- Accueil
- > Shakespeare en devenir
- > N°1 — 2007
- > I. Réécritures théâtrales
- > Les 7 Lears de Barker : pour une généalogie de la Catastrophe
Les 7 Lears de Barker : pour une généalogie de la Catastrophe
Par Élisabeth Angel-Perez et Vanasay Khamphommala
Publication en ligne le 12 janvier 2007
Résumé
How can one write after Shakespeare’s seminal yet terminal play? Howard Barker solves the problem by writing, after Shakespeare, a prelude to King Lear. Barker’s Seven Lears ends where Shakespeare’s King Lear begins and reads less like a rewriting than like a chronological, genealogical, archeological investigation about Shakespeare’s already catastrophic play. Barker here suggests hermeneutical elements to help us understand King Lear but simultaneously deprives them from any justifying impact. Seven Lears proposes to go back to the sources of King Lear but refuses to elucidate the mysteries of the play: Seven Lears seems an impossible attempt to come to terms with logic in a universe obtrusively described as arbitrary. Furthermore, Barker speaks of “literary necrophilia” when it comes to revisiting classical texts, situating his intertextual enterprise on the side of abjection or evil: the Barkerian paradox lies in the author’s proclivity to repudiate morals while making use of its codes. Barker, like Gloucester in the play, becomes the lover and not only a mere borrower of the texts he digs up from his macabre pantheon. Thematized, necrophilia is thus turned into one of the prevailing modes of Barker’s Theatre of Catastrophe whose perverse seduction seeks to create, beyond logic and morals, a theatricality in which anxiety is the condition of beauty.
Texte intégral
1Comment écrire après King Lear ? Le problème se pose à un double niveau : d’abord, parce que King Lear s’achève sur le constat d’une dévastation, après laquelle il semble impossible de dire quoi que ce soit. Ensuite, parce que King Lear s’est imposé comme un sommet littéraire et dramaturgique indépassable. Barker trouve une issue inattendue et provocante à cette impasse en écrivant après Shakespeare une sorte de prélude à l’action de King Lear. La pièce de Barker s’achève en effet au moment où commence celle de Shakespeare. Lear lui-même résume le projet de la pièce dans le deuxième tableau : « I was born ancient, and I must discover infancy1 » (p. 137). Si King Lear est une œuvre de dévastation, Barker va s’employer à en rechercher les germes dans la continuité du projet catastrophique qui caractérise sa dramaturgie. Il met en évidence les failles autour desquelles Shakespeare construit son texte et telles qu’elles s’illustrent dans la citation placée en exergue de Seven Lears : « The best and soundest of his time hath been but rash… » (King Lear, 1.1). L’antinomie entre le rationnel (sound) et l’irrationnel (rash) que souligne Goneril fonde le projet dramaturgique de Barker. Seven Lears s’envisage ainsi moins comme une ré-écriture que comme une enquête chronologique, généalogique, archéologique, sur King Lear, pièce dans laquelle la logique, précisément, est mise à l’épreuve tant par la folie, réelle ou simulée, des personnages que par les actions qui en découlent dès le partage initial du royaume par Lear et sa répudiation de Cordelia.
2La particularité du travail de Barker consiste ainsi à suggérer des éléments d’explication tout en invalidant leur portée justificatrice. Comme toujours chez Barker, les velléités herméneutiques du spectateur sont systématiquement déjouées. Fidèle aux choix esthétiques exposés dans les textes théoriques qui prônent le refus d’une clarté tenue pour fascisante2, Seven Lears se présente comme une pièce paradoxale qui se propose de remonter aux sources de l’histoire de Lear mais se refuse à l’éclaircir. Seven Lears est l’impossible tentative d’une démonstration logique au sein d’un univers emphatiquement décrit comme arbitraire.
What compels an author – at various moments in his progress – to engage in this literary necrophilia is in the broader sense, a matter of personal psychology. I have talked of the lacunae and silences apparent to me in the works of certain classic authors. Other writers would discover different ones, but in examining my own motives for returning rather frequently to what – depending on your point of view – is either the charnel house or the pantheon of European drama, I can discern at once that I am not compelled by the preposterous chimera of making old work “relevant”. I have shunned relevance with every text I have written, which may explain the continuing relevance of them to cultural experience far beyond my own. If art is relevant to anything, it is so by accident, and its task is to survive its own relevance and lodge at some deeper stratum of consciousness, immune to time if not to idiom. The relevant is always transparent, instantaneous, facile, newsworthy – and, because art is essentially a mystery, to inject it with the stimulant of the modern is only to make it dance in a frantic and drug-addicted way. My motives have been both more and less reverential than the obsession with “up-dating”3…
3Ces propos que Barker fait paraître dans les Arguments pour un théâtre pratiquement à l’époque où il compose Seven Lears exposent clairement les enjeux de son retour aux grands textes classiques. Travailler ou retravailler les figures mythiques, ce que Barker pratique régulièrement, c’est s’intéresser à ces « strates profondes » qui construisent l’humain, au-delà de tout chronotope spécifique. C’est bien aux modes de structuration de la psyché – elle aussi, à l’image du personnage éponyme, « born ancient » mais rêvant de découvrir la petite enfance et le stade pré-verbal – que s’intéresse Barker. Seven Lears, comme avant cela The Love of a Good Man, extrapolation de la scène du cimetière dans Hamlet ou plus tard Gertrude–the Cry, pose la question de savoir comment l’homme social peut échapper aux pré-requis ou prédigérés de la société morale dont il est le produit (Qui dit que l’innocence est une bonne chose ? Qui prétend que la vérité, c’est le bien ?).
4Cependant, parler, comme le fait Barker, de « nécrophilie » alors qu’il s’agit de revisiter des classiques, c’est déjà placer du côté de l’abject (du péché ?) et de la passion ou du désir, donc du mal, une pratique intertextuelle pourtant bien répandue en cette ère postmoderniste. Le paradoxe de Barker est là tout entier : réfuter la morale en utilisant ses codes. Ainsi Barker, tel Gloucester dans la pièce, se fait l’amant – et non pas le simple emprunteur – des textes du charnier-panthéon : « When I was a beggar I made lovers of the dead » (p. 182). La pièce propose en effet avec le personnage de Gloucester une métaphore de son propre fonctionnement. Thématisée, la nécrophilie est érigée en principe d’écriture.
5C’est donc à ce type d’intertextualité d’un autre ordre, au centre d’un débat passionnel et matriciel, que Barker a recours pour construire une pièce catastrophiste où les certitudes du lecteur-spectateur sont, au pire ébranlées, au mieux totalement déconstruites : c’est là le sens premier de la « catastrophe » selon Barker, ce retournement des valeurs dont le texte de Shakespeare se fait le tremplin.
I. Nécrophilie : Lear-Machine
6Le thème de la famille, dont Barker affirme qu’il est central dans King Lear4, pose explicitement la question de la parenté et donc thématise de fait la pratique hypertextuelle, tout en se prêtant particulièrement bien à cette subversion morale que l’auteur se donne pour programme. La pièce de Shakespeare présente en effet nombre de situations limites que Barker ne manque pas de reprendre à son compte. La question de la filiation y est particulièrement problématique : Goneril et Regan piétinent les devoirs de la piété filiale, tandis qu’Edmund inscrit dans la tragédie le thème de la filiation frelatée, de la bâtardise. De la même manière, les liens héréditaires entre Seven Lears et King Lear sont placés sous le signe du doute, de l’arbitraire, de la transgression. Refusant la continuité légitime, Barker préfère employer des chemins adultérins pour enfanter sa propre tragédie : Cordelia, fille préférée de Lear, se révèle être dans la pièce de Barker la bâtarde de Kent.
7Un certain nombre d’éléments, bien sûr, relient immanquablement les deux pièces, à commencer par le personnage titre et certains des personnages qui apparaissent dans la pièce de Shakespeare : Kent, Gloucester, et ses trois filles, Goneril, Regan et Cordelia. Mais loin d’annoncer la pièce de Shakespeare, Seven Lears la compromet, la rend improbable : à peine la pièce commencée, Lear déclare qu’il ne sera jamais roi (« I shan’t be king », p. 126). Le loyal Kent fomente contre la vie de Lear et pousse sa femme à l’adultère. Le noble Gloucester est tiré par Lear du ruisseau, annonçant ironiquement son retour à l’errance dans la pièce de Shakespeare. Enfin, les « filles-pélicans », loin de maudire leur père, joignent ici leur force contre leur mère, Clarissa. Barker nous pousse donc constamment sur des fausses pistes qui égarent le lecteur et le spectateur et vont à l’encontre de leurs intuitions, les plongeant dans la perplexité. Existe-t-il un rapport entre Oswald, l’intendant de Goneril dans King Lear, et le soldat homonyme du troisième tableau ? entre Horbling, bouffon anciennement ministre, et le bouffon de Shakespeare dont il partage l’importance dramaturgique et la folie prophétique ? Loin de résoudre ces questions, les autres personnages créés par Barker contribuent au contraire à déstabiliser le texte source en offrant des éclairages radicaux et souvent contradictoires sur la pièce de Shakespeare. Ainsi, la présence de l’évêque semble inciter à l’exégèse chrétienne en même temps que son discours, fort peu orthodoxe, invite à la circonspection quant aux conclusions qu’on pourrait tirer d’une telle lecture. L’inventeur, quant à lui, brouille l’ancrage temporel déjà complexe de la pièce en amenant sur scène un avion (p. 153) qui rappelle les expérimentations de la Renaissance (on pense à Léonard de Vinci) autant que la modernité.
8De même qu’il déstabilise les personnages de Shakespeare, lorsque Barker lui emprunte un motif, c’est souvent de telle manière que le lien entre les deux pièces paraisse relever d’une coïncidence, même savamment orchestrée, plutôt que d’une continuité. Ces allusions se donnent comme des rappels de motifs dont le sens reste opaque : la coïncidence, en réfutant la logique, devient la négation d’un sens fondé sur la continuité. La première scène met ainsi le spectateur en présence de Lear et de ses deux frères aînés, dans une fratrie qui annonce celle de Cordelia et de ses deux soeurs5. Ces deux frères, à peine apparus, se tuent en tombant d’une falaise, rappelant cette fois le motif de la falaise imaginaire d’où Gloucester souhaite se précipiter dans King Lear. Barker, en recombinant les éléments de la tragédie de Shakespeare, défait leur apparente continuité logique, les présente comme le fruit d’une combinatoire qui ne doit rien à la continuité et tout au hasard. D’autres éléments directement empruntés à King Lear parsèment ainsi le texte de Barker, mais toujours avec cette ambiguïté qui force le lecteur et le spectateur, en même temps qu’ils relèvent l’allusion, à s’interroger sur sa pertinence ou même sa logique. Le champ de bataille dévasté dans lequel a lieu le troisième tableau tient autant de la lande désolée du troisième acte – le décor est décrit comme un pays désolé, « a devastated country » (p. 149) – que du cinquième acte de King Lear. Dans le sixième tableau, c’est dans un élan d’amour filial que Goneril et Regan couronnent Lear de fleurs (p. 176). Les liens entre Seven Lears et King Lear apparaissent ainsi toujours au mieux contradictoires, au pire fortuits, et permettent à Barker de mettre en place une logique du chaos propice à l’émergence d’une spéculation morale des plus radicales.
9Cette logique du chaos n’est pas sans contaminer les structures profondes de la pièce qui, sous un simulacre d’organisation rationnelle (l’organisation numérique des scènes, leur progression chronologique), mettent en œuvre le principe de hasard bien plus que celui de causalité. Certes quelques repères temporels sont livrés au lecteur-spectateur : ce sont les sept âges de l’homme que Barker visite, sept comme les sept jours nécessaires à Dieu pour créer le monde (« a mere seven days », p. 154) ; on peut supposer que neuf mois symboliques s’écoulent entre la fin du deuxième Lear (« we want to be born », p. 139, signale que l’acte procréateur est imminent) et l’avènement d’un Lear adulte dans le troisième fragment (« Clarissa. My child comes! » p. 150). Aux effets d’anachronisme évoqués plus haut, vient s’ajouter la pratique récurrente du décrochage temporel : les filles de Lear prennent la parole avant même d’être « diégétiquement » nées, faisant jaillir, à la manière de Tristram Shandy, une instance narrative très improbable et dont on se demande par quel tour de force la représenter : « Goneril / Regan. We want to be born! We want to be born! » (p. 139), ou « Goneril. My birth! My birth was far from easy! » (p. 150).
10Cette logique du discontinu contamine ainsi tout le tissu textuel : tout comme s’opèrent d’innombrables décrochages temporels qui empêchent l’ancrage historique strict pensé comme réducteur ; on ne repère aucune cohérence dans les niveaux énonciatifs. Aux dialogues qui perdurent, vestiges d’une dramaturgie d’antan, se superposent des voix narratives d’origine variée. À la position d’énonciation intenable des filles non encore nées de Lear, s’ajoute la réécriture de la convention chorique héritée de la tragédie grecque : « the Gaol », cette voix des bas-fonds qui continue de parler post-mortem et reprend à son compte le rôle anciennement moralisateur du Chœur, ancre encore davantage le théâtre de Barker dans la spectralité (une spectralité toute brookienne6), le spectacle de l’invisible. Les intrusions épiques sont nombreuses qui viennent interrompre le tissage dramatique, résorbant parfois les deux instances en un poème dans la pièce (p. 146, 153). Là encore, ce qui intéresse Barker, c’est bien le travail des limites, des frontières entre les genres et entre les textes.
11Barker achève de brouiller ces limites et de problématiser la question de l’hérédité textuelle en frayant avec un autre intertexte : Seven Lears annonce ainsi Hamlet autant que King Lear. Dès la première page, l’odeur de putréfaction de la geôle rappelle la puanteur du sol danois décrite par Shakespeare (« Something rotten, can you smell? », p. 125), tandis que Kent, s’exclamant « Oh, words, oh, words kill words » (p. 175), semble gloser le célèbre « Words, words, words ». Surtout, en adoptant la pose du penseur mélancolique tenté par le suicide (« I should contemplate suicide », p. 145), le Lear de Barker, bouleversé par la mort de son père (p. 134), rappelle immanquablement Hamlet7. Le dramaturge emprunte également à la tragédie danoise la complexité des situations, et notamment des triangulations amoureuses et incestueuses : de même que Gertrude désire à la fois son mari et son frère (lui-même double et homonyme de son fils), Lear convoite à la fois la mère (Prudentia) et sa fille (Clarissa). En faisant de Lear l’amant de Prudentia, qui se décrit elle-même comme un substitut de sa mère (« I gave him birth more so than his mother », p. 171), Barker réactive d’ailleurs les potentialités oedipiennes puissamment présentes dans Hamlet. Ces potentialités s’expriment avec force à la fin de la pièce, dans l’allusion indécente que Cordelia fait à son véritable père, Kent8, mais surtout dans l’acte de matricide qui scelle l’union de Lear et de ses filles.
12Ce matricide est la plus importante, la plus provocante aussi, des spéculations de Barker sur King Lear. Il s’en explique dans son introduction à la pièce, qui emprunte explicitement son vocabulaire à la psychanalyse :
Shakespeare’s King Lear is a tragedy with a significant absence.
The Mother is denied existence in King Lear.
She is barely quoted even in the depths of rage or pity.
She was therefore expunged from memory.
This extinction can only be interpreted as repression.
She was therefore the subject of an unjust hatred.
This hatred was shared by Lear and all his daughters.
This hatred, while unjust, may have been necessary.
13Or cette élimination de la Mère, prise comme métaphore métatextuelle, est révélatrice : au sein même de sa pièce, Barker crée et détruit le personnage de Clarissa, personnage d’autant plus central qu’il est, dans la pièce, le porte-parole privilégié de la vérité. Avec Clarissa qui, comme le Lear de Shakespeare dans sa prison, s’identifie avec l’oiseau en cage9, Barker agite devant le nez du spectateur une clef de lecture, une vérité qui semble fonder le sens, mais pour l’en priver aussitôt avec violence (la scène de la mort de Clarissa, dans le sixième tableau, est à cet égard particulièrement cryptique). Le meurtre de Clarissa se révèle ainsi l’ultime acte de répudiation du sens et réactive ainsi rétrospectivement l’étrangeté de King Lear, érodée par la tradition et l’habitude : « This speculation – in effect a moral transgression erupting inside a known and to some extent, now placid story, governs my description of the early life of Lear in the play Seven Lears10 ».
14Loin de combler ou d’expliquer King Lear, Barker s’efforce ainsi, dans Seven Lears, de creuser les béances du texte de Shakespeare, de réactiver ses ruptures, sa discontinuité, sa profonde irrationalité. Il défamiliarise ainsi le matériau de la pièce source en prenant à rebours les attentes du spectateur, en le redistribuant aléatoirement dans la pièce, ou bien en empruntant à une source autre, comme pour saper dans leur fondement nos velléités explicatrices, notre désir de construire une continuité entre les deux pièces. Seven Lears et King Lear s’articulent ainsi autour d’un gouffre, d’une absence : l’absence de Mère, que Barker érige en figure d’une absence plus fondamentale, l’absence de sens. Barker fait ainsi du meurtre de Clarissa l’acte fondateur de King Lear et de son esthétique théâtrale : la liquidation de la prétention au sens, la répudiation de la vérité.
15Toutefois, si Seven Lears marque une telle discontinuité narrative avec la pièce dont il se revendique pourtant le prélude, c’est peut-être pour souligner, à un autre niveau, une similitude d’autant plus troublante. En effet, si Seven Lears emprunte à Shakespeare, c’est sans doute essentiellement dans sa façon de mettre le réel (lear est l’anagramme de real et le paronyme de liar) à l’épreuve de la théâtralité, d’installer une théâtréalité propre à faire vaciller les frontières entre le théâtre et le réel. Lear, prince des menteurs et roi des fous, devient ainsi, dans la pièce de Barker, un problème théâtral autant qu’un personnage, un Lear-Machine qui n’est pas sans rappeler le travail d’Heiner Müller sur Hamlet ou de Carmelo Bene sur Richard III. Récupérant à son avantage la longue tradition théâtrale qui auréole le personnage de Shakespeare, le Lear de Barker contamine l’ensemble de la pièce de son hyper-théâtralité : en insistant constamment sur sa propension au mensonge, il souligne sa nature fictionnelle (il est à trois reprises décrit comme un personnage, p. 130, 144 et 148) dans une théâtralité à la fois dénoncée et revendiquée.
16Cette théâtralité exacerbée repose sur une discontinuité extrêmement marquée et sur un refus de l’univocité qui vient rétroactivement rappeler que le personnage de Shakespeare est, en tant que personnage de théâtre, voué à l’itération, à la multiplicité, que tout Lear ne peut être qu’un Lear parmi d’autres. En appliquant sciemment la désinence du pluriel au nom de son protagoniste, Barker souligne la spécificité du texte théâtral, sa tension permanente entre l’unique et le multiple. Le contraste entre le singulier du titre de Shakespeare, le chiffre cardinal et le pluriel du titre de Barker ainsi que la numérotation ordinale des scènes (First Lear, Second Lear etc…) pose à lui seul la question : n’y a-t-il qu’un seul Lear ? A-t-on affaire à sept Lears différents ou bien à sept incarnations successives d’un même personnage ? Cette démultiplication du personnage pose un problème proprement théâtral, en venant redoubler la duplicité initiale propre au théâtre, et notamment au comédien, qui est à la fois lui-même et son double. Lear lui-même est prompt à souligner sa propre discontinuité, et la polysémie de lie vient ici à propos souligner le mensonge qui fonde l’illusion théâtrale :
Yes.
But that was another Lear.
Already I don’t know him. He also lies among the reeds. (p. 142)
17L’hyper-théâtralité de Lear est telle qu’elle en vient à dépasser le simple artifice méta-théâtral qui consisterait à dénoncer l’irréalité de la scène au profit d’une prétendue réalité. À un simple dédoublement méta-théâtral du réel, Seven Lears oppose une démultiplication hyper-théâtrale dans laquelle aucune réalité ne permet de calmer l’anxiété du spectateur quant à la relativisation de son existence. C’est en effet en dépit, ou plutôt en vertu de sa théâtralité, que Lear s’impose à l’existence : « Hold me…! I’m real…! I do exist, don’t I? Hold me…! » (p. 143). Lear subvertit le lien qui unit traditionnellement le vrai au réel en affirmant avec force la réalité du mensonge. Dans sa théâtralité sans fond, Lear se situe au-delà de la notion de vérité, et dès lors au-delà de la moralité, dans une fiction qui n’a plus d’envers non-fictionnel pour lui servir de justification ou d’échappatoire.
18Si Barker déstabilise la logique narrative de King Lear en lui composant un prélude qui se joue de la cohérence et des probabilités, c’est pour affirmer avec force sa dimension théâtrale, une dimension dont la qualité principale est précisément de remettre en question la nature du réel. En infirmant la logique et en affirmant la primauté de la théâtralité, Barker s’affranchit donc de nos habitudes rationnelles et éthiques, des contraintes de la cohérence et de la réalité, et crée dès lors les conditions d’une remise en question radicale de la morale.
II. Généalogie de l’amoral : Lear-Catastrophe
19L’au-delà de la morale, c’est bien le lieu par excellence du théâtre tel que le définit Barker, le théâtre d’art ou l’art du théâtre, par opposition au simple théâtre11. Depuis ses premières pièces et ses premiers écrits théoriques, Barker s’efforce de définir ce lieu unique – a-moral et, paradoxalement pour ce lieu collectif qu’est le théâtre, presque a-social : un lieu où le spectateur se trouve plongé dans « une condition de suspension morale12 » qui lui permet de se rencontrer, et où il se retrouve seul à vivre une expérience unique parce qu’elle lui est propre. Si plus que vers aucun autre, c’est vers le texte de Shakespeare que se tourne Barker, c’est parce que Shakespeare est, selon Barker, le dernier à échapper à l’ère de la morale :
My work is vastly more successful in Europe, America, or Australia than it is here. The reason is simple enough – the English (I cannot speak of the Scots) are moralistic and have made moralising their discipline since the reformation. They like to be told what to think, and their literary heroes are moralists. Shakespeare was the last English writer who was not a moralist13.
20Plus que tout autre, Le Roi Lear est une pièce qui travaille la sortie de la morale. Talonnée de près par Richard III qui célèbre / entérine le triomphe poétique du mal, la pièce est, de tout le répertoire shakespearien, celle dont on a pu dire qu’elle se situait par-delà le bien et le mal, dans un au-delà nihiliste difficilement dépassable. Contrairement à ce qui se produit avec Middleton, dont Barker réécrit Women Beware Women en en transformant radicalement la portée morale, ou encore avec Tchékhov dont Barker tire un (Uncle)Vanya, avec Shakespeare le renversement, la catastrophe barkerienne, est déjà là, en germe. Et c’est donc une matière déjà « catastrophiste » que Barker va soumettre à un traitement « catastrophiste » pour obtenir ainsi non pas seulement un renversement des valeurs, comme c’est le cas dans des pièces plus « simples » comme The Last Supper ou Knowledge and a Girl, mais un effet de désorientation plus total encore.
21Barker sollicite en effet le texte source de Shakespeare comme il le fait des mythes ou des contes de fées – d’une certaine manière, à rebours. Le Christ-gourou de The Last Supper (La Cène) passe son temps à dormir où à faire l’amour ; les nains de Knowledge and the Girl ne sont plus les créatures maintenues au stade pré-oedipien qui peuplent le conte des frères Grimm mais des fornicateurs, et Blanche-Neige elle-même s’empresse d’inviter son « cher papa » à venir voir son jardin. Dans Seven Lears, la rhétorique catastrophiste s’épanouit qui met à mal le sens. On est bien dans un monde où le paradis pue (« I smell oddly because I have been in Heaven. […] Heaven clings. […] It stains », p. 129) et où les évêques se font les apôtres du mal (« I will educate you by showing you how bad I am », p. 127). Le sous-titre de la pièce met d’ailleurs en évidence qu’elle questionnera l’idée même de Bien. L’emploi de l’article défini « The Pursuit of the Good » laisse ainsi planer l’ambiguïté : s’agira-t-il de trouver Le Bien, les gentils, le Bon Lear par exemple, ou, sur le mode de l’aposiopèse, la Bonne Version de… ? Seven Lears se donne donc à lire comme une Moralité d’un genre pervers : une anti-moralité, somme toute. Barker a déjà, par le passé, sollicité cette forme dramatique : Claw, l’une des premières pièces de Barker, se conçoit déjà comme une anti-moralité politique et athée. Dans Seven Lears, les sept fragments de cette fable parodiquement brechtienne se donnent donc pour mission apparente de mener l’enquête sur la nature du bien tout en minant l’entreprise de l’intérieur.
22Si cette entreprise est minée, c’est d’abord parce que Barker, après Nietzsche avec, entre autres, sa Généalogie de la Morale, réfute l’adéquation entre morale et morale chrétienne (dont le pardon de Cordelia est, dans les deux pièces, l’expression la plus marquante « if he had drowned me I should have forgiven him », p. 180), réfute aussi l’équivalence presque toujours incontestée depuis Platon entre Vérité, Bien et Beau14. Dans une note de 1888, Nietzsche répudie clairement cette équivalence tenue pour « honteuse » : « Pour un philosophe, il est honteux de dire que le bien et le beau sont identiques […], la vérité est laide. L’art nous est donné pour nous empêcher de mourir de la vérité15 ». Barker se lance ainsi le défi d’écrire une pièce sur le Bien tout en invalidant systématiquement la possibilité d’un Vrai. Si une manière de Bien chrétien, présenté sous l’aspect d’une ouverture humanitaire, semble ressusciter dans le droit fil de celui que semble par moment regretter Shakespeare – on pense en particulier aux moments où Gloucester et Lear découvrent « ceux d’en bas » grâce aux « Diogène[s] sans tonneau16 » que sont Poor Tom ou le Fou, et dont on trouve une transposition dans la présence des mendiants dans la pièce de Barker (p. 155-156) –, ce semblant de définition du bien n’est donné que pour mieux être nié. Car dans l’univers de Barker, on est au-delà du bien et du mal parce qu’on est au-delà du vrai et du faux.
23La remise en question radicale de la vérité semble ainsi être au cœur des enjeux de la pièce, et notamment de la confrontation du couple constitué par Clarissa et Lear. Face au Lear hyperthéâtral, menteur par excellence, que nous avons déjà décrit, Clarissa, comme l’onomastique le laisse présager, apparaît en effet comme une figure quasi allégorique de la vérité. Sa détestation du mensonge est soulignée à de nombreuses reprises dans la pièce : « Why does everybody lie? » (p. 130), « Please don’t lie, even for kindness. Where is the virtue in it? » (p. 138), « So you know me as I am, and never falsely. […] I promise nothing, except to be truthful. » (p. 145), « I so hate lies. » (p. 169). Or, toute championne de la vérité qu’elle soit (peut-être justement parce qu’elle en est la championne), elle est aussi décrite comme une incarnation du mal, si tant est que le mot ait encore un sens (« She’s evil if the word has meaning », p. 171).
24Le thème de la vérité invalidée en tant que garante du bien et de la morale fait également son apparition dans la pièce par le biais d’autres figures : l’Évêque, l’avocate Prudentia ou l’inventeur, porteurs chacun d’une vérité qui leur est propre (religieuse, juridique, scientifique). Ce qui intéresse Barker, c’est l’écart entre ces personnages et ce qui constituerait leur gestus brechtien : loin d’incarner une vérité absolue, transcendantale, ils soulignent sa relativité et partant l’invalident. Figure transgressive s’il en est, l’Évêque (un professeur, comme l’indique le dramatis personae) se présente comme un apôtre du mal érigé en principe d’éducation, ou, en l’occurrence, d’anti-éducation. L’objectif pédagogique que se propose l’Évêque est de purger Lear de son sens moral (« You will detest me and your innate sense of justice will cry out for satisfaction. When one day, that cry ceases, your education will be over », p. 127) en lui révélant la nature profondément arbitraire de l’existence, en lui apprenant à accepter sa nature injustifiable (« I will beat you sometimes, for which I have authority. Almost certainly, these beatings will appear to you unjustified », id.). Le droit que pratique Prudentia ne fonde pas davantage une vérité stable : non seulement ses livres sont décrits comme poussiéreux17, mais ce qui semble la fasciner dans le droit est précisément l’impossibilité de clôturer le sens, d’arriver à une conclusion qui satisfasse nos exigences de vérité : « I don’t know why I like the law so much, I think because it’s bottomless, I think because it’s interminable, and absolute in five hundred volumes » (p. 149-150). Quant à la quête pratique de vérité qui motive l’inventeur et fait l’objet de l’essentiel du quatrième tableau, elle est tournée en dérision par la succession même de ses échecs, aboutissant à la condamnation sans appel par Horbling de la curiosité scientifique : « It is a disease, this rabid invention » (p. 160-161).
25Si Seven Lears se présente comme une quête du Bien, cette quête apparaît d’emblée compromise par la remise en question radicale du concept de vérité, qui est le postulat même qui fonde la théâtralité. Dans la partie qui se joue entre vérité et mensonge, les dés sont pipés. La partie d’échec qui clôt la pièce, et qui rappelle Shakespeare et Middleton (The Tempest, A Game at Chess), mais aussi Le Septième Sceau de Bergman, en est la métaphore conventionnelle mais ici problématique puisque Kent triche, et que Lear le sait :
Lear. […] Erm! (Kent looks resentful. Lear turns aside.) I do think cheating is peculiar, so peculiar, because even when the cheat might win on skill alone, he still prefers to cheat. It is impossible to satisfy him. I have watched you cheating for eight years. (p. 183)
26Dans Seven Lears, la partie est truquée, si bien que la possibilité même d’atteindre au but qu’annonce le sous-titre semble compromise par l’invalidation systématique de la vérité.
27Cette remise en question permanente n’est pas sans se répercuter avec force sur le langage. L’omniprésence du mensonge fonde la langue barkerienne qui s’impose comme une langue inapte à dire un réel radicalement remis en question :
[…] In his impatience to evade the actual, the liar resembles a dancer and like a dancer he is susceptible to mortal exhaustion, for the actual will insist upon itself, leaning hard on his shoulders. But at the very moment the fact of mortality imposes itself upon this denier of gravities, is not all revealed as a lie, even the very facts he disputed? A sense of profound insignificance overwhelms the consciousness, since for the dying, nothing possesses value. And now the liar might be regarded as a pitiful hero, one who found the world wanting long before death showed in truth how wanting it was…18
28Le langage ne parvient plus à faire sens, soit parce que les énonciateurs s’adonnent délibérément au mensonge, soit parce qu’ils ne parviennent plus à clore le sens : le texte est ainsi caractérisé par de nombreuses aposiopèses qui fonctionnent comme autant de phrases décapitées, incomplètes, incapables d’atteindre le terme du sens. Devant la découverte traumatisante du décollement ontologique entre vérité et réel, le personnage reste littéralement sans voix. L’aposiopèse est le symptôme tant d’une crise sémantique que d’une crise philosophique. Il n’est dès lors pas étonnant qu’elle exprime la pensée heurtée des personnages (« I think – », trois occurrences, p. 135), leurs contradictions (« Her hair is gold and her mouth is far from luscious but. », p. 131) ou leur incompétence à s’exprimer sur les questions éthiques (« Perhaps by making goodness easier, fewer people would – », p. 126 ; « the correct approach to punishment would be – », p. 127). Alors que, pour le dire avec Michel Morel, « elle nous fait entendre cet étranglement récurrent de la voix, l’extériorisation de la crise intérieure, la prise de conscience par le personnage, simultanément brutale et réticente, de la présence de significations qu’il ne peut expliciter ou dont il redoute la possibilité19 », l’aposiopèse signe à la fois le triomphe de l’expression linguistique – il n’est de monde qui ne passe par le langage, même muet – et sa condamnation – un monde est là plein d’un sens réfractaire aux mots car réfractaire à la pensée.
29En plaçant le langage au-delà du vrai et du faux, Barker provoque un véritable bouleversement éthique qui exige la création d’une langue nouvelle, poétique et heurtée, épiphanique tout en étant mensongère. Ce bouleversement de nos repères éthiques et linguistiques trouve sa plus belle expression dans l’inventivité qui caractérise l’écriture chorale de la geôle. Barker convoque ici à rebours la tradition chorale héritée de la dramaturgie grecque classique : loin de représenter la polis et de se faire l’écho d’une morale conventionnelle, le chœur rassemble ici des spectres criminels qui n’ont de cesse de perturber notre ronronnement éthique. Énigmatique, la parole du chœur, tout en abordant frontalement la question morale, se prémunit de tout dogmatisme en employant d’emblée avec prédilection la forme interrogative :
Whatever we did
Whatever it was
How could it justify this? […]
We never said that we were innocent
What’s innocence? (p. 125-126)
30L’au-delà moral dont nous parle Barker apparaît ainsi comme le privilège de la voix des morts, cette voix propre au théâtre que le dramaturge s’efforce de ressusciter et de faire résonner sur le plateau, et dont la beauté, à défaut de vérité, tient lieu pour un instant de révélation.
We are the dead
We are the cruel
We no longer need
To mouth fidelities. (p. 130)
31La fin de Seven Lears, qui ne résout rien mais nous montre un Lear entouré de ses trois filles et prêt à se lancer dans la tragédie sans fond qu’est la pièce de Shakespeare, est l’archétype de la clôture ou non-clôture du théâtre de la Catastrophe. Comme le dit Michel Morel, « cette Catastrophe, ou révélation traumatique, est le seul choix artistique possible étant donné les fondements hobbesiens de la nature humaine. Il ne s’agit en aucun cas d’une révélation négative, mais plutôt de provoquer en nous la découverte horrifiée de ce qui constitue le cœur du désir et du cataclysme à répétition auquel le déclenchement du primitif en nous donne lieu20 ».
32Barker trouve dans King Lear, pièce qui tend vers le néant, une matière particulièrement propice au développement des thématiques catastrophistes qui caractérisent son théâtre. Genèse du chaos, Seven Lears s’attache ainsi à tuer dans l’œuf tout discours prétendant à la cohérence – « Barker needed the secret, both in his life and in his art », déclare Barker alias Edouardo Houth dans la très originale et très sincère (auto)biographie que Barker vient de faire paraître21 –, qu’elle soit narrative, morale, ou poétique, en cultivant une esthétique de la rupture (« We make a fetish now of contradiction22. ») À une diégèse résolument aporétique et brouillée par un enchevêtrement de niveaux énonciatifs correspond ainsi une langue chaotique et heurtée, annonciatrice de la tempête qui vient dévaster la pièce de Shakespeare. Seven Lears de Barker, on l’aura compris, est une œuvre qui laisse le spectateur perplexe. La « déconsécration du sens » à laquelle Barker voue une sorte de culte est précisément ce qu’il est allé chercher chez Shakespeare, le premier à avoir perçu, avant la révolution apportée par les sciences cognitives contemporaines, que l’affect, et non l’élaboration intellectuelle, vient en premier et, comme le dit Michel Morel, « en dernier » aussi23. La démarche de Barker s’ancre ainsi dans la perception des forces mystérieuses qui régissent l’individu dans ce qu’il a de plus primal, et ne fait un détour par le langage que pour mieux nous les restituer : « Above all things Barker wanted to understand the nature of sexual love… its fluctuating dominations and abjections… he sensed in its extreme forms that it both represented and was a politics whose arbitrary and irrational impulses menaced the social order… society progressively annexed more and more of the individual, both body and soul24… ».
33Si Seven Lears n’est pas, loin s’en faut, la seule extrapolation de Barker sur un classique du répertoire, et notamment du répertoire shakespearien, sa mise en œuvre radicale de l’intertextualité la place néanmoins à part d’œuvres comme The Love of a Good Man ou Gertrude–the Cry. Seven Lears offre ainsi un éclairage particulier sur la pièce de Shakespeare dans la mesure où la pièce problématise la pratique même d’une intertextualité qualifiée ici de nécrophile. Iconoclaste, l’écriture de Barker fragmente en effet littéralement l’icône culturelle que Lear est devenue. Profanatrice, elle convoque et explore les potentialités amorales esquissées dans King Lear. Mais érotique, surtout, elle témoigne de la fascination de l’auteur pour cette figure sans fond qu’est Lear, et dont la théâtralité amène le spectateur à cet interstice existentiel qui fonde l’entreprise théâtrale de Barker : « The play only appears to be about the living because the actors are living. The characters have never lived, nor by the same token, can they ever be said to be dead25 ». Dans cet entre-deux s’épanouit une remise en question radicale de la morale qui s’appuie sur la création d’une langue novatrice et poétique, dont la beauté transcende, ne serait-ce que momentanément, l’opposition du bien et du mal.
Bibliographie
ANGEL-PEREZ, Élisabeth, éd., Howard Barker et le théâtre de la Catastrophe, Montreuil, éditions Théâtrales, 2006.
AQUIEN, Pascal, « Oscar Wilde et Friedrich Nietzsche, un rapprochement », Boèce, nov. 2001, p. 24-33.
BARKER, Howard, Seven Lears, dans Collected Plays 4, London, John Calder, 1998, p. 119-183. / Les sept Lear, trad. Mike Sens, inédit en 2007.
BARKER, Howard, Arguments for a Theatre, Manchester, Manchester University Press, (1989) 1997. / Arguments pour un théâtre, trad. Élisabeth Angel-Perez, Ivan Bertoux, Isabelle Famchon, Sarah Hirshmuller, Mike Sens, Besançon, Solitaires Intempestifs, 2006.
BARKER, Howard, Death, The One and the Art of Theatre, London, Routledge, 2004.
BARKER, Howard & HOUTH, Eduardo, A Style and its Origins, London, Oberon, 2007.
DAHL, Mary Karen, « The Body in Extremis », dans Caroline Gritzner and David Ian Rabey. Theatre of Catastrophe: new essays on Barker, op. cit., p. 95-123.
GRITZNER, Caroline & RABEY, David Ian, eds., Theatre of Catastrophe: New essays on Howard Barker, London, Oberon, 2006.
LAMB, Charles, The Theatre of Howard Barker, London, Routledge, 2005.
MOREL, Michel, « Howard Barker : rhétorique du non-sens », dans É. Angel-Perez, éd., Howard Barker et le théâtre de la Catastrophe, op. cit., p. 173-189.
NIETZSCHE, Friedrich, La Généalogie de la morale, Poche, 2000 [1887].
SHAKESPEARE, William, King Lear, édition de R. A. Foakes, London, The Arden Shakespeare, 1997.
Notes
1 Toutes les références à Seven Lears renvoient à Collected Plays 4, London, John Calder, 1998.
2 « Clarity / Meaning / Logic/ And Consistency / None of it / None », The Bite of the Night, second prologue, republié dans Arguments for a Theatre, Manchester, Manchester University Press, (1989) 1997, p. 43.
3 « Murders and Conversations: the classic text and a contemporary writer », Ibid. p. 153-154.
4 « King Lear is about family, and family, whatever its origins as an economic contract or its prophylactic qualities as a counter to social decline, is also an emotional zoo of peculiar and agonized calls, suffocated appetite, barred cages, will without action, contrived blindness, and organized repression », Ibid, p. 154.
5 Barker, pour souligner le parallèle, leur prête les mêmes mots.
6 Pour Peter Brook, le théâtre est le lieu où l’invisible se fait visible : « The Theatre of the Invisible-Made-Visible », The Empty Space, Harmondsworth, Penguin, 1968, p. 47.
7 « I think I am the most melancholy and degenerate character, so sunk in contemplation of myself I walk with stooping shoulders and lid half-draped over my never-sparkling eyes […] », p. 130.
8 « You are utterly kind to me but. Perhaps you harbour some sex thing for me, in which case I wish you’d say », p. 180.
9 Il est question de l’oiseau rouge de Clarissa aux pages 129, 134, 152, par exemple.
10 Howard Barker, Arguments for a Theatre, p. 154-155.
11 L’opposition entre le théâtre et l’art du théâtre structure le recueil d’aphorismes théoriques, Death, The One and the Art of Theatre, London, Routledge, 2004.
12 Howard Barker, Arguments for a Theatre, p. 101.
13 Entretien de Nick Hobbes avec Howard Barker, programme de Scenes from an Execution, Dundee Rep, avril 2004, URL, consulté le 7/9/2007.
14 Sur Barker et Nietzsche, voir Charles Lamb, The Theatre of Howard Barker, London, Routledge, 2005, et Mary Karen Dahl, « The Body in Extremis », dans C. Gritzner and D. I. Rabey, Theatre of Catastrophe: new essays on Barker, London, Oberon, 2006, p. 95-123.
15 Cité par Pascal Aquien dans « Oscar Wilde et Friedrich Nietzsche, un rapprochement », Boèce, nov. 2001, 24-33.
16 L’expression est d’Emmanuel Jacquart à propos des personnages de Beckett, dans Le théâtre de la dérision.
17 « Your law books are quite dusty », p. 129.
18 Howard Barker, Death, the One and the Art of Theatre, London, Routledge, 2004, p. 40.
19 Michel Morel, « Howard Barker : Rhétorique du non-sens », dans Howard Barker et le Théâtre de la Catastrophe, éd. E. Angel-Perez, Montreuil, Éditions Théâtrales, 2006, p. 178.
20 Ibid., p. 182.
21 Howard Barker / Eduardo Houth, A Style and its Origins, London, Oberon, 2007, p. 115.
22 Howard Barker, Arguments for a Theatre, p. 22.
23 Ibid., p. 173.
24 Howard Barker / Eduardo Houth, A Style and its Origins, London, Oberon, 2007, p. 88.
25 Howard Barker, Death, the One and the Art of Theatre, p. 20.