackfriars allait bientôt ouvrir ses portes à une autre troupe d’enfants. La concurrence entre les théâtres était donc à son comble, et pour un théâtre qui allait voir le jour, ce n’était pas le moment de rater le coup d’envoi.

4Avant d’étudier les différentes façons dont Julius Caesar tira parti de cet espace scénique propre au Globe, il est intéressant de voir comment cette pièce servit de vitrine à la troupe qui allait la jouer, les « Chamberlain’s Men». Non seulement la pièce requérait quatre acteurs principaux dont les preuves n’étaient plus à faire, dans les rôles de Brutus, de Cassius, d’Antoine et de César – ce qui, en soi, est un indice suffisant de l’excellence de la troupe –, mais ces mêmes rôles couvraient à eux quatre le spectre de la personnalité humaine telle que l’entendait la théorie des humeurs. Chaque protagoniste masculin incarne ainsi une humeur particulière: César est flegmatique, Brutus, mélancolique, Antoine, sanguin, Cassius, colérique. Comme en un simple coup de pinceau, on montrait que les «Chamberlain’s Men» étaient capables d’incarner n’importe quel type de personnage. Mais la présentation avantageuse de la troupe ne s’arrête pas là: Calphurnia et Portia sont également deux rôles féminins exigeants; ces rôles témoignent d’une foi sans faille dans les jeunes acteurs et affirment, haut et fort, que leur talent n’avait rien à envier aux troupes d’enfants qui recommençaient à fleurir à l’intérieur des enceintes de la ville. Une telle foi semble tout à fait justifiée puisque ces jeunes acteurs sont sans doute ceux-là même à qui Shakespeare confia la tâche de converser et de plaisanter en français dans Henry V – et, signe qu’ils étaient talentueux, ils allaient se voir confier les rôles principaux dans la pièce suivante de Shakespeare, As You Like It. Il fallait donc quatre personnages masculins et deux féminins, tous requérant d’excellents acteurs. Et, pour ultime témoignage de la virtuosité de cette troupe, mentionnons le serviteur de Brutus, Lucius. L’instrument de musique dont Lucius joue tout en chantant jusqu’à tomber de sommeil, dans la scène 3 de l’acte IV, semble être un luth. Que Lucius ait été joué (ou non) par l’un des jeunes acteurs qui incarnait déjà Portia ou Calphunia, cela ne fait pas grande différence: il fallait faire preuve d’une grande habileté et d’une sensibilité tout en nuances pour jouer de cet instrument avec talent – dans la hiérarchie des instruments de musique établie à la Renaissance, le luth régnait en maître. Aussi, avoir dans la troupe un jeune acteur assez talentueux pour jouer du luth était une raison suffisante pour inclure ce type de scène dans la pièce et impressionner ainsi le premier public du Globe.

5J’espère que cette présentation donne une première idée de la manière dont les personnages de Julius Caesar permirent aux acteurs de déployer tous leurs talents. Mais c’est seulement lorsque l’on envisage la mise en scène que l’on peut véritablement commencer à parler de spectaculaire. Dans les éditions modernes de Julius Caesar,on fait peu de cas de l’effet théâtral de la tempête. Le commentaire que Martin Spevack fait en note de bas de page à propos des premiers coups de tonnerre parle de lui-même : «Thunder was produced by rolling cannon-ball down a wooden trough, the‘thunder-run’, by drums or cannon-fire; lightning, by somme kind of fireworks4». Il semble que David Daniell soit le seul parmi les éditeurs contemporains à avancer que le bruit du tonnerre était créé «by metal thunder sheets5». On cite souvent, comme dans l’édition d’Oxford, le prologue de Ben Jonson dans Every Man In His Humour, prologue dans lequel le dramaturge se moque des effets spéciaux: «the rolled bullet heard, / To say, it thunders, or tempestuous drum / Rumbles to tell you that the storm doth come6». À mes yeux, aucune édition actuelle ne rend compte de l’effet potentiellement, foudroyant que pouvait avoir une tempête mise en scène. Cette citation de Jonson, que l’on trouve dans au moins une des éditions des pièces de Shakespeare dans lesquelles il est question de tonnerre, n’aide guère mon propos : le ton employé y est délibérément dépréciatif et ne montre que mépris pour les tentatives de bruitage quelles qu’elles soient. C’est le même ton que l’on retrouve dans l’induction de A Warning for Fair Women:«a little rosin flashent forth, / Like … / … a boys squib7 » – également cité dans l’édition Oxford de Julius Caesar. Cette pièce fut publiée anonymement en 1599, mais la première de couverture nous indique qu’elle fut jouée avant par les «Chamberlain’s Men». Idem pour la pièce de Jonson, publiée pour la première fois en 1601, sous forme de quarto, mais selon toute vraisemblance jouée par la même troupe au «Curtain theatre» en 1598. Le prologue de Jonson, avec ses vers incisifs, ne fut ajouté qu’en 1616, lors de la parution du Folio. On est donc tenté d’en déduire que Jonson et l’auteur anonyme de A Warning for Fair Women se moquaient de leur «camarade» qui écrivait pour les «Chamberlain’s Men» et de son engouement pour le feu et le bruit8. Quoi qu’il en soit, je crois qu’il faut insister sur le fait que, dans un théâtre élisabéthain, le tonnerre et les éclairs devaient produire un effet impressionnant, les fusées, les feux d’artifice et les pétards offrant un spectacle tonitruant. On peut imaginer qu’on faisait tirer des coups à un canon ou à d’autres pièces d’artillerie lourde pour imiter le son du tonnerre, de ses éclats et de ses grondements. Pour remettre les vers de Jonson en contexte, voici une description qui les précéda, faite par l’architecte Serlio :

«You must draw a piece of wyre over the Scene, which must hang downewards, whereon you must put a squib covered over with pure gold or shining lattin which you will: and while the Bullet is rouling, you must shoote of some piece of Ordinance, and with the same giving fire to the squibs, it will worke the effect which is desired9».

6Bien que Serlio, décédé en 1554, ait été de nationalité italienne et que ses travaux n’aient pas été traduits en anglais avant 1611, il est fort probable que ce type de technique, ou d’autres similaires, soit parvenu jusque sur les planches anglaises dans ce laps de temps. En France, cela ne fait pas de doute, comme le souligne Butterworth: «during the performance of […] Antichrist in 1580, it is recorded that ‘they shall project fireworks in the air and along the cord’10». Butterworth ajoute, à propos du dispositif de Serlio : «the co-ordinated shooting of ‘some piece of Ordinance’ is yet another example of how more than one effect is often required to create an accumulative effect11». On trouve un autre exemple d’utilisation de feux d’artifice – plus en rapport avec Shakespeare, car il s’agit d’une utilisation dont il aurait sans doute vu les effets sur scène – dans les didascalies du Dr Faustus de Marlowe: «Enter Methostophilis, who sets squibs at their backs. They run about» (I.4.66), « Faustus and Methostophilis beat the Friars, fling fire-works among them and exeunt» (III.3.108)12. Ce n’est peut-être pas pousser l’imagination trop loin que de supposer que le tonnerre et les éclairs annonçant le point culminant de Dr Faustus aient été rendus grâce à des feux d’artifice, ou que Shakespeare, fortement influencé par Marlowe, ait bien remarqué cet emploi. Je pense que le recours aux feux d’artifice est clairement suggéré dans certaines répliques des personnages de Julius Caesar. Bien sûr, il est possible que des expressions telles que «tempest dropping fire» (I.3.10) et «the aim and very flash of fire» (I.3.52)13 aient été mentionnées pour faire surgir des éclairs dans notre imaginaire plutôt que pour accompagner verbalement ce qui était visible sur scène. Pourtant, outre les didascalies indiquant des éclairs – un effet particulièrement visuel –, on a les vers de Brutus dans la scène suivante, celle du verger. Brutus vient de recevoir les lettres le poussant à prendre part à la conspiration, et, avant même d’en découvrir le contenu, le voici qui constate: «The exhalations, whizzing in the air / Give so much light that I may read by them» (II.1.44). Le soliloque de Brutus qui précède ces paroles est calme, réfléchi et sobre: aucune allusion n’est faite au temps qu’il fait, et c’est d’ailleurs inutile. Mais le mot «whizzing» évoque davantage des feux d’artifice que des éclairs – que les feux d’artifice soient encore tirés ou non dans la scène du verger, il ne fait aucun doute qu’ils l’aient été précédemment.

7J’ai ainsi le sentiment que, dans les notes des éditions modernes, l’impact que pouvait avoir sur le public de tels spectacles est très largement sous sous-estimé. Ce n’est pas parce que Jonson est digne d’être cité qu’on a le droit de minimiser l’éclat des effets spéciaux de l’Angleterre de la Renaissance. Il y a inévitablement deux poids deux mesures: on ne peut pas à la fois constater le ton méprisant de Jonson et considérer qu’il fait preuve, dans ses descriptions, de justesse et d’objectivité. Comme en témoignent les didascalies dans Dr Faustus et l’incendie, déclenché par un canon du théâtre, qui fut à l’origine de la destruction du Globe en 1613, le peu de cas fait de la santé et de la sécurité du public lorsque l’on tirait des feux montre justement à quel point l’impact produit par les feux et leur détonation était important aux yeux des membres des troupes de théâtre. On peut s’imaginer la peur palpable des spectateurs présents, surtout si l’on prend en compte les documents qui attestent de la forte crainte qu’on avait du feu à cette époque14. Tour à tour stimulants et terrifiants, le bruit et le spectacle offerts par les crépitements et les détonations devaient être accompagnés d’une forte odeur de poudre à canon – les sens étaient donc sollicités sans ménagement. C’était sans doute un exploit auquel les garçons de la Cathédrale de Saint Paul ne pouvaient se mesurer et, selon toute probabilité, un exploit auquel on ne pouvait assister nul part ailleurs dans l’enceinte de la ville et alentours, pas à l’échelle en tout cas de celui de Julius Caesar. La plupart des pièces jouées en 1599 ont été perdues, mais parmi celles qui ont pu être conservées, aucune ne révèle un enthousiasme comme celui de Shakespeare pour le tonnerre et les éclairs15. On peut donc conclure que Shakespeare, en écrivant une tempête, avait peut-être pour but (du moins en partie) d’exploiter au maximum l’impact sensoriel qui pouvait être créé dans ce lieu, et de promouvoir le Globe en en renvoyant l’image d’un nouveau théâtre passionnant, dynamique, et dont le personnel et les moyens dédiés aux effets spéciaux défiaient toute concurrence.

8On trouve une autre preuve que Shakespeare voulait exploiter au mieux les atouts de ce nouveau théâtre dans la description que le dramaturge fait des pavoisements et des sons de trompettes qui ponctuent l’arrivée sur scène de grands personnages. Telles qu’elles sont décrites dans les didascalies, les scènes de combat de l’acte V de Julius Caesar témoignent d’une préoccupation pour la distance qui n’apparaissait pas dans les œuvres antérieures de Shakespeare. Dans Titus Andronicus,pièce très certainement jouée au «Rose theatre», on compte onze clairons et onze sons de fanfares annonçant les batailles, mais aucune nuance de volume sonore ne les distingue les uns des autres. Les trompettes de la Renaissance ne pouvaient se jouer que très fort; pour donner l’impression que la bataille faisait rage au loin, il fallait une sorte de structure située derrière la scène et permettant d’atténuer le volume sonore de l’instrument16. C’est seulement avec Julius Caesar que Shakespeare commença à écrire des didascalies come «Low alarums» (V.5.23). Si l’on se remémore les derniers instants du premier acte de La Traviata de Verdi, quand Alfredo chante «sous le balcon» tandis que Violetta est sur scène, on comprend mieux ce genre d’effet17. Les mises en scène placent généralement Alfredo en coulisses: la voix du ténor va crescendo jusqu’à atteindre le forte – ce qui est pertinent puisque celui-ci chante son amour –, mais l’illusion de distance est maintenue par le placement de l’artiste. Dans un théâtre élisabéthain, sans le large spectre de portée vocale dont seul un chanteur d’opéra dispose, ni le volume spatial disponible dans les coulisses d’un opéra, les instruments devaient probablement se faire entendre depuis une sorte d’espace étouffant le son, situé derrière la scène, afin de graduer leur volume sonore. Auquel cas, seul le Globe leur en fournissait la possibilité; aucun autre théâtre de l’époque ne proposait de telles nuances sonores pour les parties musicales. Sans cette hypothèse, on imagine mal les raisons qui auraient poussé Shakespeare à donner tout à coup des indications concernant le son. Plus tard Shakespeare, poursuivant sa carrière au Globe, apporta des nuances sonores encore plus subtiles pour les batailles, et on trouve des didascalies de plus en plus précises pour les bruits, comme par exemple dans Antony and Cleopatra : «Alarum afar off, as at a sea fight» (IV.13.0). De nos jours, on pourrait penser que cela n’a vraiment rien de spectaculaire, voire que c’est contreproductif. Pourtant, si l’on admet le fait établi (et maintes fois répété) que le public de l’époque allait écouter une pièce et non la voir comme nous le faisons aujourd’hui, on doit également admettre que ces nuances dans les effets sonores devaient être impressionnantes, voire spectaculaires – d’autant qu’elles semblaient être les premières du genre. Julius Caesar marque le début des variations de son exprimant des variations de distance dans le théâtre de Shakespeare; pour la première fois, peut-être, le public assistait à des combats dont les bruits étaient rendus de multiples façons et provenaient de toutes parts. Et il est presque certain que la structure même du Globe a joué un rôle essentiel dans ce développement du paysage sonore.

9Il convient, en outre, de prendre en compte un facteur essentiel – du moins en ce qui concerne la tempête –, à savoir que le Globe et le «Rose theatre» n’étaient distants que d’une cinquantaine de mètres. Les bruits produits dans l’un des théâtres pouvaient très facilement retentir jusqu’à l’autre avec lequel il était en concurrence. Les pièces commençaient à quatorze heures. Il est donc tout à fait possible que les bruits violents venant des proches alentours aient dérangé et intrigué les spectateurs et les acteurs du «Rose theatre». On peut en dire autant pour les applaudissements et les acclamations du public: un spectateur pouvait aisément se dire qu’on avait l’air de mieux se divertir dans l’autre théâtre et décider de traverser la rue pour le rejoindre, et ce d’autant plus facilement qu’il n’était pas aux premières loges. Si, lors de la représentation de Julius Caesar pour l’inauguration du Globe, un membre de l’auditoire avait quitté le Rose, attiré qu’il était par le bruit de la première scène d’orage, au milieu de la première scène de tempête, il aurait pu arriver dans le nouveau théâtre juste à temps pour la scène du verger, le soliloque de Brutus qui précède la présentation de chacun des conspirateurs (II.1.86-97), et avoir ainsi le plaisir d’avoir droit à encore plus de tonnerre et d’éclairs lorsque César fait son apparition. Autrement dit, il n’aurait pas perdu grand chose de l’intrigue et aurait satisfait sa curiosité – et assisté à davantage d’effets spéciaux. Bien entendu, nous n’avons aucune preuve que ceci se soit produit, mais les bruits créés par les fusées et les canons du Globe, qu’on pouvait entendre des mètres à la ronde, avaient dû au moins éveiller la curiosité des spectateurs du Rose.

10Il est probable que les feux d’artifice et les pétards aient produit un effet théâtral grandiose, mais quand un orage fait rage, n’attend-t-on pas bien plus qu’un simple spectacle? Parmi les spectateurs présents à l’ouverture du Globe, ceux qui avaient lu la traduction de Plutarque par Thomas North en 1579 (ils devaient être plusieurs), ou simplement ceux qui connaissaient les grands traits de l’histoire de Jules César (ce qui était probablement le cas pour la majorité), savaient qu’un très grand nombre de présages inhabituels avaient – c’est ce qu’on rapporte – précédé l’assassinat de César. Plutarque écrit (dans la version traduite):

«Certainly destiny may easier be foreseen than avoided, considering the strange and wonderful signs that were said to be seen before Caesar’s death. For, touching the fires in the element and spirits running up and down in the night, and also the solitary birds to be seen at noondays sitting in the market-place – are not all these signs perhaps worth the noting, in such a wonderful chance as happened18

11«Touching the fires in the elements»: voici comment Plutarque (source principale de Shakespeare pour cette pièce) transcrit au plus près son expérience d’un orage19. Et cette description pourrait aussi bien être celle d’une tempête réelle que celle d’un orage de théâtre, créé avec force poudre à canon et force flammes. Les théâtres envoyaient probablement des fusées en guise d’éclairs, mais peut-être comptaient-ils sur la poésie pour donner une illusion de pluie. C’est de ce passage que Shakespeare s’inspire pour créer le discours de Casca, celui dans lequel il rapporte la tempête qu’il a traversé. Mais il est vraisemblable que le dramaturge ait aussi puisé à d’autres sources. Ovide et Lucien ont tous deux décrit cette scène où les éléments se déchaînent; Virgile aussi:

«Such peals of thunder never poured from high,

Nor lightnings flashed from so serene a sky.

Red meteors ran across the ethereal space;

Stars disappeared, and comets took their place20».

12Shakespeare n’a pas été le premier auteur à utiliser le tonnerre et les éclairs pour accompagner les signes de mauvais augure – les spectateurs cultivés devaient s’attendre à ce type d’utilisation. Mais de quel type d’héritage théâtral ces effets spéciaux se réclamaient-ils? Outre Dr Faustus, il est probable que l’on utilisait de tels effets dans les cycles médiévaux des «mystery plays» et dans d’autres pièces religieuses. Dans The Conversion of St. Paul,par exemple, on peut lire la didascalie suivante: «Here comyth a feruent, with gret tempest21».«Fervent» n’est pas reconnu comme nom commun dans l’Oxford English Dictionary, mais le sens moderne du terme signifiant «zélé» et «passionné» n’a pas été courant avant le XVIIème siècle. Il est fort probable que «fervent» renvoie à quelque chose de rougeoyant et de brûlant, produisant un effet similaire à celui d’une flamme. Toujours dans la même pièce, on trouve une autre didascalie qui annonce l’entrée en scène de: «a dyvel with thunder and fyre22». Comme le remarque ailleurs Butterworth, les anges aussi sont associés à ces effets: «The Mystery of the Acts of the Apostles at Bourges in 1536 required angels to ‘throw’ lightning at the Jews in an attempt to stop them removing the body of the Virgin Mary23». Les origines du théâtre sont à chercher dans les manifestations religieuses; parallèlement, il semble que les effets spéciaux du feu et du tonnerre sur scène aient des racines œcuméniques. Il est important que les forces du Bien comme celles du Mal soient associées à ces effets: le Bien par les anges des «mystery plays» et, plus tard, dans 1 Henry IV, pour accompagner le serment de Talbot; le Mal par le diable de The Conversion of St. Paul et, plus tard, par Faust et Méphistophélès24. Il va de soi que les bornes sont rarement aussi clairement définies, surtout dans l’œuvre de Shakespeare, puisque Macbeth, King Lear, The Tempest, comme Julius Caesar naturellement,se jouent de définitions aussi claires. Quant il s’agit d’anges ou de démons, toute ambiguïté morale devait être évitée, mais elle pouvait très bien ne pas l’être lorsque qu’on usait du même effet pour les deux. Et même s’ils attendaient à voir des éclairs et à entendre le tonnerre gronder, les spectateurs n’auraient certainement pas été prêts à s’interroger sur la dimension éthique de ces spectacles.

13Or, si les jugements moraux nous échappent, comment savoir quelle était la réaction du public contemporain de Shakespeare face à un orage? Dans quelle mesure sa réaction face à une tempête mise en scène était-elle différente de celle qu’il avait devant une vraie tempête? En mars 1599, tandis que le Globe était en construction et que Julius Caesar était probablement en cours d’écriture, un orage éclata à Londres; il fut relaté par plusieurs chroniqueurs de l’époque. Robert Devereux, second Comte d’Essex, quittait la ville accompagné de ses officiers et de sa cavalerie. C’était la première phase du voyage entrepris par le Comte qui se rendait en Irlande dans le but de mettre un terme à la rébellion de Tyrone. Le Comte s’était vu confier cette mission délicate et périlleuse en raison de l’instabilité des relations qu’il entretenait avec la reine Elizabeth. Mais son départ n’avait pas été immédiat et la rébellion s’était durcie – à dire vrai, ce départ portait déjà en lui les germes d’un moment historique. Nombreux étaient probablement ceux qui souhaitaient que Devereux réussisse cette mission, mais nombreux devaient être aussi ceux qui espéraient que son ambition – sinon lui-même – soit laminée au cours de cette entreprise. C’est l’historien John Stow (1525-1605) qui a fait la description la plus détaillée des événements de cette journée:

«The 27th of March, about two of the clock in the afternoon, the right honourable Robert earl of Essex, lieutenant general, lord high marshall, etc. departed from Seething Lane, through Fenchurch Street, Grace Street, Cornhill, Cheap, etc. towards Sheldon, Highgate, and rode that night to St. Albans, towards Ireland, he had a great train of noble men, and gentlemen, on horseback before him, to accompany him on his journey, his coaches followed him. He had also (by the pleasure of God) a great shower, or twain, of rain and hail, with some claps of thunder as he rode through the city25».

14D’après Stow, ce départ avait tout d’un grand spectacle. On décèle une certaine déférence dans la façon dont il énumère les titres de Devereux, sa suite et le nom des rues qu’ils traversèrent. Pour décrire le temps qu’il faisait alors, Stow use d’une syntaxe similaire, ce qui suggère, par analogie, la même idée de déférence. La parenthèse «by the pleasure of God» rend cette idée explicite: les conditions météorologiques sont comme une toile de fond magnifiquement tissée pour le départ du héros. On peut aussi remarquer la répétition de «He had» qui non seulement met en parallèle la description du cortège de Devereux et celle du temps, mais renforce un peu plus l’idée que l’environnement tout entier (et donc Dieu lui-même) est aux côtés du Comte. S’il fallait voir un augure dans les conditions météorologiques, il est certain que Stow le voulait bon. Afin de mettre en contexte les commentaires de Stow, nous pouvons les mettre en regard d’un compte-rendu qu’il fit d’une «tempête de vent» en novembre 1574:

«The eighteenth day at night, were very stormy and tempestuous winds out of the south… These are to be received as tokens of God’s wrath ready bent against the world for sin now abounding, and also of his great mercy, who doth but only show the rod wherewith we daily deserve to be beaten26».

15On voit ici que la façon dont Stow relate ces tempêtes dépend (du moins occasionnellement) de son interprétation des intentions divines qui se manifestent dans le temps. Bien que ces deux orages soient inattendus, ils restent inoffensifs, et Stow ne mentionne aucun dégât qu’ils auraient pu occasionner27. Ces deux orages sont néanmoins présentés de façon très différente. Il n’y a pas la moindre trace de châtiment divin dans la description du départ de Devereux; il n’y a pas la moindre allusion à un état de grâce dans le texte relatant la tempête de 1574. Il semble donc évident que Stow, en filigrane, soutient Devereux et l’admire. N’est-il pas assez révélateur qu’un même auteur puisse raconter deux tempêtes inoffensives de façon si différente? L’interprétation changeante que l’on peut avoir du temps ne dépend que rarement du temps lui-même; elle est souvent liée à d’autres facteurs. Qu’il s’agisse de la sphère politique ou de la sphère religieuse, le temps qu’il fait, littéralement, a toujours un lien avec un climat métaphorique. La description que Stow fait de l’orage soudain qui éclata lors du départ de Devereux nous éclaire sur le temps certes, mais aussi sur sa tendance à l’interpréter comme un signe de bienveillance – elle nous dit son admiration pour le Comte d’Essex, ou du moins l’espoir qu’il place en lui. Dans Julius Caesar, lorsque Casca interprète les prodiges créés par la tempête comme autant de mauvais augure, Cicéron remarque : «men may construe things after their fashion / Clean from the purpose of the things themselves» (I.3.34-35). Cette remarque confirme ce que le rapport de Stow laissait entrevoir: la météorologie porte toujours l’empreinte suspecte de l’idiosyncrasie et de la malléabilité, et les faits comme tels n’y jouent qu’un rôle mineur.

16Les descriptions de Stow, avec leur registre religieux, sont tout ce qu’il a de plus classiques. C’est l’interprétation de ces tempêtes qui importe. Même si leur signification n’a rien à voir avec la croyance religieuse, elle demeure invariablement nourrie de superstition. Leonard Digges nous en donne un exemple dans A Prognostication Everlasting of Right Good Effect :

«Thunders in the morning, signify wind: about noon, rain: in the evening great tempest. Some write (their ground I see not) that Sunday’s thunder, should bring the death of learned men, judges and others.

Monday’s thunder, the death of women.

Tuesday’s thunder, plenty of grain.

Wednesday’s thunder, the death of harlots, & other bloodshed.

Thursday’s thunder, plenty of sheep and corn.

Friday’s thunder, the slaughter of a great man, and other horrible murders.

Saturday’s thunder, a general pestilent plague & great death28».

17Il est clair que Digges ne partageait pas de telles croyances et qu’il les regardait d’un air suspicieux («their ground I see not»), mais le fait qu’il les consigne est tout de même significatif.

18De façon similaire, dans A Contemplation of Mysteries,publié en 1574, Thomas Hill répertorie les superstitions qui s’attachent au tonnerre. Cet ouvrage, édité par Hill, est en fait une compilation des observations météorologiques faites par de nombreux penseurs. On y lit:

«The learned Beda wryteth, that ifthunder be first heard, comming out of the East quarter, the same foresheweth before the yere go about or be ended, the great effusion of bloud.

That if thunder first heard out of the West quarter, then mortalitie, and a grieuous plague to insue.

That if thunder be first heard out of the South quarter, threatneth the death of many by shipwrack.

That if thunder be first heard out of the North quarter, doth then portend the death of wicked persons, and the ouerthrowe of many29».

19Une fois de plus, c’est la mort qui occupe le devant de la scène : le tonnerre annonce effusions de sang ou maladies, quelle qu’en soit la provenance. Dans un ouvrage plus tardif sur l’interprétation des rêves, Hill écrit, comme pour confirmer le passage cité ci-dessus : «besides wheresoeuer the fyre [in the skye] shalbe or where it is carried vp, as from ye North, South, West, or East, & from thense enemyes come, or els neare those regions or countryes, dearth shall be30».Ceux qui craignaient les augures des orages et redoutaient de rêver de tempêtes eux-mêmes ne furent sans doute pas rassurés lors la progression de Devereux, lorsque ce dernier dut faire face à une tempête pendant sa traversée pour l’Irlande.

20Les superstitions consignées par Digges, Hill et bien d’autres furent probablement considérées par de nombreux lecteurs comme des paramètres du tonnerre qui accompagna le Comte d’Essex. Certains spectateurs, attirés par le cortège de Devereux, avaient dû, comme Stow, voir dans la météorologie un signe de bon augure, tandis que de nombreux autres avaient dû y lire un mauvais présage. Dans plusieurs des biographies de Devereux et d’Elizabeth, on trouve un paragraphe qui paraphrase la description de Stow avant d’en venir à la conclusion que cette tempête «seemed to the more suspiscious a bad omen31». Bien que la majorité des biographies n’avance aucune preuve à l’appui, Alison Weir souligne que Francis Bacon, qui écrivit à ce sujet bien des années plus tard, avait déclaré que cet orage «held an ominous prodigy» et que «[he] did plainly see [Essex’s] overthrow chained by destiny to that journey32».

21Une météorologie étrange combinée à un événement important, c’était l’assurance même que l’on se souviendrait de ces événements. Comme le remarque Shapiro:

«[The afternoon weather] made so powerful an impression on the translator John Florio that, over a decade later, he included it in a dictionary as the definition of the word ‘Ecnéphia’: a kind of prodigious storm coming in summer, with furious flashings, the firmament seeming to open and burn as happened when the Earl of Essex parted from London to go to Ireland33».

22Florio ne semble pas être gêné par le fait que cet orage auquel il se réfère pour définir le terme «Ecnéphia» n’ait pas eu lieu en été – ce qui est pourtant un des éléments de la définition – mais en mars. Je pense que cela témoigne à la fois de l’impact que cet orage eut sur Florio, et, comme il le montre implicitement, de l’impact qu’il eut sur ses lecteurs. Il est plus significatif de choisir un exemple présent dans la mémoire collective, même si celui-ci n’est pas en parfaite adéquation avec la définition. Tel est le pouvoir d’un temps spectaculaire, surtout quand il se déchaîne à des moments forts en intensité qui peuvent aisément se graver dans la mémoire des témoins. On interprète pourtant l’orage, et quel que soit le présage qu’on lui attribue, il est probable qu’on s’en souvienne longtemps après ces interprétations et présages qui, eux, seront tombés dans l’oubli.

23Alors qu’Antoine dévoile le corps de César et l’expose au regard des citoyens rassemblés, le premier plébéien s’exclame: «O, piteous spectacle!» (III.2.200). Si l'on changeait légèrement le ton de cette réplique, on lui pourrait lui donner un sens méprisant à la Ben Jonson. J’ai tenté de montrer, dans cet article, que Jules César ne comprend pas de « spectacle pitoyable». Aucun spectacle pitoyable dans la qualité du jeu de la troupe des «Chamberlain’s Men», ni dans le son des batailles se faisant entendre de loin et dans celui des combats se rapprochant, ni, pour finir, dans la première tempête mise en scène par Shakespeare, s'inscrivant autant dans l’ère de son temps que dans celle de la Rome Antique.

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Notes

1  L’ordre chronologique des pièces a été, est et sera sans doute débattu pendant de nombreuses années encore, mais je crois que, pour ce qui est de ce point, je trouverai peu de contradicteurs. David Daniell, dans l’édition Arden la plus récente, dit à ce propos que Julius Caesar est: «Shakespeare’s first extended thunder», William Shakespeare, Julius Caesar, ed. by David Daniell, London, Thomson Learning, The Arden Shakespeare, (1998) 2006, p. 3.

2  Voir Steve Shomer, Shakespeare’s Mystery Play: The Opening of the Globe Theatre, 1599,Manchester, Manchester University Press, 1999, passim. Sohmer en arrive à la conclusion irréfutable que l’inauguration du Globe eut très probablement lieu le 12 juin 1599 (selon le calendrier julien) et il ne néglige aucun des innombrables d’indices, aussi infimes soient-ils, suggérant que la pièce présentée fut alors Julius Caesar.

3  James Shapiro, 1599: A year in the life of William Shakespeare, London, Faber, 2005, p. 126.

4  Martin Spevack, dans son édition de Julius Caesar, Cambridge, CUP, 2003, p. 67.

5  Je crains (même si je ne peux en être absolument certain) que l’usage de cet artifice, appelé «thunder-sheet», ne soit en réalité postérieur à l’époque de Shakespeare, et ce d’au moins plusieurs décennies. L’Oxford English Dictionary, quant à lui,date la première occurrence du terme en 1913.

6  Cité dans William Shakespeare, Julius Caesar, edited by A. Humphrey, Oxford, OUP, 1984, p. 119.

7  Ibid., p. 119

8  Sachant qu’au moment où Every Man In His Humour était publié,cet engouement n’aurait été manifeste que dans Julius Caesar, mais qu’en 1616, il l’aurait été dans toutes les grandes tempêtes de Shakespeare, cela se tient. Jonson était sans doute assez sûr de sa réputation pour se rire des dialogues de Julius Caesar. En outre, il y a de quoi faire une étude comparative conséquente entre la pièce de Jonson et Julius Caesar, puisque ces deux œuvres ont pour socle la théorie des humeurs (mais ce n’est pas ici le lieu de le faire).

9  Philip Butterworth, Theatre of Fire: Special Effects in Early English and Scottish Theatre, London, Society for Theatre Research, 1998, p. 44.

10 Ibid., p. 44.

11 Ibid., p. 44.

12  Fredson Bowers (ed.), The Complete Works of Christopher Marlowe, Vol. 2, Cambridge, CUP, 1981.

13  Hormis pour celles dont l’édition est précisée en note, toutes les citations de Shakespeare sont tirées de l’édition Norton (ed. Greenblatt et al., London, Norton, 1997).

14  Voir Keith Thomas, Religion and the Decline of Magic,London, Weidenfeld and Nicholson, 1971, p. 15-17 et passim.

15  Il est probable que les pièces de Marlowe aient continué à se jouer au «Rose theatre» jusqu’au départ de la troupe des «Admiral’s Men» pour le «Fortune theatre». Outre Dr Faustus, Didon comporte une tempête (III.4). Je ne trouve cependant aucune trace permettant d’affirmer la présence de tonnerre ou d’éclairs dans les pièces qui sont parvenues jusqu’à nous, et qui semblaient avoir été créées et mises en scène au même moment que Julius Caesar. Le «Red Bull theatre», où le spectaculaire allait atteindre son apogée, n’existait pas encore.

16  Je remercie Claire Van Kampen, l’ex-directrice musicale du Globe Theatre (Londres), qui m’a aidé à clarifier ce point. De plus amples clarifications sont apportées dans l’ouvrage de Bruce Smith, The Acoustic World of Early Modern England,Chicago, University of Chicago Press, 1999, p. 219.

17  Giuseppi Verdi, La traviata; opera in three acts, Libretto by Francesco Maria Piave, English version by Natalie Macfarren, Edited and the pianoforte acc. rev. by Berthold Tours, New York, G. Schirmer, 1926, p. 66.

18  T. J. B Spencer (ed.), Shakespeare’s Plutarch: the lives of Julius Caesar, Brutus, Marcus Antonicus, and Coriolanus in the translation of Sir Thomas North,London, Penguin, 1964, p.86.

19  Peut-être que la tempête de Shakespeare est trop violente pour certains, lesquels affirment que Plutarque ne décrit que des éclairs. Les éditeurs d’Oxford, par exemple, écrivent: «As for the portents preluding Caesar’s murder (I.3 and II.2) most are in Plutarch – thunder and lightning, fire-charged tempest… » (p.28), alors que plus tard, ils disent le contraire en notes. Ce que je peux affirmer au mieux pour en donner confirmation, c’est que le tonnerre et les éclairs (accompagnés de tremblements de terre et d’autres «prodiges») sont aussi mentionnés comme présages de meurtre dans le Cicéron de Plutarque – mais cela n’a rien à voir avec César.

20  Virgil, Georgics I, 665-8. Traduit par Dryden http://gateway.proquest.com/opernurl?ctx_ver=
Z39.882003&xri:pqil:res_ver=0.2&res_id=xri:lion&rtf_id=xri:lion:
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. (Site consulté le 31 mars 2008).

21  Cité par Philip Butterworth, op. cit.,p. 6. Lors de la conférence intitulée «Shakespeare et le spectaculaire» (Université de Poitiers, 14-15 février 2008),Richard Hillman a poliment attendu l’heure de la pause pour me demander s’il était possible qu’une erreur de lecture ait transformé «servant» en «fervent», avec la similitude des «s» et des «f» dans la typographie de l’époque. Je dois reconnaître que cette idée ne m’avait pas traversé l’esprit. Je n’ai pas vu le manuscrit, mais l’argumentation de Butterworth à ce sujet (voir p. 41-42), et à d’autres semblables, ne laisse que peu de doute sur le fait que l’on a bien à faire à un «f».

22  Cité par Philip Butterworth, op cit. p. ?

23  Philip Butterworth, op. cit., p. 45.

24  Quand je parle du «Bien», je reste bien entendu dans le cadre du texte d’origine et je reprend ses propres termes – loin de moi l’idée de prendre parti, ni pour ceux qui ont lancé des flammes sur les Juifs, ou sur quiconque, ni pour ceux qui, pour cette raison, ont juré d’avoir leur revanche sur les Français.

25  John Stow, The Annales of England,London, Ralfe Newbery,1601, p. 1304.

26  Ibid., p. 1149.

27  John Stow relate des tempêtes aux dégâts bien plus importants dans ses Annales. Cette mise en regard contrastive sert uniquement à se faire une idée sur le ton utilisé par l’auteur.

28  Leonard Digges, A prognostication everlasting of right good effect,London, Felix Kyngston, 1605, p. 7. Il se trouve que le 27 mars 1599 fut un mardi (selon le calendrier julien), c’est-à-dire l’un des deux jours où il n’était pas prédit que la mort frapperait. Les Ides de mars, en 44 avant J.C., avaient dû tomber un mardi – et non un vendredi comme je l’espérais. Il n’en reste pas moins que, dans les croyances à l’époque de Shakespeare, il y avait un lien étroit entre le tonnerre et les prédictions de meutres.

29  Thomas Hill, A contemplation of mysteries, London, Henry Denham, 1574, p. 52.

30  Thomas Hill, The moste pleasuante arte of the interpretacion of dreames, London, Thomas Marsh, 1576, p. 160.

31  G. B. Harrison, The Life and Death of Robert Devereux Earl of Essex, London, Cassell and Co., 1937, p. 216. Voir également Robert Lacey, Robert Earl of Essex: An Elizabethan Icarus, London, The History Book Club, 1970.

32  Alison Weir, Elizabeth the Queen, London, Pimlico, 1998, p. 441.

33  James Shapiro, 1599: A Year in the Life of William Shakespeare, London, Faber, 2004, p. 117-118.

Pour citer ce document

Par Gwylim Jones, ««Thus much show of fire» : tempête et spectacle lors de l’inauguration du théâtre du Globe», Shakespeare en devenir [En ligne], Shakespeare en devenir, N°2 — 2008, mis à jour le : 03/04/2023, URL : https://shakespeare.edel.univ-poitiers.fr:443/shakespeare/index.php?id=140.

Quelques mots à propos de :  Gwylim Jones

Gwilym Jones is at the University of Sussex, England, and is currently writing up his D.Phil thesis, Shakespeare’s Storms. He is a member of the research team at Shakespeare’s Globe theatre, where he co-ordinated research for the 2008 production of King Lear, and where he teaches classes on cue-scripts and the history of the playhouses. As part of the Globe’s partnership with Rutgers University, he prepared material for, and taught, a module for acting students on Renaissance reading. He also wr ...