Secret, révélation et violence dans les favole et enigmi de Giovan Francesco Straparola (1480 ? – 1557 ?)

Par Rosaria Iounes-Vona
Publication en ligne le 22 décembre 2011

Résumé

Giovan Francesco Straparola (1480? 1557?) whose biography remains unknown is the author of a collection of tales and riddles, Le piacevoli notti, published in Venice in 1551 and 1553, in which  the rhetoric is based on two main discursive elements: secret and revelation. These are established by many stakes and engender a multiform violence, reflecting the historical period to which the masterpiece belongs, that is to say the Wars of Italy and the Counter-Reformation. In both narrative elements, that is, tales and riddles – that are different and complementary at the same time –, secret and revelation use an ‘arsenal’ of argumentative techniques from fiction to playwriting carnival, going through the absurd, analogy, argumentum and exemplification. Using ‘force to say’ and ‘force to conceal’ as the conveyances of a sacred eloquence, the author manages to avoid the yoke of the Inquisition. Straparola is undoubtedly a master in the use of the ‘ars dicendi’ and as such he has reached its main goal: to convince and has thus made of the Piacevoli notti a publishing success.

Auteur à la biographie encore inconnue, Giovanfrancesco Straparola (1480 ? - 1557 ?) est à l’origine d’un recueil de contes et énigmes, Le piacevoli notti, publié à Venise en 1551 et 1553, dans lequel la rhétorique se décline en deux modalités discursives essentielles : le secret et la révélation. Celles-ci sont dictées par une pluralité d’enjeux et engendrent une violence multiforme, reflet de la période historique à laquelle l’œuvre est liée, caractérisée par les guerres d’Italie et la Contre-Réforme. Dans les deux composantes narratives, différentes et complémentaires à la fois, que sont le conte et l’énigme, secret et révélation se traduisent par un « arsenal » de techniques argumentatives s’étendant de la fiction à la dramaturgie carnavalesque, en passant par l’absurde, l’analogie, l’argomentum et l’exemplification. En faisant du « forcer-à-dire » et du « forcer-à-taire » les vecteurs d’une éloquence sacrée, Straparola parvient à éviter les fourches caudines de l’Inquisition. Nul doute que par l’habileté dont il fait preuve dans le maniement de l’ars dicendi il soit parvenu à atteindre la principale finalité de celui-ci, convaincre, faisant ainsi des Piacevoli notti un succès éditorial.

Texte intégral

1Dans son étude consacrée à l’ancienne rhétorique, Roland Barthes rappelle que celle-ci est née en Sicile, vers 485 av. J-C, des procès consécutifs à l’expulsion des tyrans, des procès qui « étaient d’un type nouveau : ils mobilisaient de grands jurys populaires, devant lesquels, pour convaincre, il fallait être "éloquent "1 ». La rhétorique est donc originairement un substitut à la violence physique. Par ailleurs, on connaît l’influence exercée par les nouvellistes italiens Tommaso Guardati, Luigi Da Porto et Matteo Bandello sur certaines des tragédies de William Shakespeare, au nombre desquelles figure la mythique Roméo et Juliette2. Partant de ce double constat, proposer une approche italianiste d’une thématique aussi féconde que l’est la rhétorique de la violence n’apparaît pas comme une initiative dénuée de fondement.

2Notre analyse sera consacrée au recueil de contes et énigmes de Giovan Francesco Straparola (1480 ?-1557 ?) intitulé Le piacevoli notti3; si la biographie de l'auteur relève aujourd'hui encore de l'hypothèse4, son recueil comportant soixante-treize favole en prose et autant d'énigmes en huitain fut un best-seller. Publié à Venise entre 1550 et 1553, il connut en effet un rayonnement international important au XVIe siècle, et au cours des siècles postérieurs, en Italie mais aussi en France, en Espagne et en Allemagne, au point que des fabulistes de renom tels que Giovambattista Basile (1566 ou 1575-1632), Charles Perrault (1628-1703), Madame d’Aulnoy (1651-1705) et Madame Leprince de Beaumont (1711-1780)5 y trouveront, en partie, leur inspiration littéraire.

3Dans l’œuvre de Straparola, le lien entre la rhétorique et la violence se déploie à travers les deux modalités essentielles que sont le silence consécutif à « ce mixte de transparence et d’opacité6 » qu’est le secret, d’une part, et son pendant antinomique, la révélation d'un discours, d’autre part. Ces deux modalités discursives méritent d’autant plus d’être analysées que l’univers narratif des Piacevoli notti a été qualifié par certains critiques, tels Giancarlo Mazzacurati, d’orrido / d’horrible7, tant l'auteur y exprime sans parcimonie son goût pour la violence, pour ce qui « interrompt le dialogue, refuse la dimension de l’altérité, transformant la coexistence en dimension matérielle8 ».

4Il est vrai que, dès l'histoire-cadre, le décor est planté : l’auteur fait ici explicitement référence aux guerres d'Italie9 et à leurs conséquences néfastes pour le duché de Milan, au premier nombre desquelles figure la condamnation à l'exil de l'un des derniers membres de la famille Sforza10, l'évêque Ottaviano Maria Sforza qui, « […] en raison de la perversité des temps cruels, des haines féroces et des luttes sanglantes engendrées par le changement incessant des États, quitta ce lieu […] », accompagné par sa fille, la veuve  Lucrezia Gonzaga11. La société conteuse, mise en place fictivement sur l’île de Murano par cette dernière, énonce favole12 et énigmes pendant le Carnaval, une période qui, par sa dialectique simulation-dissimulation fondée sur le masque, lequel « propose la figure d’un caché qui s’avoue13 », ainsi que sur le déguisement, renvoie également à l'occultation volontaire et à la révélation. De plus, l'énigme, « figure d’altération de la transparence14 » par antonomase, est liée par sa nature même, si ce n’est à la violence, à la tension, par le rapport qu’elle instaure entre le questionneur et le questionné dans la recherche de la solution15.

5À la lumière de ces éléments, il apparaît d’autant plus utile d’analyser la relation existant entre secret, révélation et violence, que Straparola attribue à la narration la fonction d’ammaestrare, c’est-à-dire de dispenser un enseignement ; derrière cette finalité, peut-on lire la volonté de convaincre, nous renvoyant ainsi à la définition aristotélicienne de la rhétorique, selon laquelle celle-ci réside dans « l’art d’extraire de tout sujet le degré de persuasion qu’il comporte16 » ?

6Nous nous intéresserons, d’abord, aux modalités discursives inhérentes aux enjeux du silence, le « forcer-à-taire », et de la révélation, le « forcer-à-dire » : sont-elles identiques selon qu’il s’agit de vouloir obtenir gain de cause dans le domaine politique, économique ou familial ? Quel est le rôle de l’énigme, vecteur en soi d’une incohérence au sein du discours, par rapport à la favola ? Le huitain renforce-t-il les deux vecteurs de la rhétorique présents dans cette dernière ?

7Nous nous demanderons, ensuite, dans quelle mesure le jugement de Marc Fumaroli, selon lequel « la rhétorique a pour vœu profond de s'accomplir en dramaturgie, car sans une expression et un jeu convenable le discours ne peut pas toucher l’auditoire17 », peut s’appliquer aux Piacevoli notti : y a-t-il théâtralisation du silence et de la révélation ? Dans ce domaine, Straparola a-t-il subi l’influence de l’un de ses contemporains, comédien et auteur de pièces de théâtre, Angelo Beolco, dit Ruzzante (1496-1542), celui que l’on surnommait également « le Plaute » de son époque ?

8Enfin, dans une période fortement marquée par les tensions religieuses comme l’a été le XVIe siècle, en raison de la Contre-Réforme et du Concile de Trente, il ne sera pas superflu de compléter notre analyse par une évaluation de l’impact qu'eut ce contexte sur l’œuvre straparolienne ; le recours à l’ars dicendi a-t-il permis aux Piacevoli notti de ne pas passer sous les fourches caudines de l’Index des livres interdits particulièrement sévère que fut celui de 1559 ?

Question d’enjeux

9Parce que la rhétorique suppose une question à résoudre et la volonté de triompher, il est important d’identifier la nature des enjeux liés dans Le piacevoli notti à ces deux formes de l’ars dicendi que sont le secret et la révélation. Il apparaît d’emblée que la famille en constitue l’espace de prédilection.

L’obéissance filiale

10Dans l’exorde de la favola I, 1, Lauretta, la narratrice, met en exergue sa soumission au « forcer-à-dire » dicté par le tirage au sort régissant le déroulement de la narration, et recourt ensuite au topos de la modestie : « [...] je ne me considère pas assez compétente en ce domaine, car je n'ai nullement l'éloquence requise par de tels propos, faute de m'être exercée dans l'art du discours subtil et raffiné18». Vecteur de captatio benevolentiae, cette prémisse cède aussitôt la place à l’annonce du thème de la favola, c’est-à-dire l'obéissance filiale aux préceptes paternels, et à son illustration.

11Salardo, le protagoniste, reçoit de son père, avant que celui-ci ne décède, trois « commandamenti », ou prescriptions, dont le premier est « qu’il ne révèle aucun secret à son épouse, quand bien même l'amour qu'il éprouverait à son égard serait intense19 » ; l’ordre de ne pas adopter d’enfant et celui de ne pas se soumettre à un homme politique qui administrerait un État, « de son propre chef »20, s'ajoutent à cette interdiction.

12La transgression par Salardo de ces « commandements paternels sages et fort raisonnables21 » engendre un soliloque contenant un florilège de termes offensants à l'égard de son père, considéré l’égal de tant d'autres anciens, insensés et simples d'esprit, oublieux de leur jeunesse. Pour se prouver à lui-même que son désaveu paternel post-mortem est justifié, Salardo teste la discrétion de son épouse ; il lui fait croire qu’il a donné l'ordre de tuer le faucon auquel son protecteur et ami, le marquis de Monferrat, est le plus attaché, espérant ainsi ne plus être sollicité par lui pour participer aux chasses auxquelles il s'adonne de manière récurrente. Dans les faits, il s’agit là d’une beffa dirigée contre son épouse, car le faucon que Salardo a fait servir à dîner a été l'objet d'une substitution. Il assortit le « forcer-à-taire » d'un enjeu conséquent : « Mais je te prie, par l’amour que tu as eu envers moi et que tu me portes encore, de ne pas révéler ce secret, car en le dévoilant tu serais la cause de notre totale ruine, à tous deux22 ». Après maints reproches pour un acte qui relève, selon elle, d'une trahison de l'amitié liant les deux hommes, Teodora finit par accepter de garder le silence : « Soyez certain que je supporterai les souffrances de la mort plutôt que de révéler ce secret, un jour23 ».

13Hélas, la gifle que lui assène son époux, suite à son refus de manger le faucon, aura des conséquences dramatiques : Teodora révèle tout au marquis, qui ordonne aussitôt l’arrestation et la condamnation à mort de Salardo. Dans sa cellule de prison et depuis l’échafaud, les postures rhétoriques adoptées par le protagoniste ne sont pas de même nature. Alors qu’il est en prison, il se livre à un deuxième soliloque entièrement axé sur le repentir et sur la reconnaissance a posteriori du caractère bien-fondé des enseignements paternels : nombreuses sont dans cette séquence les occurrences des pronoms sujets « egli » et « io24 », du vocatif « o », mais aussi les exclamations et les interrogations, faisant de cette séquence un véritable précis de rhétorique dont l’allocutaire est le « tribunal de sa conscience ». L’émotion avec laquelle Salardo s’exprime est manifeste :

Ô plût à Dieu que je n’eusse jamais éprouvé  la déloyauté de ma femme ! Ô Salardo, combien t’eût-il été plus préférable de suivre les traces de ton père, laissant flatteurs et adulateurs faire la cour aux princes et aux seigneurs25 !

14Lorsqu’il sera sur l’échafaud, Salardo renouvèlera son histoire en présence du peuple, mais l’auteur ne la reproduira pas au discours direct, préférant procéder à une sorte de synthèse pour mettre en exergue la réaction de l’auditoire :

Ayant entendu la cause de la condamnation de Salardo, il n’y eut personne parmi le peuple qui ne pleurât à chaudes larmes le malheur de ce pauvre jeune homme, et qui ne désirât sa libération26.

15Les pleurs de la foule sont la preuve que Salardo a su bien utiliser l’un des principaux ressorts du discours, c’est-à-dire l’émotion, le movere. Pour avoir demandé pardon et avoir exhorté publiquement les enfants à être obéissants à l’égard de leur père, il obtient du peuple son acquittement, mais celui-ci ne revêt pas encore de caractère juridique. Il faudra, en effet, l’intervention d’un « avocat », et c’est à Fransoe, l’ami de Salardo, que l’auteur confie ce rôle.

16En se déclarant prêt à être pendu s’il ne parvenait pas à apporter la preuve de l’innocence de l’inculpé, Fransoe incarne la rhétorique stimulée par la force de l’amitié, et donne ainsi tout son sens à l’opposition force-violence, car

Si […] on ne qualifie pas de violente l’action par laquelle on défend sa propre vie ou celle d’autrui, on arrête ou on punit un criminel, etc., c’est parce que de telles actions ont leur motivation et leur fin en des valeurs telles que la vie, la liberté, la justice […]27.

17En mettant en jeu sa propre vie, Fransoe parvient à convaincre le marquis de libérer Salardo, lequel reproche alors au pouvoir politique le caractère inopiné de sa sentence et révèle toute la vérité :

Le faucon pour lequel, à la pensée qu’il était mort, votre courroux à  mon égard est si grand, est encore vivant, et tel qu’il était qu’auparavant ;  je ne l'ai pris ni pour le tuer, ni pour vous offenser, mais pour avoir la preuve d’une intention secrète que je vais à présent vous révéler28.

18Dès lors, la violence physique en restera au stade du pari, et ce sera au tour du marquis d’exprimer ses regrets :

Salardo, si tu pouvais maintenant percer de ton regard le plus profond de mon cœur, tu verrais clairement que la corde qui, jusqu’à présent, a enserré tes mains et ton cou, n’a pas été pour toi la cause de tant de douleur comme elle l’a été pour moi, et que ma souffrance est supérieure à la tienne29.

19La libération de Salardo, consécutive à ce discours, ne suffit pas à garantir le happy end du récit : Postumio, le fils adoptif, sera banni de la cité par son père pour avoir voulu procéder lui-même à la pendaison, et quant à Teodora, coupable d’avoir transgressé le « forcer-à-taire », c’est dans un monastère qu’elle finira « douloureusement30 » ses jours. Seul Salardo « vécut heureux pendant longtemps31 », consacrant tout son patrimoine à Dieu.

20Le pathos, présent tant dans le discours de Salardo que dans celui du marquis, trouve son prolongement dans les pleurs de l’auditoire de Lauretta qui, eux-mêmes, résonnent comme un écho de ceux de la foule : « Le conte narré par Lauretta avait déjà fait pleurer plusieurs fois ses compagnes32 ». La violence n’en disparaîtra pas pour autant de la narration, car elle est présente dans l’énigme en huitain qui clôt la favola :

Je naquis emprisonnée entre deux sérails,
Et de moi naquit un enfant cruel,
Grand comme le serait, pauvre de moi mal née,
un petit grain d'un millet minuscule ;
puis, mû par la faim, il me dévora
sans aucun égard, ni conseil.
Ô triste, dur et altier sort qui est le mien,
Ne pouvoir guère être de ma mère la servante33.

21On constate le recours au topos de l’engendrement, très fréquent dans les énigmes34, ainsi qu’un discours poétique, énoncé à la première personne du singulier, dans lequel figurent les principaux éléments narratifs présents dans la favola, c’est-à-dire l’emprisonnement et la cruauté filiale. L’émotion du sujet parlant est présente de manière nette dans les regrets exprimés aux vers 3, 7 et 8 au sujet d’une filiation dont l’unique fruit est le matricide.

22Le « forcer-à-dire » que constitue cette joute verbale qu'est l'énigme par la résolution à laquelle elle est étroitement liée35, aboutit ici à l’échec, car parmi les membres de l’auditoire « il n’y eut personne qui atteignit le but36 ». L’élucidation de Lauretta aboutit à la description d’une fève séchée dont la naissance se déroule entre deux écorces et qui, à son tour, engendre un ver qui finira par la dévorer. Clairement présente, la violence relègue au second plan toute dimension festive attendue par la période à laquelle l’énonciation est liée, c’est-à-dire le Carnaval. Si, par ailleurs, on considère la parenté étymologique latine entre les deux termes « fava » et « favola », alors la fonction narrative programmatique de cette première énigme apparaît évidente : l’énigme est la petite favola ou « fabula », substantif latin signifiant « propos de la foule, conversations », nous renvoyant ainsi implicitement à une rhétorique a-codifiée, en dépit de l'emploi du schéma métrique et discursif précis qu’est le huitain. Le recueil straparolien débute donc par le triptyque secret/révélation/violence à travers lequel l’auteur se fait le porte-parole de l’obéissance filiale ; en insérant ses personnages dans un contexte familial devenant progressivement public et judiciaire, et trouvant partiellement son prolongement dans l’énigme, il nous offre le premier exemple de sa manière d’utiliser la rhétorique. Le lien avec la famille peut être encore plus étroit lorsque celle-ci recèle des secrets concernant l’identité même de ses membres.

Secrets de famille

23Dans la favola III, 4, Straparola reprend le motif de l’enfant adopté, en lui attribuant un espace narratif plus important que cela n’avait été le cas dans le récit précédemment analysé, puisque, cette fois, il en est le protagoniste.

24Au cours d’une banale partie de jeu avec son frère, Fortunio apprend brutalement par ce dernier, dépité d’avoir été battu, qu’il n’est pas comme lui l’enfant naturel d’Alchia et de Bernio. Interrogée, la mère adoptive nie d’abord, soucieuse de sauvegarder le secret, puis, face à l’insistance du questionneur, elle finit par révéler la vérité :

[…] Alchia, voyant que Fortunio s’obstinait, et ne pouvant plus le détourner de cette demande insistante, lui confirma qu’il n’était pas son vrai fils, mais qu’il avait été nourri dans leur foyer pour l’amour de Dieu, ainsi que pour la rémission de ses péchés et de ceux de son mari37.

25La conséquence du « forcer-à-dire » est une souffrance morale dont l’intensité est sans égal :

Pour le jeune homme, ces mots furent autant de coups de couteau au cœur, et à ses souffrances vinrent s’ajouter d’autres souffrances. Or, étant malheureux sans aucune commune mesure, et n’ayant pas la force de s’ôter la vie d’une manière violente, il décida de quitter définitivement la maison [...], et d’errer de par le monde, afin de vérifier si la chance lui était, en quelque moment, favorable38.

26L’éloignement du domicile familial et l’exil seront alors pour Fortunio l’unique palliatif à son impuissance de se donner la mort, car le suicide, forme paroxystique de violence contre soi-même, d’abord envisagé, est ensuite écarté. Bien que le terme « secret » ne soit pas ici employé, la séparation décidée par le jeune protagoniste renvoie implicitement à son étymologie latine : le substantif « secretum » est, en effet, issu du verbe « secernere » signifiant « diviser, séparer ».

27La fermeté dénotée par Fortunio dans la connaissance de ses vraies origines, qui n’est pas sans rappeler celle d’Œdipe, ayant appris lui aussi sa véritable identité de manière inopinée39, et sa décision de quitter le foyer familial engendrent une réaction très violente de la part d’Alchia :

entièrement sous l’emprise de la colère et de l’indignation, elle le maudit, priant Dieu que s’il lui arrivait pendant quelque temps de naviguer en mer, il fût englouti par la sirène, comme le sont les navires par les vagues déferlantes de la mer pendant la tempête40.

28L’emploi du discours indirect n’amoindrit que partiellement le trouble qu’éprouve le lecteur face à cette malédiction maternelle, qui constitue à la fois la parodie d’une attitude verbale fortement marquée du sceau d’une spiritualité positive, la bénédiction, et un moyen d’introduire la fiction. À partir de ce moment, en effet, les événements que vivra Fortunio seront caractérisés par différentes métamorphoses animales dont l’aboutissement sera la transformation en lycanthrope, par laquelle il dévorera sa propre mère et son frère : « Quelques jours après, Fortunio […] s’étant transformé en loup, dévora Alchia, sa marâtre et son frère Valentino pour le tort qu’ils lui avaient fait41 ». La violence verbale et morale dont il a été victime, au caractère instantané et disproportionné à la fois, a ainsi engendré une contre-violence physique ; celle-ci s’apparente à une vengeance légitime, une légitimité que l’auteur amplifie en lui conférant un caractère fictif et scénographique.

29Par l’énigme clôturant le récit et décrivant une sirène, Straparola nous renvoie à la malédiction maternelle présente dans la favola : en effet, si le portrait physique de cet être fictif apparaît conforme à la représentation la plus répandue – un être à la morphologie hybride, doté d’un chant corrupteur conduisant à la mort – en mettant en exergue sa simulation du sentiment amoureux, l’auteur n’en condamne que davantage Alchia, dont l’amour maternel s’est vite transformé en haine. Cette interprétation nous paraît d’autant plus plausible que dans la favola II, 3, où l’amour maternel ne donne pas lieu à une triste volte-face, l’auteur attribue à une couleuvre la fonction d’auxiliaire magique42.

30Mais outre la cellule familiale, les deux pivots de la rhétorique straparolienne que sont le secret et la révélation présentent un lien également avec des valeurs politiques et sociales, au nom des desquelles le conte peut se transformer en véritable thriller

L’enjeu socio-politique ou la leçon du peuple à la monarchie

31Dans la favola II, 1, la fécondation d’une reine stérile par trois fées se traduit par la naissance d’un être recouvert d’une peau porcine, aimant se vautrer dans le fumier à la manière des cochons, mais doté de la parole. En raison du sort que l’une des trois fées lui a jeté à sa naissance, le mariage constitue la condition sine qua non grâce à la réalisation de laquelle il pourra être délivré de son étrange silhouette, et accéder ainsi à une totale humanité. Mais, évidemment, le souhait de se marier dont messer lo Porco fait part à sa mère, Ersilia, plonge celle-ci dans un grand embarras, car il lui faut trouver une femme acceptant un être au physique si répulsif, ce qui n’est pas chose aisée.

32Or, voici l’argumentation d’Ersilia pour convaincre une veuve désargentée ayant trois filles de satisfaire la volonté de son fils :

Ma mère bien-aimée, vous êtes pauvre et avez de nombreuses filles ; si vous donnez votre consentement, vous deviendrez vite riche. J’ai un enfant porc et je voudrais le marier à votre fille aînée. N’agissez point par égard pour lui, qui est porc, mais pour le roi et pour moi, car, à la fin, votre fille sera propriétaire de tout notre royaume43.

33Par ce discours économique, la reine parvient à battre en brèche l’opposition, justifiée, de la fille aînée de la veuve : « Mais si doux furent les mots de sa pauvre mère que sa fille accepta44 ». Présente ici avec une forte dimension immorale, sous la forme du « forcer-à-dire…oui ! », la rhétorique sera la cause d’une violence extrême : messer lo Porco assassinera ses deux premières épouses parce qu’elles auront essayé de tuer la « bête malodorante45 » et ce, pendant la nuit de noces.

34Conformément à la loi du triplement des épreuves régissant le conte, le troisième mariage, avec Meldina, fille cadette de la veuve, permet une issue heureuse et donne lieu à des modalités rhétoriques qu’il convient d’analyser. Elle dénote en effet une grande sagesse que l’auteur reproduit par un schéma métrique identique à celui régissant l’énigme, le huitain :

J’ai déjà entendu narrer trois choses,
Reine sacrée, vénérable et pieuse.
La première, aller à la recherche de
Ce que l’on ne peut trouver est une grande folie.
La deuxième, il convient de ne pas accorder de crédit
À ce qui n’a en soi ni raison, ni droiture.
La troisième, faire en sorte de chérir
Le don précieux et rare que l'on tient dans les mains46.

35Ne pas vouloir l’impossible, ne pas emprunter la voie de la perdition et de la déraison, sauvegarder précieusement le don reçu : l’argumentation dénote une force de conviction qui s’apparente à un véritable credo existentiel. C’est d’ailleurs précisément cela qui conduit messer lo Porco, après avoir consommé le mariage avec Meldina, à lui révéler son « grand secret47 », non sans s’être auparavant assuré explicitement de son silence : « Dévoilez-moi sans crainte tous vos secrets – dit Meldina – car je vous promets de n’en dire mot à personne sans votre consentement48 ». Le « forcer-à-dire » donne alors lieu à la révélation de la véritable identité de son époux : « Ainsi rassuré, messire le Porc ôta sa peau malodorante et sale, et devint un beau jeune homme ; toute la nuit, il dormit étroitement enlacé à sa Meldina49 ». La transgression du serment de silence qu’opère Meldina en dévoilant à ses parents l’identité de son époux donne lieu à une sorte d’espionnage nocturne, en guise de vérification, qui n’est pas sans rappeler le conte d’Apulée, Amour et Psyché, mais il n’engendre aucune sanction, normalement attendue par le fait que « révéler ce qui doit rester secret implique une trahison50 ». Aussitôt couronné roi, messer lo Porco est acclamé par le peuple et promis à une longue vie aux côtés de son épouse. La rhétorique du peuple, incarnée par Meldina, l’aura donc emporté, imposant ses valeurs à une monarchie que l’auteur fige dans la dérision en confiant le pouvoir à celui qui sera désormais appelé Re Porco, le faisant ainsi apparaître partiellement comme un roi de Carnaval.

36Dès lors, ce récit annonce  la valorisation dont le peuple fera l’objet dans la favola III, 1, où une jeune princesse paiera cher ses moqueries à l’égard du jeune pêcheur, Pierre le Fou, annonçant haut et fort une pêche miraculeusement abondante. Nous aurons l’occasion de nous intéresser à ce récit, de manière approfondie, un peu plus loin dans notre analyse.

37Présente dans la favola de Re-Porco, la fiction est étroitement liée à une dialectique secret-révélation dont la clé de voûte est le mariage et la sagesse du peuple. Sans conteste, Meldina donne une leçon éthique à la monarchie, non sans que cette dernière ait fait preuve d’une violence extrême.

38Outre la fiction, source d’admiration et de plaisir pour l’auditeur-lecteur, Straparola saura jouer avec un autre attribut majeur de la rhétorique, le rire, qui concourt à donner une image favorable de l’orateur et qui, pendant le Carnaval, est sous les feux de la rampe.

Une rhétorique burlesque et irrationnelle

39Parce qu’il incarne la contestation par antonomase, Straparola ne pouvait omettre de faire du Carnaval le vecteur d'une satire sociale, en exploitant les ressources théâtrales qui, au milieu du XVIe siècle, connaissent en Italie une éclosion sans précédent.

Dramaturgie du « forcer-à-taire » et lutte des classes

40La favola V, 3, la seule écrite en dialecte bergamasque51, est une illustration du conflit opposant le monde paysan au monde citadin, et nous offre un exemple éclairant de la théâtralisation du conflit social.

41Zambò, jeune paysan bossu originaire des vallées bergamasques, est contraint par ses deux frères, bossus comme lui, à émigrer pour pallier les conséquences économiques  de la famine qui fait rage. Par son insatiable appétit et la maladresse dont il fait preuve dans les innombrables métiers auxquels il s’essaie, Zambò rappelle le masque des Zanni, présents dans maintes pièces du dramaturge Ruzzante52, mais aussi dans Les deux gentilhommes de Vérone, de William Shakespeare. La dimension théâtrale s’affirmera avec vigueur dans les épisodes consécutifs au mariage de Zambò avec la marchande de draps Felicetta, une union scellée à Rome, et par laquelle cet Arlequin straparolien met enfin un terme à ses pérégrinations économiques. Mais, en refusant de satisfaire la demande exprimée par son épouse d’avoir un habillement reflétant son appartenance à la bourgeoisie, Zambò sème la discorde au sein du couple. Aux revendications récurrentes de Felicetta « il répondait qu’elle devait se taire et qu’elle ne devait pas susciter sa colère, car elle le regretterait53 » : les menaces sont aussitôt mises à exécution, car à la gifle succèdent les coups de bâton assénés avec une violence telle que Felicetta ne frôle de peu la mort. En agissant de la sorte, Zambò provoque de la part de son épouse un « forcer-à-dire » se traduisant par un florilège d’insultes :

Est-ce ainsi que tu me traites, paresseux, ingrat, ribaud, misérable, glouton et scélérat ? Est-ce ainsi que tu me gratifies et me récompenses pour le bien que je t’ai fait, car de pauvre valet que tu étais, j’ai fait de toi le maître, non seulement de mes biens, mais aussi de ma propre personne ? Et tu me traites ainsi ? Tais-toi, traître, car de toute manière, je te rendrai la pareille54.

42Par cette attaque verbale ad personam, Felicetta rappelle de manière flagrante certains personnages féminins présents dans l’œuvre de Ruzzante où le conflit citadin-paysan se traduit, entre autres formes, par les revendications vestimentaires de l’épouse du villano55. De l’ordre du reproche moral et comportemental, ces injures reflètent l’importance qu’elles revêtaient dans la société italienne du XVIe siècle en tant que mode de communication56, mais aussi et surtout la transgression par Zambò des valeurs de la bourgeoisie. Par sa « langue mordante », Felicetta provoque une véritable escalade dans la violence conjugale, dont elle parviendra cependant à se libérer par la ruse ; en effet, en voulant cacher à son époux les cadavres de ses deux frères morts accidentellement par étouffement dans l’auge des cochons, elle instrumentalise un croque-mort très diligent qui, trompé par la ressemblance physique, assène des coups de bâton à Zambò, non sans l’avoir préalablement insulté, pour enfin le noyer dans les eaux du Tibre.

43En déléguant un acte violent dont la légitimité paraît difficilement contestable, Felicetta est parvenue à faire tomber le masque de Zambò, à mettre fin au simulacre social de ce dernier, consacrant ainsi l’échec de son intégration dans la bourgeoisie. La présence métaphorique de la mort dans l’énigme, énoncée également en dialecte bergamasque, et la solution qui en est donnée, le jeu de dés, jeu de hasard, accentuent cet échec, car Zambò a laissé le hasard supplanter sa volonté personnelle d’émancipation. En associant le jeu de dés aux blasphèmes et à la mort, l’énigme renforce la dramaturgie de la favola. Straparola démontre aussi, de cette manière, qu’il existe un lien entre cette forme particulière de rhétorique qu’est l’énigme d'une part, et le jeu et la poésie d'autre part, car : « Il est indéniable que toutes les activités de la composition poétique ressortissent à la sphère du jeu : la division métrique ou rythmique du discours parlé ou chanté, l'accent efficace de la rime ou de l'assonance, le déguisement du sens, la construction subtile de la phrase […] 57».

44Par une dramaturgie particulièrement vigoureuse et savoureuse pour le lecteur, Straparola consacre ainsi la révélation du discours bourgeois et la suprématie de ce dernier sur le « forcer-à-taire » auquel l’univers paysan a tenté de l’assujettir.

45Le discours comico-sérieux peut aussi aboutir à une expression paroxystique et frôler l’absurde, comme nous allons pouvoir maintenant nous en rendre compte.

Entre mutisme humain et « rhétorique animale » : l’absurde

46La condamnation de la paresse donne lieu, dans la favola VIII, 1, à une exemplification en trois épreuves qui, toutes, se caractérisent par leur caractère irraisonné. Pour décider auquel des trois revient la pierre précieuse qu’ils ont trouvée sur leur chemin, un paresseux, un gourmand et un sot acceptent que la question soit résolue par celui d’entre eux dont messer Colonna aura jugé « l’exploit indolent58 ».

47Gordino, le gourmand, pense accomplir une prouesse en refusant obstinément d’ouvrir sa bouche remplie des figues qu’il a dérobées à son maître ; parce qu’il craint de perdre le pari, il préfère subir un acte chirurgical particulièrement violent, et n’en finira pas moins par être banni par son maître, étonné par tant de sottise.

48Fentuzzo, le paresseux, se réjouit presque de devenir borgne à cause de la goutte d’eau qui ne cesse de tomber sur son visage, plutôt que de mettre un terme à cette passivité qui, pense-t-il, lui permettra de remporter la pierre précieuse.

49Enfin, dans le troisième épisode, qui rappelle le conte type 1351 répertorié par Stith Thompson sous le titre « Le pari du silence59 », Sennuccio impose à son épouse de se taire : « Bedovina, je veux que nous fassions un pacte : le premier de nous deux qui parlera, fermera la porte d’entrée60 ». Le « forcer-à-taire » qui n’est pas explicitement relié à la pierre précieuse et dont le seul enjeu est la fermeture d’une porte, sera brisé par le « forcer-à-dire » consécutif à un serviteur inconnu qui, sous prétexte de demander de la lumière, profite sexuellement de Bedovina sous les yeux de son mari, imperturbable. Bien qu’ayant éprouvé du plaisir, Bedovina reproche à son époux la passivité dont il a fait preuve : « Ah, le brave homme que voilà ! Vous avez laissé la porte ouverte toute la nuit, laissant venir librement les hommes dans notre maison, sans leur opposer la moindre résistance. Vous mériteriez que l’on vous donne à boire avec un soulier déchiré61 ».

50Sennuccio est indifférent aux reproches de son épouse et se réjouit, en revanche, d’avoir gagné le pari : son triomphalisme traduit la misogynie de Straparola qui, en cela, se révèle proche de Girolamo Morlini et, en particulier, de la position que celui-ci exprime dans la dernière favola de son recueil, où trois femmes commettent des exploits sexuels aussi absurdes que dénigrants, pour offrir au lecteur la conclusion suivante : « La nouvelle montre que les femmes ont l’habitude de faire cela, et bien d’autres choses encore62 ».

51En laissant suspendue la question de la propriété de la pierre précieuse, messer Colonna ayant été déconcerté par une indolence si absurde, Straparola fait du silence le vecteur de son adhésion à la vanité du savoir63, mais il consacre aussi l’échec de la principale finalité de la rhétorique qui est la résolution d’un conflit. Toutefois, en attribuant à Pietro Bembo, grand rhétoricien vénitien, la solution de l’énigme dans laquelle est décrit un oiseau fictif, nommé Perdigiornata64, miroir évident de l’indolence incarnée par les trois personnages, l’auteur n’affirme-t-il pas la suprématie de la rhétorique en tant que discipline, dénotant ainsi une position ambiguë à l’égard de l’efficacité de l’ars dicendi ?

52Il convient, d’ailleurs, de souligner que les animaux ne sont pas rares dans le recueil straparolien65 et qu’ils présentent également un rapport étroit avec le « forcer-à-dire » et le « forcer-à-taire ». Dans la favola XII, 3, qui est une traduction de la nouvelle morlinienne LXXXI – l’une des opérations de transcription ayant conduit la critique à accuser Straparola de plagiat –, figure le motif du héros capable de comprendre le langage des animaux, un motif « très ancien et largement répandu tant dans le folklore que dans la mythologie66 ». Pour avoir ri en entendant une jument reprocher à son poulain le caractère injustifié de sa plainte, Federico da Pozzuolo provoque la libido sciendi de son épouse et confère à l’enjeu de la dialectique secret-révélation un caractère vital. En effet, Federico ne peut révéler ses facultés surnaturelles sans perdre la vie ; son épouse, quant à elle, se déclare prête à se donner la mort au cas où Federico s’obstinerait dans son silence. Et c’est au moment même où il se confesse, après avoir cédé au chantage, que Federico entend un coq affirmer avec conviction qu’il applique à ses cent épouses le précepte aristotélicien en vertu duquel « la femme et le serviteur sont du même niveau67 » et que, par conséquent, celui qui est incapable de le mettre en pratique « a peu de valeur68 ».

53Le discours du coq apparaîtra dès lors comme un exemplum au sens où l’entend Barthes :

L’exemplum (paradeigma) est l’induction rhétorique : on procède d’un particulier à un autre particulier par le chaînon implicite du général : d’un objet on infère la classe, puis de cette classe on défère un nouvel objet. L’exemplum peut avoir n’importe quelle dimension, ce peut être un mot, un fait, un ensemble de faits et le récit de ces faits. C’est une similitude persuasive, un argument par analogie […]69.

54L’induction ne se fait pas attendre, car « Ayant bien entendu ces mots et les ayant fort appréciés, le jeune homme modifia son jugement et remercia grandement le coq70 ». L’extrême violence de Federico envers son épouse apparaît comme une sanction de la curiosité féminine71, par le caractère exacerbé que celle-ci présente ; la pulsion à connaître, à transgresser le "forcer-à-taire" a conduit en effet à banaliser la mort, faisant ainsi apparaître la curiosité comme « vaine, illicite et même sacrilège car elle s’exerce en contradiction avec la règle de foi72 » qui donne à Dieu seul le droit de disposer de la vie des hommes.

55La « rhétorique animale », s’avère ainsi plus persuasive que la rhétorique humaine, dans un renversement des rôles et du discours aboutissant à l’absurde, lequel voile difficilement la comédie, en raison de la violence, de la misogynie et des références religieuses qui lui sont liées.

Vers l’éloquence sacrée

56Si à Venise, l’humanisme du XVIe siècle « se confond avec la défense d’un ordre proprement humain, distinct de l’éloquence, et où l’éloquence héritière de l’éloquence latine est à la fois instrument et symbole d’harmonie politique73 », il est vrai aussi que certaines œuvres ont pu y être éditées parce qu’elles ont su prendre acte des débats tridentins, comme cela est le cas des Piacevoli notti.

Plaidoyer pour la virginité

57Parmi les soixante-treize favole que compte le recueil straparolien, celle numérotée III, 1, se distingue par ses multiples réminiscences bibliques. En acceptant le pacte que lui propose le thon qu’il a capturé, c’est-à-dire la liberté en échange d’une pêche abondante et de la possibilité d’exaucer tous ses vœux, Pierre le Fou améliore sa situation économique et se venge des moqueries dont il a été l’objet de la part de la princesse Luciana. En effet, il demande au thon qu’il la fasse tomber enceinte alors qu’elle est âgée de dix à peine et, par conséquent, encore vierge. Luciana sera enfermée avec Pierre et son enfant dans un tonneau livré aux flots, triste alternative que ses parents ont trouvée pour ne pas succomber à la tentation de commettre un infanticide, qui causerait le déshonneur de la monarchie.

58La scène de ménage qui se déroule dans cet emblème du Carnaval qu’est le tonneau, Luciana reprochant à Pierre son insouciance à l’égard des dangers qui les menacent, engendre le dévoilement par Pierre des raisons de sa sérénité : « Tais-toi, car j’ai un secret qui te surprendrait et qui peut-être te réjouirait si tu le connaissais74 ». L’ayant exhorté à révéler son secret, en lui faisant prendre conscience des dangers imminents qui les menacent, Luciana hérite les pouvoirs du thon et parvient ainsi à donner la preuve à ses parents que sa virginité est intacte, en parodiant l’épisode biblique du fruit défendu.

59Le voyage en Terre Sainte entrepris par le couple royal, en proie au remords, l’hymne rendu à la virginité et les réminiscences bibliques constituent autant d’éléments par lesquels Straparola fait sienne la reconnaissance par les théologiens de Trente de la légitimité de l’ars dicendi lorsqu’elle concourt à l’affirmation des vérités de la foi. En cela, la favola III, 1, semble annoncer la rhétorique borroméenne qui, elle, participera du « véritable triomphe de l’Éloquence, élevée à la dignité d’office sacerdotal et apostolique75 », renvoyant ainsi aux oubliettes l’art païen par excellence qu’était alors la rhétorique.

60Mais l’influence des débats conciliaires sur les Piacevoli notti se traduit également par la mise en scène de personnages incarnant la lutte du Bien contre le Mal.

L’oratrice chrétienne face au démon

61Dans la favola I, 4, Straparola nous offre l’une des premières versions écrites du conte Peau d’Âne : pour éviter l’inceste, tentation à laquelle est confronté son père, Tebaldo, en raison du vœu formulé par son épouse avant qu’elle ne décède – épouser en secondes noces uniquement la femme pouvant porter son alliance –, la princesse Doralice connaîtra les pires malheurs. Accusée à tort d’avoir tué ses propres enfants, meurtre commis en réalité par Tebaldo, elle sera ensevelie vivante, puis sauvée grâce aux  révélations de sa nourrice, laquelle joue le rôle de Fransoe dans la favola de Salardo. L’immédiate mise à mort de Tebaldo constitue la preuve de la force de persuasion des arguments de la nourrice, car « […] le jour suivant, il fut conduit sur un char et enserré par des pinces ardentes […] on le fit écarteler, et l’on donna ses chairs aux chiens enragés76 ». La mise à mort du prince par la lacération des chairs s’apparente à un tyrannicide accompli au nom de la foi chrétienne qui interdit l’inceste : « La violence défigure, déchire et déshumanise par des blessures multiples pour signifier atrocement que la créature, qui a l’apparence d’être une créature de Dieu à Son image, n’est plus une image de Dieu, qu’elle est une image effroyable de Satan77 ». L’instrumentalisation du corps devient alors le vecteur d’un discours et d’une réconciliation inhérents au sacré.

62Si dans le proème Straparola affiche son éloignement du modèle qu’est le Décaméron pour le genre de la nouvelle, en réfutant l’éclectisme narratif de Boccace au profit d’une double composante narrative, les contes et les énigmes, il est manifeste qu’il a emprunté à cette œuvre des formules stylistiques, mais qu’il y a puisé également une partie de son inspiration narrative. Ainsi, le condottiere Carlo da Rimini, protagoniste de la favola II, 3, rappelle de manière flagrante le notaire ser Ciappelletto, personnage démoniaque par lequel débute le Décaméron, car, comme lui, « Carlo fut un homme querelleur, méprisant Dieu, blasphémateur des saints, meurtrier, bestial et adonné à toute sorte de luxure efféminée78 ». N’étant pas parvenu à obtenir une réponse affirmative à la demande de mariage qu’il présente à Teodosia, jeune vierge « absorbée dans le culte divin et dans les oraisons79 », il essaie de satisfaire par la force ses pulsions charnelles, devenues incontrôlables par suite de la transformation de son « ardent amour » en une « fureur bestiale80 ».

63Incarnation parfaite de la femme mystique, Teodosia ne peut que tenir à Carlo un discours dont l’enseignement religieux constitue le fer de lance. La demande de mariage qu’elle reçoit, la contraint à affirmer que personne ne saurait contrecarrer son engagement spirituel :

Carlo, renonce à ta volonté obstinée, car jamais tu ne pourras m’avoir comme épouse, ayant offert et voué ma virginité à celui qui voit et gouverne tout. Et quand bien même tu souillerais mon corps, contre mon gré, par la violence, tu ne pourrais pas pour autant contaminer mon esprit inébranlable, que j’ai voué, dès ma naissance, au Créateur. Dieu t’a donné le libre arbitre afin que tu connaisses le Bien et le Mal, et que tu fasses ce qui te serait le plus agréable. Fais donc le Bien, car tu seras jugé vertueux, et délaisse le contraire, que l’on dit vicieux81.

64Insensible à ces propos relevant d’une véritable prédication religieuse, et à l’articulation syntaxique remarquable, Carlo se livre à une tentative d’agression sexuelle dans la cuisine où se déroule la rencontre, une tentative déjouée par la disparition inopinée de Teodosia : « L’oraison mentale était à peine finie que Teodosia disparut miraculeusement82 ». Aveuglé par son désir, Carlo en vient à embrasser des chaudrons, dans un quiproquo carnavalesque par lequel son corps est recouvert d’une noirceur si intense qu’« il ressemblait au démon83 ».

65Pour décrire la violence dont Carlo est l’objet de la part de ses deux serviteurs, l’auteur a recours à l’hypotypose, donnant au lecteur l’impression d’assister à la scène et la rendant ainsi plus aisément mémorable »

[…] l’ayant vu si difforme et laid, ils l’accablèrent de coups de bâton, et par des coups de poing, ressemblants à du fer, ils lui brisèrent le visage et les épaules, et ils ne lui laissèrent pas un seul cheveu sur la tête […] ; à aucun moment, Carlo ne peut ouvrir sa bouche et entendre la raison pour laquelle ils le frappaient84.

66Par son incompréhension et son étonnement, le protagoniste apparaît proche de certains beffati qu’Antonfrancesco Grazzini, contemporain de Straparola, met en scène dans son recueil Le cene, et en particulier de maestro Manente (III, 10), soumis à une véritable torture.

67Carlo regrettera amèrement de s’être rendu sur la place publique dans l’espoir d’y trouver le salut : les brimades, les crachats, les moqueries dont il est l’objet de la part de la foule l’ayant assimilé à un fou, viennent s’ajouter à la torture des serviteurs, dans un crescendo violent qui empêche Carlo de plaider pour sa défense, comme il souhaiterait le faire, le contraignant, au contraire, à garder le silence. Ainsi frappé, traîné au sol et humilié, Carlo apparaît comme le monstre qui a voulu bafouer l’interdit religieux et que de ce fait la foule, l’agent collectif le plus typique de la violence, renvoie en enfer, dans une sorte d’aspiration purgative collective. La torture à laquelle il est soumis sera d’ailleurs présente dans l’énigme II, 3, à travers la prosopopée, « figure très utile dans l’amplification et chaque fois qu’il faut émouvoir les passions85 », par laquelle Straparola choisit de représenter la fabrication du tissu hybride qu’est la toile.

68Le corps civique réuni manifeste donc son abandon à la volonté divine, en se débarrassant de celui qui menace le salut individuel et collectif dont Teodosia est le porte-parole par son credo. Mais le discours religieux n’en triomphe pas pleinement pour autant : le mal de vivre chrétien est présent dans le rebondissement que constitue la position du juge ayant assisté à la scène publique. La bienveillance que ce dernier dénote à l’égard de Carlo induit son supérieur, le Recteur, à considérer que la « démonisation » de la victime résulte de l’« art de la magie86 » pratiqué par Teodosia. Après avoir incarné le mysticisme chrétien par antonomase, la voilà assimilée à une sorcière : par cette similitude, Straparola illustre « la hantise et la crédibilité du monde démoniaque87», accrues par la lecture, à travers la grille chrétienne, des œuvres d’Apulée et d’Ovide, ainsi que le heurt, incarné par la sorcière, entre « la religion constituée et les instances magiques et traditionnelles88 ».

69Néanmoins, l’éloquence sacrée finira par l’emporter, car Teodosia échappera à répression du pouvoir laïc, en trouvant refuge dans un monastère où elle vivra cachée pour servir Dieu, l’auteur rappelant ainsi dans l’épilogue la fonction idéologique attribuée à ce personnage.

70D’ailleurs, il est important d’observer que dans le récit suivant (II, 4), l’auteur des  Piacevoli notti propose une nouvelle version de la célèbre Favola de Machiavel : le « forcer-à-dire » revêt, chez Straparola, la forme d’un discours exorciste, prononcé afin de déposséder le corps du duc de Melfi du démon qui s’y est réfugié pour fuir l’enfer qu’il vit sur terre, depuis qu’il a pris femme. Si le texte de Straparola, comme celui de Machiavel, est un hymne rendu à la misogynie, il n’en demeure pas moins que le démon retourne dans sa demeure originelle, l’Enfer. En achevant la narration par une énigme ayant comme solution l’âme, Straparola n’en autorise que davantage la lecture théologique de la favola II, 4, une lecture qui s’impose également pour d’autres récits du recueil, où des hommes au profil démoniaque servent la causa religiosa.

Des hommes diaboliques au service de la cause religieuse

71Dans le deuxième diptyque que constituent les favole X, 4, et X, 5, Straparola renoue avec les personnages diaboliques, par le biais d’un discours hérétique aux allures dithyrambiques. Forcé à dire ses dernières volontés par la mort qui approche, Andrigetto da Valsabbia (X, 4) ordonne à son notaire de mettre par écrit ses souhaits maléfiques, au premier rang desquels figure celui-ci : « Moi, Andrigetto da Valsabbia, infirme de corps et sain d’esprit, je lègue mon âme au grand diable de l’Enfer89 ». Les réticences du notaire, exprimées dans un discours comportant les principaux attributs de la rhétorique, c’est-à-dire la verve, l’émotion, l’exemplification et la déduction ne parviendront guère à battre en brèche la détermination d’Andrigetto. Dans une sorte de délire malfaisant ante-mortem, Andrigetto voue à Lucifer, expressément nommé, l’âme de son confesseur, mais aussi celle de son épouse, avant d’inciter ses propres enfants à dilapider la fortune qu’il leur lègue, sans nullement pratiquer le culte des morts, dans une jouissance terrestre qui, affirme-t-il, les conduira à leur propre perte financière et à leur suicide par pendaison !

72L’obscénité présente dans l’énigme ne fait qu’accentuer la portée hérétique de ce discours, pour lequel, à n’en pas douter, Straparola se serait attiré les foudres de l’Inquisition s’il n’avait rééquilibré sa position idéologique dans la favola suivante, où le « forcer-à-dire » est au contraire mis au service de la doctrine catholique.

73Dans l’incipit du récit X, 5, l’auteur affirme que la narration sera « source d'un enseignement et d'une instruction non négligeables90 », puis il précise que Pavie, la ville où se dérouleront les faits, abrite la sépulture du « corps sacré du vénérable et divin saint Augustin, véritable glaive pour les hérétiques, lumière et lustre de la religion chrétienne91». Cet hommage appuyé rendu à celui qui avait renoncé à enseigner « l’art de vaincre l’esprit des hommes par la puissance de la parole92», avant de l’admettre comme un mal nécessaire à la prédication et à l’interprétation des Écritures, à la condition que le docere soit prééminent sur le movere et le delectare93,traduit l’influence du Concile de Trente sur l’œuvre de Straparola : la Réforme catholique admet en effet la nécessité d’une nouvelle éloquence sacrée « qui se fera sur la base d’un retour aux Pères de l’Église, plutôt que sur celle d’une réaction médiévaliste et scolastique94 ».

74D’ailleurs, la perversité de Rosolino da Pavia, meurtrier, voleur, et en cela très semblable à Andrigetto, n’est guère atténuée par la présence à ses côtés de son enfant menant, à la différence de lui, « une vie très louable et sainte », et s’efforçant par de « sages admonestations95 » de corriger la dépravation paternelle.

75Rattrapé par la justice, Rosolino nie en bloc tous ses méfaits, « affirmant être un homme de bien, menant une vie honnête 96», en dépit des violences corporelles qu’il subit, dans une sorte d’angélisme narcissique, aussi stoïque qu’invraisemblable. La justice parviendra à ses fins uniquement lorsqu’elle aura mis en œuvre son ultime stratagème : faire de Bargetto, le fils de Rosolino, l’instrument du « forcer-à-dire », en le soumettant, à son tour, à la torture. Les faux aveux du fils, obtenus par le recours à la « question », engendreront alors la confession du père, à l’origine de laquelle se trouve l’amour filial, ce que Rosolino démontre dans un discours dont l’argomentum, au sens de mode persuasif par déduction, est la chair :

Messires compatissants, humains et amants de la justice, vous avez vu et clairement constaté ma résistance aux tourments ; et cela n’est guère étonnant, car alors vous martyrisiez ma chair morte, mais lorsque vous tourmentiez Bargetto, mon unique enfant, alors vous tourmentiez ma chair vivante97.

76La force de conviction de ces propos est indéniable car le juge « ayant entendu la cause, voulut l’absoudre complètement98 » : il apparaît dès lors comme un prêtre, incarnant le pardon de l’Église, après avoir été l’arme  de répression de celle-ci.

77À l’instar de Salardo, Rosolino da Pavia finira sa vie dans un ermitage pour y mener une vie faite de pénitence, mais à la différence de lui, il deviendra un modèle pour la postérité car « jusqu’à ce jour, il est présent dans nos mémoires comme un exemple pour les vertueux et un châtiment pour les malveillants99 ». Or, l’exemple est très utilisé dans l’argumentation parce qu’il fait voir, « il s’impose […] par sa vivacité et par l’autorité dont il fait preuve. Il joue aussi souvent le même rôle que le témoignage […] et comme lui […] il doit servir de preuve100 ».

78De toute évidence, cette favola annihile la portée subversive de la précédente et consacre la progression discursive vers l’éloquence sacrée.

79Ainsi, au terme de notre analyse, il apparaît que la relation à caractère oppositionnel entre le « forcer-à-dire » et le « forcer-à-taire », naît et se développe au sein de l’espace domestique et qu'elle engendre une violence physique, verbale mais aussi morale. Les enjeux qui régissent le silence et la révélation revêtent une nature plurielle, investissant l’obéissance filiale, de la lutte des classes, l’amour paternel, la dérision du pouvoir monarchique, ou encore l’affirmation de certains des dogmes catholiques parmi les plus importants, tels que le pardon, la virginité ou la foi. Cette pluralité dénote l’importance que Straparola accorde à ces deux vecteurs de la rhétorique. Les principales stratégies discursives déployées par l’auteur pour servir son « ammaestramento », finalité première de la dialectique instaurée entre le dit et le non-dit, se conjuguent elles aussi avec l’hétérogénéité, car elles relèvent de la fiction, de l’équivoque carnavalesque, de la parodie, de la dispositio comico-sérieuse, mais aussi de l'absurde, et sont consolidées par l’analogie entre la favola et l’enigma.

80Dans les contes, la rhétorique straparolienne relève à la fois du genre judiciaire et du genre épidictique, surtout lorsqu’elle revêt une nature éthico-religieuse. L’énigme, quant à elle, appartient davantage à l’aire du secret qu’à celle de la révélation, car la solution demeure l’apanage du questionneur, sorte d’ « alibi de l’écrivain101 », par l’incapacité de déchiffrement des allocutaires et l’absence de libido sciendi qui caractérise ces derniers. Le discours poétique, dont le huitain est le vecteur et dans lequel la violence est aussi très présente, prend alors la forme anodine d’un jeu de conversation, éloigné de la contestation, mais qui, à n’en pas douter, est aussi « un jeu de société servant à apaiser les conflits102 ».

81Peut-être est-ce grâce à l’habileté démontrée dans le maniement de cette « rhétorique noire » que Straparola est parvenu à éviter le silence imposé par la censure ecclésiastique par l’Index des livres interdits de 1559 ? Mais aurait-on pu s’attendre à moins de la part de celui dont le nom, peut-être un pseudonyme, renvoie au verbe italien « straparlare » signifiant « parler trop, dégoiser » et qui paraît revêtir une nature antiphrastique, car son discours, articulé, riche en techniques argumentatives, et axé sur les passions, dénote au contraire une bonne maîtrise de l’art oratoire ?

82Dès lors, il n'est pas complètement insensé d'imaginer que sir William Shakespeare ait trouvé dans le recueil de cet homo loquens italien la source d'inspiration pour quelques virtuosités verbales et calembours dont il était si friand et qui réjouissent le lecteur.

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Notes

1  Roland Barthes, « L'ancienne rhétorique », Communications, 16, 1970, p. 175.

2  Pour cette pièce datant de 1595, Shakespeare s'est inspiré de la nouvelle XXXII de Il novellino (publié en 1476), écrit par Tommaso Guardati (Salerne 1410 ?-Salerne 1475), plus connu sous le nom de Masuccio Salernitano. Deux autres nouvellistes de l'Italie du nord, Luigi da Porto (1485-1529) et Matteo Bandello (1480-1561), dont les récits furent popularisés en Angleterre par Arthur Brook et William Painter, reprendront ce texte. M. Bandello narre l'histoire d'amour malheureuse de Roméo et Juliette dans la nouvelle IX de la deuxième partie de son recueil.

3  Giovan FrancescoStraparola, Le piacevoli notti, a cura di Donato Pirovano, Roma, Salerno Editrice, 2000, 2 vol. Cette édition, à laquelle nous nous référerons dans le présent article, et qui est la dernière dont nous ayons connaissance, sera désormais abrégée en P.N.

4  Pour quelques hypothèses biographiques, il est possible de se référer à l’ouvrage de Ruth Bottigheimer, Straparola, Venice and the fairy tale tradition, Philadelphia, University of Pennsylvania Press, 2002, ainsi qu’à notre article : « “State felici, memori di me” : le moi masqué et démasqué de Giovan Francesco Straparola (1480 ?-1557 ?) dansles lettres dédicacées, prélude à Le piacevoli notti (1551-1553) », Centre de recherches Romania, Université Nancy 2, Revue P.R.I.S.M.I, n° 9, 2010, p. 12-23.

5  Parmi ces trois fabulistes, le premier s’inspirera de la favola III, 1 des Piacevoli notti pour le récit intitulé Peruonto, appartenant à son recueil Lo cunto de li cunti ; Le Chat botté de Charles Perrault rappelle la favola straparolienne XI, 1 ; quant à Madame d’Aulnoy et à Madame Leprince de Beaumont, elles se référeront à la favola II, 1 pour Le prince marcassin et La Belle et la Bête.

6  Jean-Claude Margolin, « Sur quelques usages de la cryptographie à la Renaissance », in Histoire et secret à la Renaissance, études réunies par F. Laroque, Paris, Presses de la Sorbonne nouvelles, 1997, p. 144.

7 Giancarlo Mazzacurati, « La narrativa di Giovan francesco Straparola e l’ideologia del fiabesco », in Forma e ideologia, Napoli, Liguori, 1974, p. 104.

8  Sergio Cotta, Pourquoi la violence ? Une interprétation philosophique, traduit de l’italien par E. Cotta, Saint-Nicolas(Québec), Presses universitaires de Laval, Coll. « Diké », 2002 [Édition originale : Perché la violenza ? Una interpretazione filosofica, 1978], p. 62.

9  Débutées en 1494 par la descente de Charles VIII, ces guerres entre la France et l’Espagne pour la domination de la Péninsule ouvrent une période de bouleversements sans précédents, et ne prendront fin qu’en 1559, lors de la signature du Traité du Cateau-Cambrésis.

10  Rappelons que cette dynastie de condottieri s’éteignit après la mort, sans successeurs, du duc Francesco II Sforza, survenue en 1535. Le duché de Milan devint alors l’enjeu des guerres d’Italie.

11  « Ma per lo ravoglimento de’ malvagi tempi, per gli acerbi odii, per le sanguinolenti battaglie, per lo continovo mutamento de’ stati, indi si parti’[…] », P.N., p. 5. 

12  Nous traduisons ce terme par « conte » bien qu’il soit possible de le traduire par « fable » : notre choix de traduction est dicté par le lien étroit établi par l’auteur entre écriture et narration orale. Nous traduisons également tous les passages extraits de l’œuvre.

13  Arnaud Tripet, Poétique du secret : paradoxes et maniérisme, Paris, H. Champion, 2007, p.109.

14  Stéphane Bikialo et Jacques Dürrenmatt, Revue La Licorne, « L'énigme », n° 64, 2003, p. 19.

15  « L’énigme est [...] cette convocation à penser autrement, elle est chaque fois défi, provocation, parce qu’elle réclame dépassement des procédures communes de la réflexion, abandon du confort déductif, et risque à se trouver enfin mis en demeure de penser vraiment, sans indication, sans refuge, sans souci de soi, au risque, effrayant et fascinant, de se perdre », ibid., p. 29.

16 Cf. Roland Barthes, art.cit., p. 179.

17  Cité par Joëlle Gardes-Tamine, La rhétorique, Paris, A. Colin, 2002, p. 46.

18  « […] a tal impresa non molto sofficiente mi trovo, perché di quella facondia che in tai ragionamenti si richiede, al tutto priva mi veggio, per non mi essere essercitata nell’arte de l’ornato e polito dire », P.N., p. 14.

19 « De' quai il primo fu che, per l'amore grande che egli alla moglie portasse, secreto alcuno mai non le palesase », ibid., p. 16.

20  « per la sua testa sola », ibid., p. 16.

21  « saggi e ben regolati comandamenti  paterni », ibid., p. 20.

22  « Ma ben ti prego, per quello amore che m'hai portato e porti, che questo secreto appalesar non vogli, perciò che manifestandolo ne saresti e della tua e della mia total roina cagione », ibid., p. 22.

23  « Non dubitate punto che io più tosto soffrirei di morire che mai tal secreto rivelare », ibid., p. 22.

24  « lui » et « moi ».

25  « O Dio volessi che io mai ispermentata non avesse l’infida mia moglie ! O Salardo, quanto meglio ti sarebbe, se sequitato avesti la paterna traccia, lasciando a’ lusinghieri e a gli adulatori il corteggiare e’ principi e signori », P.N., p. 24.

26  « Udita che ebbe il popolo la causa della condannazione di Salardo, non vi fu veruno che dirottamente non piangesse la sciagura del sventurato giovane e che non desiderase la sua liberazione », ibid., p. 27.

27  Sergio Cotta, op. cit., p. 52.

28 « Il falcone, per la cui pensata morte sei contra me focosamente adirato, vive ed è in quel stato che era prima, né io lo presi per ucciderlo né per oltraggiarti, ma per far più certa isperienza d’un mio celato oggetto, il quale ora ti sarà manifesto », P.N., p. 29.

29 « Salardo, se ora tu potesti penetrare cogli occhi la parte di dentro del mio cuore, apertamente conosceresti che la fune che ti ha finora tenute legate le mani e il capestro che ti ha circondato il collo non hanno apportato a te tanto dolore quanto a me affanno, né tanta pena a té quanto a me doglia », ibid., p. 29.

30 « dolorosamente », ibid., p. 31.

31 « lietamente lungo tempo visse », ibid., p. 31.

32 « Aveva la favola da Lauretta raccontata più volte mosse le compagne a lagrimare », ibid., p. 31.

33 Nacqui tra duo seraglia incarcerata,
e di me nacque dopo un tristo figlio
grande come sarebbe, oimè mal nata,
un picciol grano di minuto miglio ;
da cui per fame fui poi divorata
senza riguardo alcun, senza consiglio.
O trista sorte mia dura e proterva
di madre non poter restar pur serva
, P.N., p. 32.

34  Bruno Roy, « Des devinettes aux énigmes. Les premières séries des Questions énigmatiques », in L'énigmatique à la Renaissance : formes, significations, esthétiques, Actes du colloque organisé par l'association Renaissance, Humanisme, Réforme (Lyon, 7-10 septembre 2005), études réunies par Daniel Martin, Pierre Servet, André Tornon, Paris, H. Champion, 2008, p. 165.

35  « Le but véritable et unique de la devinette n’est pas la solution, mais la résolution. La réponse étant connue du questionneur, il n’importe pas pour lui de la réentendre, mais de voir le questionné en état de la lui donner, d’amener le questionné à la lui donner », Alain Jolles, Formes simples, Paris, Le Seuil, 1972, p. 109.

36  « niuno fu che aggiungesse al segno », P.N., p. 32. Précisons que sur soixante-treize énigmes, seules quatorze sont résolues.

37  « […] Alchia, vedendo l’ostinato volere di Fortunio e non potendo da tal importunità rimoverlo, il confirmò non esser vero suo figliuolo, ma nudrito in casa per amor d’Iddio e per alleviamento de’ peccati suoi e del marito », ibid., p. 218.

38  « Queste parole al giovane furono tante coltellate al cuore e li crebbero doglia sopra doglia. Or essendo senza misura dolente, né sofferendogli il cuore se medesimo con alcuna violenza uccidere, determinò di uscire al tutto di casa [...] ed errando per lo mondo tentare se la fortuna ad alcun tempo li fusse favorevole », ibid., p. 218.

39  « [...] mon origine, si humble soit-elle, j’entends, moi, la saisir », Sophocle, Oedipe roi, in Tragédies complètes, Paris, Gallimard, 1973, p. 221.

40  « tutta accesa d’ira e di sdegno, dielli la maledizzione, pregando Iddio che se gli avenisse per alcun tempo di cavalcare il mare, ei fusse dalla sirena non altrimenti inghiottito che sono le navi dalle procellose e gonfiate onde marine », ibid., p. 219.

41  « Dopo alcuni giorni Fortunio […] fattosi lupo, Alchia sua matrigna e Valentino suo fratello per la ricevuta ingiuria divorò », ibid., p. 230.

42  « Nel caso dello Straparola, come nella emblematica rinascimentale, memore del culto antico al serpente di Euscalapio, il serpente è un essere buono, donatore di scienza e di potenza magica » / « Dans le cas de Straparola, comme dans celui des emblèmes de la Renaissance, héritiers de l’ancien culte voué au serpent d’Esculape, le serpent est un être bon, donateur de savoir et de puissance magique », Eugenio Battisti, L’antirinascimento, Torino, Nino Aragno editore, 2005 [ première édition : Feltrinelli, 1962], vol. 1, p. 65.

43 « Madre mia diletta, voi siete povera e carica di figliuole ; se voi consentirete, tosto ve ne verrete ricca. Io ho questo figliuolo porco e lo vorrei maritare in questa vostra figliuola maggiore. Non vogliate aver rispetto a lui, che è porco, ma al re e a me, ché al fine di tutto il regno nostro ella sarà posseditrice », P.N. p. 98-99.

44  « Ma pur sì dolci furono le parole della poverella che la figliuola accontentò », ibid., p. 99.

45  « puzzolente bestia », ibid., p. 99.

46  « Tre cose ho già sentite raccontare,
sacra corona veneranda e pia.
L’una, quel ch’è impossibile truovare,
andar cercando è troppa gran pazzia.
L’altra, a quel tutto fede non prestare
Che ‘n sé non ha ragion né dritta via.
La terza, il dono precioso e raro,
        ch’hai ne le mani fa ch’il tenghi caro », ibid., p. 102.

47  « alto secreto », ibid., p. 103.

48  « Sicuramente scopretemi ogni vostro secreto – disse Meldina – ché io vi prometto di non manifestarlo senza il vostro volere ad alcuno », ibid., p. 103.

49  « Sicurato adunque messer lo Porco dalla moglie, si trasse la puzzolente e sporca pelle, e un vago e bellissimo giovane rimase, e tutta quella notte con la sua Meldina strettamente giacque », ibid., p. 103.

50  Arnaud Tripet, op. cit., p. 217.

51  Toutes les favole et leurs énigmes sont écrites en italien, hormis la V, 3 et la V, 4, écrites respectivement en dialecte bergamasque et padouan.

52  Voir, à ce propos, la pièce de théâtre intitulée Due dialoghi (a cura) di L. Zorzi, Torino, Einaudi, 1998, et en particulier les scènes numérotées 5 et 12.

53  « rispondeva che dovesse tacere e che non lo facesse andare in collera perché sarebbe male per lei », P.N., p. 373.

54  « In questo modo, poltrone, ingrato, ribaldo, manigoldo, ghiottone e scellerato, questo è il premio e la ricompensa che mi rendi del beneficio che t’ho fatto, che da mio vile servo che eri t’ho io fatto padrone non solamente della roba ma anche della mia propria persona ; e tu in questo modo mi tratti ? Taci, traditore, che in ogni modo te ne ripagherò », ibid., p. 373.

55  Voir, à ce propos, les personnages de Gnua et de Dina dans I due dialoghi, oùcette dernière aspire à « esser donna e madonna », selon l’expression courante de l’époque, signifiant « maîtresse du foyer » ; mais comme le souligne André Rochon, « cette formule consacrée par l'usage signifiait […] que sa vie matérielle était dignement assurée et qu'elle avait droit à certains égards », A. Rochon, « La femme italienne aux XVe et XVIe siècles : Ève jugée par Adam », in Histoire mondiale de la femme, sous la direction de P. Grimal, vol. 2, Paris, Nouvelle librairie de France, 1966, p. 269.

56  Il suffit de songer aux insultes apparaissant sur les « cartelli infamanti », des feuilles de papier fixées sur la porte de la victime, violant son espace domestique, au moins symbolique, ou encore aux « pasquinate », des vers vernaculaires et piquants accrochés à la statue classique mutilée dite « Pasquino ». Cf. Peter Burke, « L’art de l’insulte en Italie aux XVIe et XVIIe siècles », in Injures et blasphèmes, Paris, Éd. Imago, 1989, p. 49-61.

57 Johan Huizinga, Homo ludens. Essai sur la fonction sociale du jeu, Traduit du néerlandais par Cécile Seresia, Paris, Gallimard, 1951, p. 217.

58  « l'opera poltronesca », P.N., p. 524. Rappelons que les frères Grimm proposeront deux versions de ce conte, intitulées : Les trois paresseux et Les douze valets paresseux.

59  « Les histoires de paresse les plus populaires concernent des cas d’indolence extrême » / « Le più popolari storie di pigrizia riguardano casi di indolenza estrema », Stith Thompson, La fiaba nella tradizione popolare, Milano, Il Saggiatore, 1946, p. 299.

60 « Bedovina, voglio che faciam patto tra noi : chi sarà il primo a parlare, chiuda l’uscio »,P.N., p. 528.

61 « Oh bella cosa di uomo ! Voi avete lasciato tutta notte l’uscio aperto, lasciando licenziosamente venir gli uomini in casa, senza fargli resistenza alcuna. Il sarebbe da darvi da bere con una scarpa rotta », ibid., p. 529

62 « La novella mostra che le donne sono solite fare questo ed altro », GirolamoMorlini, Novelle e favole (a cura) di G. Villani, Roma, Salerno Editrice, 1983, p. 387.

63  Selon Hiram Haydn, l’une des caractéristiques majeures de la Contre-Renaissance est « la révolte contre la théorie enchevêtrée et sophistiquée, la spéculation abstraite, l’arrogante présomption de l’intellect, les complexités du savoir, de la culture ainsi que des arts et des sciences traditionnelles » / « la rivolta contro la tortuosa ed elaborata teoria, la speculazione astratta, l’arrogante presunzione dell’intelletto, le sofisticazioni del sapere, della cultura, nonché delle arti e delle scienze tradizionali », Il Controrinascimento, Bologna, Il Mulino, 1967, p. 200.

64  Ce mot est une variante du substantif « perdigiorno », employé dans la langue italienne actuelle, et signifiant « fainéant ».

65  La narration est constellée d’animaux tels que la licorne, le singe, le cheval, le chien, le basilic, le catoblépas, ou encore le ver à soie.

66 « molto antico e largamente diffuso sia nel folclore sia nella mitologia », Stith Thompson, op. cit., p. 129.

67  « la femina e il servo sono ad un grado medesimo », P.N., p. 716.

68  « è da poco », ibid., p. 716.

69  Roland Barthes, op. cit., p. 200.

70  « Le qual parole intese e ben considerate, il giovane revocò la sua sentenzia e rendette molte grazie al gallo », P.N., p. 716.

71  Dans le recueil Fiabe italiane, fruit de la transcription par Italo Calvino des contes régionaux de la péninsule italienne, le « forcer-à-dire » de l’épouse est mis en exergue dans le titre même : « Il linguaggio degli animali e la moglie curiosa », in Fiabe italiane, Torino, Einaudi, 1956, p. 629-634.

72  André Godin, Erasme : « Pia/impia curiositas », in La curiosité à la Renaissance, Société française des Seizièmistes, Actes réunis par J. Céard, 1986, p. 32.

73  Marc Fumaroli, L’âge de l’éloquence rhétorique et « res literaria » de la Renaissance au seuil de l’âge classique, Genève, Droz, 2002, p. 118.

74  « Tacci, ché io ho un secreto, il quale se tu sapesi, molto ti maraviglieresti e forse ti rallegreresti », P.N., p. 172.

75  Marc Fumaroli, op. cit., p. 140-141.

76  « …il giorno sequente con quattro cavalli sopra un carro per tutta la città menato e con tenaglie affocate attanagliato, [...] lo fecero squartare, dando le sue carni a rabbiosi cani », P.N., p. 75.

77  Denis Crouzet, Les guerriers de Dieu. La violence au temps des troubles de religion, vers 1525 -1610, Seyssel, Éd. Champ Vallon, 2005, p. 258, cité par Renaud Villard, Du bien commun au mal nécessaire. Tyrannies, assassinats politiques et souveraineté en Italie vers 1470-vers 1600, École française de Rome, Rome, 2008, p. 493.

78  « fu uomo guerreggevole, dispregiatore d’Iddio, bestemmiatore de’ santi, omicida, bestiale e dedito ad ogni specie di effeminata lussuria », P.N., p. 127. Pour la description de ser Ciappelletto, voir Decameron (a cura) di V. Branca, Torino, Einaudi, vol.1 et 2, 1992, p. 53-54.

79  « intenta al divino culto e alle orazioni », P.N., p. 128.

80  « ardente amore » / « bestial furore », ibid., p. 128.

81 « Carlo, rimotivi da cotesto tuo pertinace volere, per ciò che per moglie mai non sei per avermi, perché la mia virginità offersi e dedicai a colui che ‘l tutto vede e regge. E quantunque a mio mal grado con violenza il corpo mio macchiasti, non però la ben disposta mente, la quale dal principio del mio nascimento al mio fattor donai, contaminar potresti. Iddio ti diede il libero arbitrio, acciò tu conoscesti il bene e il male e operasti quello che più ti aggrada. Segui adunque il bene, che sarai detto virtuoso e lascia il contrario, che è detto vizioso », ibid., p.131.

82  «Appena era fornita la mentale orazione, che Teodosia miracolosamente sparve », ibid., p.131.

83  « il demonio pareva », ibid., p. 132.

84  « […] vedutolo sì diforme e brutto, di molte bastonate il cariccorono e con le pugna, che di ferro parevano, tutto il viso e le spalle li ruppero, né li lasciorono in capo capello […], mai Carlo non puoté aprire la bocca e intendere la causa per che così crudelmente lo percotevano », ibid., p. 132.

85  Joëlle Gardes-Tamine, op. cit., p. 140.

86 «  magica arte », P.N., p. 134.

87  Jean Delumeau, La peur en Occident, Paris, Fayard, 1978, p. 500.

88  « la religione costituita e le istanze magico-tradizionali », Eugenio Battisti, op. cit., p. 172.

89  « Io Andrigetto da Valsabbia, infermo del corpo e sano dello intelletto, lascio l’anima mia al gran diavolo dell’inferno », P.N., p. 654.

90  « di non poco ammaestramento e dottrina », ibid., p. 659.

91  « santissimo corpo del venerando e divino Agostino, martello de gli eretici, lume e chiarezza della religion cristiana », ibid., p. 659.

92  Augustin (Saint), Confessions, Paris, Gallimard, 1993, livre IV, p. 116.

93  Selon Saint Augustin, l'orateur chrétien « doit aimer mieux plaire par le fond que par la forme, et estimer que rien n'est mieux dit que ce qui est dit avec plus de vérité ; car le docteur n'est pas au service des mots, mais ce sont les mots qui sont au service de la doctrine », in La doctrine chrétienne, texte de l'édition bénédictine, 1949, Paris, Desclée de Brower, IV, XXVIII, 61.

94  Marc Fumaroli, op. cit., p. 123.

95  « vita molto laudevole e santa » /« ammonizioni sagge », P.N., p. 660.

96  « affermando sé esser uomo da bene, di buona vita », ibid., p. 661.

97 « Signori pietosi, umani e amatori di giustizia, voi avete veduta e chiaramente conosciuta la costanza mia ne’ tormenti ; né è meraviglia, percioché allora voi martorevate le carni morte, ma quando voi tormentavate Bargetto, unico mio figliuolo, allora tormentavate le carni vive », P.N., p. 664.

98  « intesa la causa volse del tutto assolverlo », ibid., p. 664.

99  « [...] di lui fin al dì d’oggi si fa memoria ad essempio di buoni e dannazione di tristi », ibid., p. 665.

100  Joëlle Gardes, op. cit., p. 85.

101  Gérard Polizzi, « Blanc est le champ, noire la semence : l’énigmatique littéraire à la Renaissance », Réformes, Humanisme, Renaissance, n° 59, déc. 2004, p. 61.

102  Voir à ce propos, Emilio Speciale, « Il gioco della conversazione », in Passare il tempo. La letteratura del gioco e dell'intrattenimento dal XII al XVI secolo, Atti del convegno di Pienza, Roma, Salerno editrice,1991, p. 713-719.

Pour citer ce document

Par Rosaria Iounes-Vona, «Secret, révélation et violence dans les favole et enigmi de Giovan Francesco Straparola (1480 ? – 1557 ?)», Shakespeare en devenir [En ligne], N°5 — 2011, Shakespeare en devenir, III. Violence and popular culture: from tale to stage, mis à jour le : 10/02/2022, URL : https://shakespeare.edel.univ-poitiers.fr:443/shakespeare/index.php?id=555.

Quelques mots à propos de :  Rosaria Iounes-Vona

Professeur agrégé, Rosaria Iounes-Vona est Maître de Conférences en langue et littérature italiennes à l’Université Paul Verlaine-Metz depuis 2008. Après une thèse de doctorat consacrée à Giovanfrancesco Straparola (1480-1557) et à son recueil, Le piacevoli notti (Venise 1551-1553), elle consacre aujourd’hui ses travaux à la nouvelle, à l’énigme littéraire et au théâtre italiens du XVIe siècle, avec un intérêt particulier pour les auteurs du nord de la Péninsule. ...