Entretien avec Éric Challier, acteur
Entretien mené par Pascale Drouet – réalisé à Paris, le 12 juin 2015


Publication en ligne le 09 octobre 2015

Texte intégral

Entrée en matière

1Pascale Drouet : Éric, il me semble que tu as commencé ta carrière théâtrale assez tôt, autour de 1989 peut-être, avec Cheval Fondu, dans une mise en scène de Marcel Gallo. Récemment, tu incarnais magistralement le duc d’York dans le deuxième cycle du Roi Henri VI monté par Thomas Jolly. J’aimerais, au cours de cet entretien, que nous abordions les événements marquants qui ont ponctué un beau parcours théâtral déjà riche de vingt-six années.

2Éric Challier : Je me souviens très bien de ma première pièce, j’avais seize ans : c’était Mangeront-ils de Victor Hugo. C’était mon premier cachet. Ça devait être en 1982. Mon premier rôle, et mon premier cachet avec lequel je me suis payé une guitare électrique. Et c’était le rôle du jeune premier ! Nous étions sept sur le plateau et, malheureusement, nous jouions souvent devant huit personnes dans une salle obscure de Chambéry.

3Après mes deux années à l’école de St Étienne, Marcel Gallo, qui était un des acteurs permanents de la Comédie, m’a engagé, en 1989, pour « Cheval fondu », un spectacle inspiré entre autres des œuvres de Chaval qui était dessinateur à La Montagne et dont un croquis était légendé ainsi : « Homme perdu s’il ne rêve pas ». On y voyait, sur une falaise, un homme poursuivi par un rhinocéros courir vers l’abîme. Le spectacle était dans cette veine-là, plein de poésie, de rêve et de burlesque. On jouait une Gymnopédie de Satie à deux mains. Le souvenir de ce que j’ai découvert avec Marcel Gallo est très prégnant. D’ailleurs, cette légende de Chaval reste dans mon panthéon de phrases fortes. Je crois beaucoup au pouvoir du rêve. Quand on fait le métier d’acteur, il faut rêver très fort pour que ça arrive, et croire en sa bonne étoile.

4Des éléments saillants… il y en a eu un certain nombre !

5Le travail avec Gildas Milin sur L’Ordalie. C’était la première fois que je travaillais pour un jeune auteur metteur en scène, en effectuant un vrai travail de recherche au plateau, en faisant des allers retours entre le texte sur le papier et sa concrétisation sur scène. Il fallait se demander comment mettre le texte à l’épreuve et comment l’amender. On pouvait amener notre touche personnelle et faire des propositions de réécriture que Gildas acceptait ou pas. Le spectacle avait créé le « buzz », comme on dit maintenant : toute la critique était venue et il avait déclenché des réactions passionnées et passionnelles parmi les spectateurs. Il y avait même failli avoir une échauffourée un soir dans la salle !

6J’ai aussi travaillé avec Côme de Bellescize pour Amédée. Et avec Pierre-Yves Chapalain pour La Brume du soir. La prochaine pièce que je vais jouer sera aussi l’œuvre d’un auteur metteur en scène. J’aime ce travail d’allers retours entre l’écriture et sa matérialisation : on voit ce qui fonctionne ou pas à l’épreuve du plateau ; on met les mains dans le moteur et on change les pièces en trop ou défectueuses.

Le travail sur le personnage

7P. Drouet : Quand tu sais que tu vas jouer un personnage, comment t’y prends-tu ? Quel travail préparatoire fais-tu ?

8Éric Challier : Quand c’est un personnage historique, je me renseigne sur sa biographie, son époque ; j’amasse un certain nombre de données factuelles. Je n’ai pas d’idée préconçue du personnage, de ce qu’il doit être. J’aime cette phrase de Pierre Soulages qui dit : « c’est en peignant que j’apprends ce que je cherche ». C’est à l’épreuve du plateau que se construit le personnage. Il ne se construit pas tout seul, mais en interaction avec les autres. Il y a de multiples développements potentiels, puis il y a des choix à effectuer.

9J’ai bénéficié de l’enseignement de Stuart Seide qui travaillait sur le concret du plateau, avec toujours ces questions à l’esprit : à qui parle-t-on ? À un partenaire, au public, à soi-même ? Après, il s’agit de varier les formes du corps : où se situe-t-on dans l’espace, qui va-t-on mettre en gros plan ? Être central sur un plateau ou être sur ses bords, ça ne raconte pas la même chose.

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Le Duc d’York (Éric Challier)

© Nicolas Joubard

10Dans Henry VI, au tout début du travail sur la scène de la guerre des Deux Roses, c’est moi qui me mettais au milieu, sur le promontoire. Puis, petit à petit, j’ai atterri sur la marge. En tant qu’Éric Challier, ça me contrariait : j’étais jaloux du centre. C’est alors que j’ai eu cette révélation : là était la place de Richard Plantagenet. C’est un personnage qui est à la marge ; son père a été condamné pour trahison et exécuté, et on a retiré à sa famille tous ses titres et ses biens. Et que va faire Richard Plantagenet ? Il va essayer de conquérir le centre. On sent sur un plateau quand on est mal placé. Les répétitions te permettent de trouver la place juste de ton personnage sur le plateau. Quand on est mal à l’aise sur scène, c’est qu’on n’a pas trouvé sa juste place, trouvé son endroit au monde, l’endroit juste du personnage dans cette séquence.

11Par exemple, j’ai adoré jouer de dos quand le cadre rigide de la Cour va se déliter, qu’il n’y a plus de face publique, plus de protocole. Thomas Jolly part de l’ancien monde protocolaire qui va être mis en pièce. Au début, les corps des acteurs ne se regardent pas, puis ils vont se tourner les uns vers les autres pour s’entredévorer.

12Après, pour chaque personnage que j’incarne, je me livre à un travail textuel, sur le sens du texte et sur sa rythmique. Je travaille les textes musicalement – J’aurais adoré être une star de rock. J’ai vite revendu ma première guitare pour m’acheter une batterie.

13Mon travail est rythmique. Si le texte est bien écrit, on y trouve une charpente, une matière à mâcher qui porte le comédien. J’ai travaillé des textes de Jean Giono, de Shakespeare, de Laurent Gaudé : ce sont des matières extrêmement sensuelles, fortes, puissantes. Je pense à cette citation, que j’aime beaucoup, de l’acteur Claude Rich : « Je compose une petite musique qui ressemble à un homme ». Je trouve ça très juste. Je ne travaille pas avec la psychologie du personnage, je n’ai pas de point de vue sur le personnage, sur sa pensée : je laisse ça au spectateur. Par contre, je compose une musique qui peut être flottante, variable, variée selon les soirs. La musique se fait aussi avec les autres sur le plateau et dans la salle.

14En général, je ne pense pas en termes de personnages que j’aurais envie de jouer ou pas. Sauf, très jeune, quand je voulais jouer le misanthrope, parce que je l’étais.

15J’ai plutôt des envies d’univers. J’adore l’univers de Pierre-Yves Chapalain. Il crée des univers qu’on ne voit nulle part ailleurs. Il est allé puiser dans les tragédies grecques. Il y a une puissance du texte et de ces histoires qui ont un rapport direct avec la mythologie et la famille. On sent les Atrides. Et il mêle à ça une loufoquerie, à un univers décalé. On perçoit une menace qui sourd dans les pièces qu’il met en scène, d’où un univers extrêmement particulier.

16Il y a de jeunes metteurs en scène avec lesquels j’aimerais travailler : Guillaume Vincent, par exemple. Il s’inscrit dans une filiation où l’on sent la force des mises en scène allemandes. On trouve dans son théâtre beaucoup de fantasmagorie et de terreur.

17J’aimerais beaucoup retravailler avec Gilles Chabrier – qui jouait Warwick dans Henry VI. C’est un ami et, en tant que metteur en scène, il a une recherche plastique, une approche très graphique du plateau.

18Retravailler avec Thomas Jolly me plairait aussi énormément.

19Dernièrement je suis allé voir Visage de feu monté par Martin Legros – qui jouait le bâtard d’Orléans, puis le jeune Clifford dans l’Henry VI de Thomas Jolly. Il y avait une puissance de l’image, une puissance du jeu, un jeu très rigoureux sans être formel, et c’est extrêmement rare. J’ai eu un vrai coup de cœur. Ils vont rejouer Visage de feu en novembre au Théâtre Monfort à Paris. À voir absolument. On est cueilli émotionnellement.

20P. Drouet : T’arrive-t-il d’être hanté par un personnage quand tu quittes le plateau ?

21Éric Challier : Non, je ne crois pas au personnage. Le personnage, ce n’est pas mon affaire. Pierre Soulages dit que « le tableau est un objet sur lequel se font et se défont les sens qu’on lui prête ». Le sens est dans l’espace intermédiaire. Au théâtre, c’est pareil. Je fais des aplats, je fais des touches de peintures juxtaposées, et c’est l’ensemble de ces touches qui vont avoir un sens, mais c’est le spectateur qui va interpréter, pas moi. C’est le spectateur qui va donner un sens à mon travail, à la juxtaposition des signes que j’émets sur le plateau.

22Ce qui ne veut pas dire que je ne suis pas touché par ce que je fais. Car, dès le début, mon travail a à voir avec la sincérité, l’honnêteté de l’émotion par rapport au texte ; il faut être sincère dans ses émotions. Je n’ai rien à voir avec un quelconque formalisme ; je rentre dans le texte. Le sens est là pour peu qu’on soit bon comédien, c’est le b à ba. Mais il faut aller au-delà pour que les spectateurs sortent d’une représentation « remués moléculairement », qu’ils aient véritablement vécu quelque chose. Sinon autant rester chez soi et lire un livre.

L’expérience shakespearienne

23P. Drouet : Shakespeare n’a pas été absent de ton répertoire ; il a même été régulièrement présent. Tu as incarné Marc Antoine dans le Jules César de Jacques Rosner en 1996, puis, un an après, tu étais Ross dans le Macbeth de Stuart Seide. En 1999-2000, on t’a retrouvé dans Le Roi Lear, dans le rôle d’Albany pour une mise en scène de Philippe Adrien au Théâtre de La Tempête. Et juste après, en 2001, tu montais à nouveau sur les planches pour le Macbeth de Sylvain Maurice, mais cette fois dans le rôle de Macduff. En 2004, tu as à nouveau été Antoine, cette fois, non pas celui qui retourne la foule contre les conspirateurs et assassins de César, mais celui qui perd la tête pour Cléopâtre, dans la mise en scène d’Antoine et Cléopâtre de Stuart Seide. En 2007, tu prêtais corps au bâtard du Roi Lear, Edmond, dans la mise en scène de Laurent Fréchuret. Enfin, ces dernières années (2012-2016), Richard Plantagenêt, le duc d’York, puis Charlotte de Savoie, dans les deux cycles consacrés à Henry VI. Quel parcours !

24J’aimerais qu’on revienne sur ce dialogue que, depuis vingt ans, tu as avec les personnages de Shakespeare.

25Te sens-tu un lien particulier avec ce dramaturge ? Avec ses personnages ? Avec sa langue ? Avec ce qu’il nous fait comprendre de l’humain ?

26ÉricChallier : En réalité, je réagis par rapport aux propositions qu’on me fait. J’ai toujours eu la chance de pouvoir choisir ce qui me plaisait dans ce qu’on me proposait, ce qui est un luxe dans notre métier.

27 Shakespeare, c’est le théâtre du monde, foisonnant de thématiques.

28Si le cycle d’Henry VI fonctionne si bien, c’est que Shakespeare est l’inventeur de la série historique. Les classiques français, eux, se sont comprimés avec leur règle des trois unités. Ce qu’il y a de fort dans Henry VI, et dans toutes les pièces de Shakespeare, c’est qu’on a des intrigues politiques, des intrigues amoureuses, qu’on voit l’impact que les dissensions entre les hommes de pouvoir ont sur les gens du peuple. Toutes les strates de la société apparaissent sur scène. C’est le monde entier porté à la scène. Avec cette alternance de tragédie et de comédie au sein d’une même pièce, et, ça, c’est la vie ! Je pense à la phrase de Peter Brook : « le diable, c’est l’ennui », on ne s’ennuie jamais chez Shakespeare. L’Henry VI de Thomas Jolly est vraiment une geste théâtrale qui s’envole sur dix-huit heures, on suit les cinquante ans de règne de ce pauvre Henry qui s’achèvent sur l’avènement de Richard III : c’est impressionnant ! On est passé par mille couleurs, par mille états. Thomas Jolly a cette qualité-là d’avoir compris ça et d’avoir une force de l’image et une variété dans les images qu’il propose. Il ne se répète jamais. Du coup, on est happé, hameçonné, fasciné.

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Le Duc d’York avec ses fils (Éric Challier) – photo 9577

© Nicolas Joubard

29P. Drouet : Macbeth est l’une des tragédies les plus jouées du répertoire shakespearien. Elle apparaît d’ailleurs à deux reprises dans ton parcours. Comment réagit-on quand on sait qu’on va jouer pour la énième fois la scène où Macduff tue Macbeth ?

30Éric Challier : Précisons d’emblée que je n’ai pas encore eu le rôle que je voulais !

31Ce qu’il y a de fort chez Shakespeare, ce sont ces phrases qui résonnent, ces tirades d’autres comédiens jouant d’autres personnages. Dans Macbeth, il y en a un certain nombre : « Present fears are less than horrible imaginings », les peurs réelles sont moindres que celles que l’on imagine. Ou « What’s done cannot be undone », ce qui est fait ne peut être réparé. Ces phrases portent une connaissance de l’humain imparable. Et pour le célèbre monologue « Tomorrow and tomorrow and tomorrow… », c’est le poids de la faute.

32Il y avait une mise en scène magnifique de Jürgen Gosch, très pauvre dans ses moyens, avec seulement des acteurs masculins, nus sur le plateau, au nombre de sept. Il y avait beaucoup d’hémoglobine, les sorcières urinaient et déféquaient, et le plateau, couvert d’une bâche noire, était peu à peu recouvert de liquides divers. Pour la scène du banquet, Macbeth balançait de la farine sur la table. Les convives applaudissaient pendant au moins cinq minutes, car ils savaient que celui qui s’arrêterait d’applaudir se ferait exécuter. La terreur était palpable. Peu à peu la farine, mêlée aux divers liquides et à la sueur, leur collait au corps, formant comme des bubons, et on avait petit à petit en face de nous la vision de corps pourrissants. Et qu’est Macbeth si ce n’est un monde marqué par la faute et qui se corrompt ? C’est une mise en scène qui m’a marqué.

33P. Drouet : Quelle expérience extraordinaire ça a dû être d’incarner d’abord le Marc Antoine de Jules César puis celui d’Antoine et Cléopâtre ! Quel Antoine t’a le plus apporté et auquel penses-tu avoir le plus apporté ? Pas évident d’incarner Marc Antoine après les adaptations cinématographiques magistrales de Marlon Brando et de Richard Burton, si ?

34Éric Challier : C’est extraordinaire, ce pouvoir de la parole qu’a Marc Antoine !

35Ma Cléopâtre était Hélène Lausseur. On s’était rencontré dans Le Quatuor d’Alexandrie qu’avait adapté Stuart Seide où la même histoire est racontée de plusieurs points de vues. Même scène, même mise en scène, mais depuis des points de vue différents. J’étais Nessim. On a eu deux mois pour répéter. On avait le texte, et on faisait des propositions : pour l’adaptation, il y avait des allers retours entre nous et le metteur en scène. C’était un travail passionnant et enthousiasmant. Et l’apothéose, c’était de le jouer sous les étoiles, à la Carrière Boulbon, ce lieu mythique où avait été joué le Mahabharata. C’est en nous voyant jouer ces deux rôles-là dans Le Quatuor d’Alexandrie que Stuart Seide nous a proposé de jouer Antoine et Cléopâtre.

36C’est rare pour un comédien de pouvoir jouer tout le parcours d’un personnage théâtral.

37P. Drouet : Tu as joué dans deux mises en scène du Roi Lear où tu incarnais deux personnages très différent : le duc Albany, « aux entrailles de lait », et Edmond, le bâtard, le frère ennemi, le « villain ». Que se passe-t-il quand on aborde une pièce sous deux angles si différents, voire radicalement opposés ?

38Éric Challier : Oui, ce sont deux personnages antinomiques. Je me demande alors ce qui en moi résonne dans les mots de tel ou tel personnage ? Ça peut être juste une phrase qui résonne assez puissamment pour construire une sorte de trame qui va se matérialiser en un personnage.

39Chez Edmond, il y a une chose très belle, du moins très étonnante : pendant toute la pièce, il croit pouvoir se jouer du monde sans aucun état d’âme, puis, lors de sont dernier souffle, il va tenter de sauver Cordélia. Besoin de rédemption ou peur de la mort ?

40P. Drouet : Puisque c’est encore très frais, j’aimerais que tu nous fasses part de ton expérience dans Henri VI. Qu’éprouve-t-on quand on incarne le duc d’York ? Quel texte magnifique et quelle performance d’acteur !

41Éric Challier : Ce qui est passionnant avec Henry VI, c’est qu’on suit tous les personnages sur cinquante ans ! C’est une vie ! York, on l’accompagne depuis ce jeune homme qui ne comprend pas pourquoi il a été mis au ban de l’aristocratie, alors qu’il est potentiellement le roi et qu’on le somme de récupérer le trône d’Angleterre. Il va s’en faire une mission. On le voit grandir, devenir père. Et puis mourir. On l’accompagne dans sa mort. C’est rare de vivre une vie entière sur scène.

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La mort du Duc d’York (Éric Challier) – photo 9602

© Nicolas Joubard

42Mourir sur scène, c’est ce que j’ai fait le plus au théâtre ! On choisit sa mort. Une des questions que nous posait Stuart Seide, c’était : comment meurt ton personnage ? Stuart était passionné par la façon de représenter la mort au théâtre. Moi aussi, ça m’a toujours passionné. Ça en dit long sur la vie du personnage…

43C’est quelque chose que j’avais beaucoup aimé dans Le Roi Lear de Laurent Fréchuret où je jouais Edmond. Ce personnage qui toute sa vie veut devenir légitime et prendre le pouvoir, qui veut le centre du plateau, le centre du monde, le voici qui meurt au fond de la scène et personne ne s’en rend compte. Quelle ironie !

44P. Drouet : Dans ce parcours shakespearien, aucune comédie ? Choix ou hasard ?

45Éric Challier : On ne me propose jamais de comédie. Pourtant, de quatorze à dix-huit ans, j’ai fait du théâtre de boulevard. Je dois dégager quelque chose qui a priori ne fait pas hurler de rire.

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Le Duc d’York (Éric Challier)

© Nicolas Joubard

46Mais, dans Henry VI, il y a tout de même eu Charlotte de Savoie ! Pour moi, c’était un véritable souhait ; j’avais envie de finir les dix-huit heures d’Henry VI avec une note plus légère. J’ai incarné Charlotte de Savoie, mais j’aurais tout aussi bien pu être une suivante ou une bonne. Thomas Jolly a inventé le rôle et je me suis amusé. C’était tout à fait plaisant. Et c’était un jeu aussi pour le spectateur. Le spectateur voit l’acteur se vider les tripes dans la pièce, puis on a ce pied de nez quand il le retrouve sous les traits de Charlotte.

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Charlotte de Savoie (Éric Challier) – photo 5710.

© Nicolas Joubard

47Dans Henry VI, j’ai pris plaisir à détester et à aimer dans la démesure. C’est un plaisir infini qu’on éprouve à jouer des personnages hors-norme, à se sentir en prise avec l’univers, les pieds ancrés dans la glaise, la tête au firmament avec la puissance du cosmos comme colonne vertébrale.

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Le Duc d’York (Éric Challier)

© Nicolas Joubard

48P. Drouet : Quel rôle shakespearien t’a le plus marqué ?

49Éric Challier : Marc Antoine dans Jules César et le duc d’York. Et j’aimerais bien, un jour, jouer Macbeth.

Dans l’avenir proche

50P. Drouet : Quels sont tes projets pour la saison à venir ?

51Éric Challier : La saison prochaine, je vais travailler avec un auteur metteur en scène, Cyril Dubreuil qui va monter une pièce d’anticipation qu’il a écrite et qu’il va mettre en scène. Il met en scène un monde d’où toute violence est bannie. Je vais jouer un androïde qui va accéder à à l’émotion et à la conscience de soi.

52P. Drouet : Merci, Éric. Ce sera un plaisir de te redécouvrir sur scène dans de nouvelles peaux.

Pour citer ce document

, «Entretien avec Éric Challier, acteur», Shakespeare en devenir [En ligne], L'Oeil du Spectateur, N°8 - Saison 2015-2016, Autour de Shakespeare - Espace libre, mis à jour le : 09/10/2015, URL : https://shakespeare.edel.univ-poitiers.fr:443/shakespeare/index.php?id=894.